Interview de Jon Smith, super-agent de joueurs

Moins médiatisé que Jorge Mendes ou autre Mino Raiola, Jon Smith a été tout aussi influent dans le milieu du football. De 1980 à 2012, le boss de la « First Artist Agency » a négocié les contrats de joueurs emblématiques, tels que Maradona, Makelele ou encore Ljungberg. Un business mondial pour l’homme d’affaires, devenu « super-agent ». En marge de la sortie de son livre, « The Deal: Inside The World of a Super-Agent », l’homme a posé son regard sur l’évolution du métier dans le football moderne. Il révèle surtout quelques secrets bien gardés. Extraits.

Jon, vous avez été un célèbre super-agent. A quoi vous occupez-vous aujourd’hui?

J’ai parlé de la Chine avec West Ham et je suis en pourparlers avec l’université de Pékin qui cherche un club de foot professionnel auquel passer ses meilleurs joueurs. Le gouvernement chinois a décrété qu’il voulait faire du football son premier projet de développement. La Premier League y est un événement télévisé de telle envergure que les Chinois sont de plus en plus intéressés pour faire partir des joueurs chinois en Angleterre. Car jusqu’à présent, la Chine n’a pas produit de joueur de renom.

Pouvez-vous nous parler de l’influence des joueurs, et de sa relation avec l’agent ?

Elle est bipolaire. Vous avez la position du joueur qui est heureux ou ne l’est pas. C’est souvent une question de ce que nous appelons ‘wage drag’. Dans les vestiaires, les joueurs se renseignent autour d’eux et comparent leurs salaires avec ceux des autres. Ils ne mettent pas longtemps à se dire « Je joue aussi bien que lui, sinon mieux ».

Prenons l’exemple de Raheem Sterling. Il était d’avis qu’il devait gagner plus, mais c’est mal vu par les supporters quand on est leur héros. Il doit avoir parlé de la situation avec son père, son agent Aidy Ward et ses amis. Et son agent lui a sans doute parlé de l’opportunité unique qu’il avait de poursuivre sa carrière chez Manchester City et peut-être d’y gagner plus d’argent.

Puis vous avez la position de l’agent. Il peut se faire de l’argent seulement deux fois par an. Il a donc beaucoup moins souvent l’occasion de profiter d’une opportunité. Quand la chance se présente, il doit la saisir. Devant les limites financières imposées aux clubs par les banques quant à leurs dépenses d’une part et le fair-play financier de l’autre, il peut arriver qu’environ 85 à 90% des revenus partent dans les salaires des joueurs. C’est vraiment bizarre. Arsenal, par exemple, dépense actuellement environ 65 à 70% de ses revenus en salaires. Cela oblige les agents sous pression à obtenir des deals. Car dans un an, tel ou tel joueur peut être moins bon. Il peut avoir été blessé et perdre énormément en valeur marchande.

Ce qui est intéressant, c’est que selon les règles de la FIFA tout le monde peut devenir intermédiaire. Nous avons aujourd’hui en Angleterre 1 100 intermédiaires, soit une hausse d’environ 60% en moins d’un an. Le problème, c’est que pas mal de ces nouveaux venus n’ont aucune notion de ce dont ils parlent. Ils ont « obtenu » un joueur par simple lien d’amitié ou familial. Dans ce pays, les nouveaux agents doivent apprendre comment fonctionne le système. Un agent expérimenté sait ce que cherche Manchester City, connaît les limites du budget, sait qui noue les contacts, avec qui il faut parler…

Si vous vous appelez Tartempion et que vous ignorez ce genre de choses, vous finissez par désespérer de conclure un transfert au point d’appeler le Daily Mirror pour lui vendre votre histoire. Il n’y pas mieux pour fâcher les clubs. Vous tenez en équilibre sur une corde fine et quand on est un jeune intermédiaire, qui n’a qu’une poignée de clients, il faut être prudent. Dans le cas de Sterling, il y avait deux organisations qui se partageaient le butin. Sterling est quelqu’un de très têtu et il voulait conclure son deal au plus vite. Dès que les medias flairent que tout ne se passe pas selon les règles, ils sont dessus.

Comme vous le disiez, le temps des affaires est bref et les agents de moindre importance ont besoin d’un transfert pour gagner leur vie. Peut-il y avoir des ‘accords secrets’ entre agents dans lesquels un agent force un deal pour un autre agent et déclenche une sorte d’effet domino ?

Absolument. Les plus grands agents sont en permanence en discussion entre eux – c’était le cas lorsque j’ai créé l’Association des Agents. Aujourd’hui, dans le monde des agents, les loups se mangent moins entre eux qu’à l’époque. Il existe maintenant un certain nombre de règles pour éviter que les agents fassent deux transferts pendant la même période. Mais vous pouvez passer le même joueur à un autre agent.

C’est plus une question de connaître le club qui achète et celui qui vend et d’agir dans l’intérêt du joueur. Pour y parvenir, vous vous faites aider par un autre agent et vous vous partagez la commission. De ce point de vue, il est intéressant qu’on parle d’harmoniser les tarifs des agents et de les fixer à 3%. Ce qui n’est pas une bonne chose, à mon avis.

On a souvent une mauvaise opinion des agents à cause de l’aspect financier. Et le fan moyen veut bien évidemment qu’un joueur reste fidèle à son club. Les agents veulent-ils que leurs joueurs partent pour qu’ils puissent toucher leur commission ou faut-il prêcher la fidèle au club?

Dans le jeu actuel, les agents veulent que les joueurs changent de club, cela ne fait pas de doute. C’est pourquoi il y a tant d’agents, et si peu de bons. On met souvent en doute la moralité des agents sportifs, mais je suis plutôt d’avis que l’affaire est bipolaire. On peut prendre la bonne décision en laissant un joueur dans son club à une commission plus faible et en le déplaçant pour une commission plus élevée. On peut se trouver dans une situation où les différences sont astronomiques, mais le plus important est d’agir dans l’intérêt du joueur.

Dans la Premier League, nous voyons aujourd’hui davantage de commerciaux s’occuper de football. Comme Ed Woodward pour Manhester United, qui a une formation de marketing. Et le fils de Tony Blair, qui balaie le marché sud-américain afin de contracter des joueurs au moyen d’une propriété de tierce partie.

La carrière de Jon Smith en quelques lignes :

Jon Smith a connu ses premiers succès dans la musique, en tant que producteur. A l’aube des années 1980, il décide de tout vendre et empoche 1M£. Parti prendre du bon temps aux Etats-Unis, Jon tombe en admiration pour le modèle économique sportif américain.

Conscient des enjeux, il décide de rentrer rapidement en Angleterre pour s’inspirer du modèle économique. Fondateur de la « First Artist Agency », Smith décroche son premier contrat avec la sélection anglaise. Le sponsoring en est à ses débuts à la télévision. La société décroche ses premiers contrats avec les publicités présentes tout autour du stade au cours des matchs de l’Angleterre.

Au début des années 1980, il obtient la confiance de Diego Maradona. Un coup de projecteur énorme, qui permet à son agence d’exploser médiatiquement. Pendant plus de 20 ans, Jon Smith négociera les contrats de plus de 200 joueurs à travers le monde…

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