Interview de Jérôme Fernandez

(handball)

Pour la centième interview du site interviewsport.fr, nous avons interrogé l’un des Français au plus beau palmarès. Avec les « Experts », il est l’auteur d’un fabuleux quadruplé depuis 2008. Champion olympique à Pékin, triple champion du monde, double champion d’Europe, il est également le capitaine de l’équipe de France de handball. Voici Jérôme Fernandez.

Jérôme, vous avez remporté un nouveau titre de champion du monde fin janvier. Avez-vous l’impression d’être définitivement entré dans l’histoire du sport mondial avec ce nouveau trophée ?

Oui ! C’est sûr que là, on a encore franchi un palier au niveau de l’histoire de notre sport et du sport français. On a égalé les recordmen de titres mondiaux, qui étaient la Suède et la Roumanie avec quatre titres. Thierry Omeyer, Didier Dinart et moi-même avons de plus rejoint un joueur roumain dans l’histoire du handball avec trois titres mondiaux.

Je pense que c’est aussi un gros palier de franchi au niveau de la cote d’amour qu’ont les gens par rapport à notre équipe. Je crois qu’ils ont aimé la façon dont on s’est bagarré pour ne pas perdre en finale, malgré tout ce qu’on a déjà gagné. Et je pense qu’ils ont beaucoup apprécié notre victoire du mois de janvier !

Dans les dernières minutes de la prolongation de la finale, vous avez été décisif, inscrivant deux buts, dont un penalty important. Racontez-nous un peu comment vous avez vécu ce penalty décisif ?

On s’est retrouvé dans une situation où nos tireurs de penalty étaient plusieurs fois en échec. J’en tire de temps en temps avec l’équipe de France ou en club. Etant le capitaine, c’était un peu normal que je prenne les responsabilités parce que je sentais bien qu’à part moi, il n’y avait pas grand monde qui en avait envie. J’y suis allé sans me mettre trop de pression et ça a fonctionné. Mais quand on regarde l’ensemble de la prolongation, tous les joueurs cadres ont su élever un petit peu leur niveau de jeu pour que l’équipe puisse gagner à la fin.

En 2008, lors des Jeux Olympiques de Pékin, vous avez été blessé et avez dû suivre la fin de la compétition des tribunes. Considérez-vous cela comme la plus grande frustration de votre carrière ?

Oui ! Par rapport à ce qui s’était passé à Athènes, on avait de grosses ambitions sur les JO de Pékin. Le fait de devoir être écarté des terrains à partir du troisième match et de suivre l’aventure des tribunes était très frustrant parce que je ne pouvais pas aider mes copains aux niveaux du jeu et du terrain. J’essayais de les aider au maximum dans la vie de tous les jours, notamment au village olympique, et de continuer à garder la bonne ambiance qu’il y avait dans notre groupe. J’ai fini la compétition très marqué émotionnellement et physiquement. J’aimerais beaucoup dans un an et demi participer aux Jeux de Londres et pouvoir jouer jusqu’au bout !

Depuis 2008, vous avez remporté les JO, deux Championnats du monde et un Championnat d’Europe avec l’équipe de France. Avec un peu de recul, de ces quatre titres remportés consécutivement, quel est celui qui a été le plus dur à gagner ?

Je pense que c’est le dernier. Quand on regarde les Jeux ou le Mondial 2009, on a fait une grosse démonstration de puissance, notamment en finale du Mondial en Croatie. L’Euro 2010 a été très compliqué parce qu’on a démarré en n’étant pas encore à 100% individuellement et collectivement, donc les premiers matchs ont été vraiment difficiles à gagner. Mais finalement, une fois que tout le monde a récupéré son état de forme, la deuxième partie de la compétition a été plutôt très bien gérée.

Là, par contre, on a été très performant sur l’ensemble de la compétition mais je pense qu’on a été confronté à la meilleure équipe qu’on ait jouée ces dernières années. Le Danemark a fait un très beau parcours et a été en plus euphorique avec un joueur qui était en pleine réussite et qui tirait tout le monde vers le haut. C’était vraiment très difficile de les battre parce qu’ils étaient en pleine possession de leurs moyens. On sentait que ce jour-là, ils pouvaient nous battre. Il a vraiment fallu aller chercher dans nos derniers retranchements pour arriver à gagner cette finale !

Avec plus de 1200 buts, vous êtes le meilleur buteur de tous les temps en équipe de France. Est-ce une information à laquelle vous accordez de l’importance ?

Non, pas du tout ! Ce n’est pas quelque chose que je recherche à la base. Les gens qui me connaissent bien ou qui jouent avec moi ont d’ailleurs plutôt tendance à me reprocher de ne pas tirer suffisamment. J’essaie surtout de me concentrer sur ma performance individuelle et d’apporter à l’équipe. Que ce soit en défense ou en attaque, j’essaie d’apporter un complément par rapport aux forces du moment. Donc non, je n’ai pas du tout d’ambitions dans ce domaine-là !

Depuis 2008, vous êtes le capitaine de l’équipe de France. Cela a-t-il changé beaucoup de choses pour vous au niveau de la vie au sein du groupe ?

Dans la vie du groupe, non, parce que le groupe vit très bien depuis plusieurs années, avec énormément de confiance et de respect les uns envers les autres. Par contre, c’est vrai que ça m’a fait du bien parce que je pense que psychologiquement, j’avais besoin de me sentir un peu plus impliqué. Porter le brassard m’a peut-être donné la confiance qui me manquait. Je trouve que depuis 2008, je suis plus régulier et plus performant avec l’équipe.

Quel est le meilleur souvenir de votre carrière en club ?

En club, c’est difficile de choisir. Il y a eu des moments vraiment très forts, notamment le premier titre que j’ai gagné avec Toulouse. Ce n’était certes « qu’une Coupe de France », mais c’était déjà un titre majeur pour moi. J’avais 20 ans et j’arrivais de Bordeaux. Je n’étais pas du tout un joueur confirmé à l’époque et cette saison-là a été fructueuse pour moi : j’ai goûté à l’équipe de France et à la chance de jouer avec mes idoles, et on a remporté un titre avec Toulouse. Jusqu’à maintenant, on avait toujours bien figuré dans le Championnat mais on n’avait jamais gagné de trophée ni inquiété les grosses écuries. Cette Coupe de France a été l’aboutissement d’une très belle saison et c’était vraiment un moment magique.

Sinon, je pourrais citer beaucoup d’autres grands souvenirs. Le Mondial gagné en France était extraordinaire. Les Jeux de Pékin aussi parce que dans notre sport, cela représente énormément d’être champion olympique. C’était donc pour nous une consécration par rapport à la carrière qu’on avait pu faire avec ce groupe-là : on avait déjà été champion du monde et champion d’Europe, et ce titre olympique était vraiment le Graal pour nous. Tous ces souvenirs-là sont très forts, mais en choisir un est vraiment difficile !

L’année prochaine, le Championnat d’Europe a lieu peu avant les JO. Du coup, dans quel état d’esprit partez-vous : voulez-vous absolument gagner les deux compétitions ou bien se servir du Championnat d’Europe comme d’une préparation pour les JO, qui serait alors le gros objectif ?

Ce sera un peu des deux. Je pense qu’on va au Championnat d’Europe avec un maximum d’ambitions parce qu’on est tenant du titre et qu’on a encore envie de gagner et d’être sur la première marche. Mais en même temps, ce sera aussi une bonne façon de se préparer pour les Jeux Olympiques. Etant donné qu’on est qualifié pour les prochaines compétitions, on n’a que des matchs amicaux à faire entre-temps. Du coup ça nous servira de base de travail pour la préparation des Jeux Olympiques. Ce sera donc un petit mélange des deux !

Merci beaucoup Jérôme d’avoir répondu à ces questions !

Remerciements aussi à Nadège Coulet pour son aide.

Crédit photos : ff-handball.org

La carrière de Jérôme Fernandez en quelques lignes :

Jérôme Fernandez est sélectionné pour la première fois en équipe de France en novembre 1997. En 2001, il devient champion du monde. Il devient peu à peu incontournable et prend deux fois la médaille de bronze lors des Championnats du monde de 2003 et 2005. En 2006, il devient Champion d’Europe pour la première fois.

Entre 2008 et 2011, il réalise le fameux quadruplé historique de l’équipe de France de handball. Lors des Jeux Olympiques de Pékin, il remporte la médaille d’or malgré le fait qu’il ait été blessé en début de compétition. En 2009, il gagne le Championnat du monde et en 2010 le Championnat d’Europe. Enfin, en janvier 2011, il remporte de nouveau le Championnat du monde. A noter qu’il est le capitaine de l’équipe de France depuis 2008 et son meilleur buteur de tous les temps.

En parallèle de cette carrière exceptionnelle en équipe nationale, Jérôme Fernandez se distingue également en clubs. Ayant évolué à Toulouse, Montpellier, Barcelone, Ciudad Real (Espagne) et depuis 2010 à Kiel (Allemagne), il a remporté notamment deux Ligues des Champions (2005 et 2009), une Supercoupe d’Europe, quatre Championnats d’Espagne et deux Championnats de France.

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