Interview de Mamédy Doucara

(taekwondo)

MamĂ©dy Doucara est devenu champion du monde de taekwondo en 2001. Pour interviewsport.fr, il se confie sur ses mĂ©dailles mondiales et europĂ©ennes, son objectif de participer aux Jeux Olympiques de 2016 ainsi que sur sa carrière de photographe professionnel qu’il mène en parallèle d’ĂŞtre sportif de haut niveau.

Mamédy, vous êtes devenu champion du monde en 2001 en Corée du Sud. Racontez-vous comment vous avez vécu ce titre alors que vous aviez alors à peine 20 ans ?

C’était assez surprenant pour moi parce que je n’étais pas parti favori. J’avais contracté une blessure trois semaines avant les Championnats du monde et je ne m’étais donc pas entraîné durant cette période. On ne savait même pas si je devais apparaître sur les photos officielles ! Il y a eu de grandes concertations. Finalement, ils ont décidé de tenter l’aventure en m’envoyant aux Championnats du monde pour au moins faire mon expérience. On avait une sacrée équipe et moi, j’étais le petit jeune. Autant moi que le staff technique n’attendions pas forcément un résultat. J’y suis allé la peur au ventre parce que je n’y allais pas avec tous mes moyens. Finalement, une fois arrivé sur la compétition, j’ai pris combat par combat, sans prendre conscience que j’étais blessé et qu’il fallait que je fasse attention à ça. Je me suis surpris à passer des tours jusqu’à obtenir le titre en finale.

Là, j’avais du mal à réaliser ! Je pense que j’en ai pris conscience après, à partir du moment où j’ai essayé de réitérer ce titre et où j’ai vu les regards changer sur moi. C’était mon premier titre donc je suis passé de « personne » à « quelqu’un ». J’ai dû prendre les responsabilités d’un champion du monde assez tôt et assez vite. Ce n’était pas forcément très simple à gérer. La moindre défaite était décuplée en fois deux ou fois trois.

Il faut savoir que je reste le deuxième garçon de l’histoire du taekwondo français à avoir remporté le titre de champion du monde. Ca ne court pas les rues ! C’était donc vraiment quelque chose de spécial d’obtenir ce titre ! Aujourd’hui, Gwladys Epangue et Anne-Caroline Graffe nous ont rejoints dans le cercle.

En 2005, vous avez eu une rupture des ligaments croisés qui vous a éloigné des compétitions de nombreux mois. Cela-a-t-il été particulièrement difficile de revenir à votre meilleur niveau après cette blessure ?

Oui. C’est déjà dur de revenir quand on a une rupture des ligaments croisés, mais revenir à son niveau est encore plus difficile. On repart plus bas que terre : il y a un moment où on ne marche pas. Accepter d’être loin de son réel niveau est une phase assez difficile à traverser. Mais il faut passer par là et se construire avec ça. Cela a duré longtemps avant que je retrouve un genou que je dirais fonctionnel et sans problème.

Je suis revenu au bout de six mois lors de cette blessure de 2005. Après, pendant trois mois, j’ai repris les entraînements et fait une compétition. J’ai ensuite participé à une deuxième compétition et je me suis reblessé au même croisé. C’était en 2006. Ça a été deux ans de rééducation. A partir de 2008, j’ai commencé à retrouver un genou qui ne me posait plus de problème.

En 2008 et en 2010, vous avez remporté la médaille de bronze aux Championnats d’Europe. Ces médailles acquises après vos graves blessures et plusieurs années après votre premier titre ont-elles une saveur encore plus importante ?

Non, pas du tout ! Une médaille de bronze ne remplacera jamais une médaille en or, qui plus est remportée aux Championnats du monde. Mais c’est rassurant car cela prouve qu’on peut encore accrocher des podiums. On se dit qu’on n’est pas largué. Monter sur un podium aux Championnats d’Europe n’est pas négligeable, sachant que le niveau européen est très bon en taekwondo. Cela permet de s’évaluer. Je sais donc que j’en ai encore un peu sous la semelle et que je peux encore aller chercher des titres !

Malgré plusieurs médailles en compétitions internationales, vous n’avez jamais pu participer aux Jeux Olympiques. Cela est-il une grande frustration pour vous ?

Oui, bien sûr. C’est pour ça que je reste. Les Jeux Olympiques sont aujourd’hui mon ambition. Un titre européen ou un titre de champion du monde sont pour moi des étapes. Quand on veut une médaille olympique, des podiums européens et mondiaux permettent de se dire qu’on est dans le vrai. Mais concrètement, je continue uniquement pour les Jeux. Et l’objectif n’est pas juste d’y participer : c’est d’y aller et d’y remporter une médaille !

En parallèle de votre carrière sportive, vous êtes également un photographe professionnel ayant de plus en plus de succès. Quel est le shooting de sportif qui vous a le plus marqué ou dont vous êtes le plus fier ?

Je n’ai pas de fierté par rapport aux sportifs. Je suis plutôt surpris du parcours que je peux avoir dans la photo parce que je suis avant tout sportif de haut niveau. Or, ce que je fais dans la photo, des copains photographes s’intéressant au sport ne l’ont même pas fait ! De par mon réseau, je peux atteindre des personnes beaucoup plus facilement qu’un photographe lambda. Du coup, je me retrouve sur des shootings où je trouve parfois que c’est un peu rapide par rapport au nombre d’années que j’ai dans la photo. Ça ne veut pas dire que le travail n’est pas en adéquation avec les personnes qu’on a en face. C’est juste que je ne pensais pas  que j’allais avoir un book aussi bien étoffé au bout de cinq ans !

A l’occasion des Jeux Olympiques et Paralympiques de Londres, vous avez créé l’exposition « Les Chercheurs d’or » dans laquelle vous avez photographié de nombreux sportifs français. Pouvez-vous nous raconter comment vous avez développé ce projet ?

C’était un projet personnel. Je l’ai proposé à des magazines, qui n’étaient pas forcément partants. C’est ce qui est le plus difficile dans mon travail : vendre un concept ou une idée de manière orale. Je pense que je n’ai pas été assez convaincant parce que ça n’a intéressé personne. Je suis donc parti du principe que j’allais le faire tout seul parce que je croyais en mon idée. J’ai contacté Ladji Doucouré, qui a été mon premier « Chercheur d’or ». Il a accepté avec plaisir et a bien aimé le concept. Au départ, j’étais un peu timide sur mon casting. Je ne voulais pas forcément aller chercher les très gros. Comme les sportifs me faisaient des retours très positifs au fur et à mesure des séances, ça m’a motivé pour en faire de plus en plus. J’ai réussi à en boucler 64.

Mon projet ne juge pas les sportifs en fonction des résultats qu’ils ont en ce moment. Mon choix a été fait parce que ce sont des champions. Ce n’est pas parce que certains d’entre eux n’ont pas pu se réaliser pendant les Jeux que cela ne fait plus d’eux des « Chercheurs d’or ». Le « Chercheur d’or », c’est celui qui sur sa compétition essaie d’aller chercher la première place. Cela n’a pas marché pour lui aux Jeux, mais ça marchera peut-être aux prochains Jeux ou à la prochaine compétition ! Personne n’a refusé. Les 64 sportifs que j’ai photographiés, ce sont les 64 que j’ai démarchés.

J’ai lancé la production du projet en juin. Ça me laissait très peu de temps étant donné qu’à partir de juin, les sportifs s’entraînent à huis clos pour ne pas être partout en même temps. L’avantage, c’est que je fais partie de ce cercle un peu fermé des sportifs, et c’est donc très facile pour moi de les atteindre. Il suffisait que le projet leur plaise pour pouvoir organiser une séance. Sachant qu’ils n’avaient pas forcément beaucoup de temps, je me suis organisé pour faire des shootings qui ne durent pas plus de vingt minutes. Pour certains, je me suis carrément déplacé chez eux pour y faire la prise de vue. J’ai enlevé toutes les contraintes possibles.

Il faut savoir que toutes les expositions pendant les Jeux ne sont qu’une étape : il y aura beaucoup plus de portraits au final. Je vais étoffer la liste des sportifs. Le but serait de sortir un livre au format national, et ensuite éventuellement un second livre au format international contenant uniquement les pointures mondiales comme Usain Bolt par exemple.

En ayant autant de succès dans le milieu de la photographie, ne craignez-vous pas que les gens vous considèrent comme « Mamédy Doucara, photographe à succès »  mais oublient votre côté « Mamédy Doucara, sportif de haut niveau et ancien champion du monde de taekwondo » ?

Je me suis battu au départ pour être reconnu comme un photographe à part entière. En effet, je suis sportif de haut niveau et en France, on n’aime pas les gens qui font trop de choses. J’ai réussi à obtenir cette crédibilité, mais je l’ai tellement obtenue qu’il y en a plein qui me mettent à la retraite (rires) ! Donc aujourd’hui, je me bats pour montrer que je suis toujours là. La meilleure manière de le montrer, ce n’est pas de parler : c’est de faire des résultats. Pour montrer que je suis toujours là, il faut travailler et continuer à être aussi rigoureux.

Les gens pensent que je fais les photos, mes entraînements et que je dois donc me mélanger un peu dans tout. Mais c’est juste une question d’organisation. En semaine, je fais uniquement des entraînements, sauf de manière exceptionnelle une ou deux fois dans l’année. Je réserve mes créneaux de prise de vue uniquement sur les week-ends. Autant dans le sport que dans la photo, on ne peut pas se contenter de ce qu’on a fait dans le passé. On met du temps à se rendre crédible, mais cela peut aller très vite quand on déçoit les gens.

Pour finir, quels sont vos prochains objectifs sportifs ? Envisagez-vous une participation aux Jeux Olympiques de Rio en 2016 ?

C’est mon objectif. Comme je l’ai dit, si je reste dans le taekwondo, c’est uniquement pour ça. Je n’ai pas d’autre intérêt à rester dans le taekwondo si ce n’est me construire pour pouvoir obtenir une médaille olympique un jour.

Merci beaucoup Mamédy pour votre disponibilité et bonne continuation dans vos différents projets !

CrĂ©dits photos : Sylvain Sauvage (photos 1 et 3) et MamĂ©dy Doucara / Les Chercheurs d’or (photo 2)

La carrière de Mamédy Doucara en quelques lignes :

Mamédy Doucara termine 3e de l’épreuve de Coupe du monde de Lyon en 2000.  En 2001, il remporte le titre de champion du monde des -78 kg en Corée du Sud. Il a alors à peine 20 ans.

En 2008, il obtient la médaille de bronze aux Championnats d’Europe disputés à Rome (Italie). Il ne parvient cependant pas à se qualifier pour les JO de Pékin. Il décroche de nouveau le bronze deux ans plus tard aux Championnats d’Europe de Saint-Pétersbourg (Russie).

Multiple champion de France, Mamédy Doucara a aussi commencé en parallèle une carrière de photographe professionnel. Il a notamment créé les expositions « Reflets » et « Les Chercheur d’or », dans lesquelles de grands sportifs français prennent la pose. Aujourd’hui âgé de 31 ans, Mamédy Doucara a désormais pour objectif les Jeux Olympiques de Londres 2016 à Rio.

Pour en savoir plus sur le côté photographe de Mamédy, visitez son site officiel : www.kelebarapictures.com

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