Interview de Matthieu Péché

(canoë)

Lors des Jeux Olympiques de Londres en août dernier, Matthieu Péché a terminé quatrième de la finale de slalom canoë biplace. Avec son coéquipier Gauthier Klauss, il a été privé d’une médaille à cause d’une porte touchée en fin de parcours. Il revient pour nous sur son expérience olympique et sur le duo qu’ils forment en compétition.

Matthieu, tu as participé aux Jeux Olympiques de Londres en août dernier en canoë biplace avec ton coéquipier Gauthier Klauss. Etant donné l’importante concurrence en France dans cette discipline, la qualification pour ces JO avait-elle été particulièrement éprouvante ?

C’était des sélections, ce qu’on appelle chez nous des « piges ». Ça se passait à Pau, un bassin où on s’entraîne au quotidien (avec mon collègue Gauthier, on est en colocation et on fait nos études ensemble à Pau, en Ecole de Commerce). Tous les autres canoës biplaces français étaient aussi à Pau donc tout le monde connaissait très bien le bassin.

Il y a trois courses lors des « piges », et on est sélectionné d’office en en remportant deux. On a gagné les deux premières courses : ça s’est donc fait assez vite, en deux jours. On a ensuite pu regarder sur le bord les autres catégories et notamment voir Tony Estanguet « galérer » pour se sélectionner pour les Jeux.

On avait tout axé sur ces sélections et sur cette date-là car on savait que si on loupait ça, on ne pouvait pas aller à Londres. Depuis 2009, on s’était dit avec Gauthier qu’on allait tout mettre en œuvre pour aller aux Jeux. Quand on etait entré à l’Ecole de Commerce à Pau, on avait exposé notre projet au Directeur, qui était d’être diplômé et d’aller aux Jeux Olympiques en 2012 !

Lors de la finale des Jeux Olympiques, toi et Gauthier avez touché une porte en toute fin de parcours, ce qui vous a privé d’une médaille. Trois mois après cette finale, cette erreur et cette quatrième place restent-t-elles une énorme frustration ?

Oui, car on y repense souvent. Les semaines qui ont suivi étaient dures. On est quand même resté aux Jeux pour aller voir deux ou trois épreuves, mais on n’est pas resté jusqu’au bout. Certains jours, je me refaisais dix fois la manche dans ma tête : toujours le bas de la course, là où on a raté.

Après, on a eu deux Coupes du monde pour terminer la saison. Lors de la Coupe du monde à Prague, on a terminé deuxième, sans entraînement. Cela nous a remis dans le bain et c’était bien de revoir tout le monde sur le circuit international. Après la Coupe du monde à Bratislava, on a vraiment coupé. Et début novembre, on a clôturé notre saison par la finale Nationale 1 de canoë-kayak, qu’on a gagnée.

Cette quatrième place est dure parce qu’aux Jeux Olympiques, une médaille est un aboutissement. C’était notre rêve. Etre passé si près, ce n’est pas descriptible. Et puis on se dit qu’on loupe plein de choses. On est un sport amateur : heureusement qu’on a nos parents pour nous aider car on a deux ou trois sponsors mais ça ne nous permet pas de vivre. Une médaille pouvait tout changer : basculer dans le monde professionnel, faire plein de rencontres, être invité à droite à gauche. Or là, on n’a rien. On est passé de la lumière à l’ombre. Quand tu es athlète olympique, tout est beau autour de toi jusqu’à ta course. Après, soit tu es médaillé, tu passes dans les médias et tout le monde te connaît, soit tu n’as pas de médaille et tu restes dans l’ombre. En fait, on s’est entrainé et entrainé, et il n’y a pas eu au bout la cerise sur le gâteau. Rester dans l’ombre et voir à côté ceux qui sont dans la lumière, c’est dur !

Qu’est-ce-qui t’a le plus marqué lors de ces Jeux Olympiques de Londres ?

Il n’y a pas un événement en particulier : c’est la globalité. Il y a l’arrivée au village olympique, la rencontre d’athlètes que tu ne vois qu’à la télévision… Par exemple, tu croises Teddy Riner quand tu es chez le kiné et les handballeurs avaient la même terrasse que nous ! La cérémonie d’ouverture était énorme ! Et puis être au départ de notre épreuve et avoir 10 000 supporters dans les tribunes, cela ne nous arrive jamais au canoë-kayak. C’est donc un ensemble !

Les sportifs parlent souvent d’un blues post olympique. Tu confirmes ?

Après notre épreuve, on est resté trois ou quatre jours aux Jeux et je suis parti juste après en vacances. Ensuite, on est allé directement sur les Coupes du monde donc on n’a pas eu le temps d’avoir ce blues. C’est peut-être dans la période hivernale que ça arrivera, quand il fait froid et qu’il faut que tu ailles t’entraîner et soulever tes poids dans ta salle le soir…  Mais jusque-là, ça va !

Mis à part cette quatrième place aux JO, ta carrière est marquée par deux titres de champion du monde de C2 par équipe, remportés en 2010 et 2011. Considères-tu que ces deux titres ont été un déclic dans ta carrière ?

Non, car les titres de champion du monde par équipe sont avec deux autres canoë biplaces et en fait, ce sont des titres anecdotiques. On a quand même couru et battu des autres équipes qui sont fortes, mais ce titre n’apporte rien du tout. C’est juste « pour faire beau ». Ce n’est pas pour ce titre-là qu’on s’entraîne. C’est juste un petit bonus d’avoir cette médaille par équipe !

Tu concoures en canoë biplace avec Gauthier Klauss. Peux-tu nous expliquer comment ce tandem s’est formé et depuis combien de temps pour naviguez ensemble ?

On vient d’Epinal, dans les Vosges, et le club de la ville y est une grosse institution. On est tombé dedans en faisant plein de sports, et petit à petit on a arrêté les autres disciplines pour se consacrer entièrement au kayak. On ne s’est pas mis de suite au canoë car on y est à genou dans le bateau et ce n’est pas trop conseillé en période de pleine croissance. On a commencé le canoë à l’âge de 15/16 ans. On a vite eu des résultats : double champion d’Europe junior, champion d’Europe des moins de 23 ans… A chaque fois, on a gravi des échelons. On avait des résultats au bout donc ça nous a donné envie de continuer. On a donc toujours été ensemble, commençant le kayak tous les deux à 7 ans !

Tu as actuellement 25 ans. Quels sont tes prochains objectifs sportifs ? Te projettes-tu déjà sur les Jeux Olympiques de Rio de 2016 ?

Les sportifs fonctionnent par olympiade. On va mettre en place un projet de quatre ans jusqu’à Rio. On attend quand même la confirmation que le canoë biplace va rester aux JO de Rio, qui devrait intervenir durant l’année 2013. Le plus dur, ça va être de trouver une situation financière stable car on va être diplômé et on va donc perdre notre statut d’étudiant. Il faudra s’émanciper de nos parents financièrement et avoir un revenu tous les mois. C’est le défi. On est en train de contacter des sponsors et de voir si des entreprises peuvent nous prendre en CIP (les Contrats d’Insertion Professionnelle pour les sportifs de haut niveau). Avec une médaille, tout cela aurait été plus facile !

Sinon, à plus court terme, il y a des Championnats du monde l’année prochaine à Prague, des Championnats d’Europe en Pologne et le circuit Coupe du monde !

Merci beaucoup Matthieu pour ta disponibilité et bonne chance pour la saison prochaine !

Crédit 3e photo : Reuters / Suzanne Plunkett

La carrière de Matthieu Péché en quelques lignes :

Dès le début de sa carrière, Matthieu Péché pratique le slalom en canoë biplace avec son coéquipier Gauthier Klauss. Il remporte sa première médaille internationale en 2010 en devenant champion du monde de C2 par équipe (avec les duos Picco/Biso et Lefèvre/Gargaut Chanut). Il remporte de nouveau ce titre l’année suivante (avec les duos Labarelle/Peschier et Lefèvre/Gargaut Chanut).

En 2012, le duo se qualifie pour les Jeux Olympiques de Londres. Lors de l’épreuve de canoë biplace, Matthieu Péché et Gauthier Klauss prennent la quatrième place de la finale. Le fait d’avoir touché une porte en tout fin de parcours les privent alors d’une médaille.

Actuellement âgé de 25 ans, Matthieu Péché vise désormais les Championnats du monde 2013 qui auront lieu à Prague.

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