Gaspard Baumgarten compte plus de 100 sĂ©lections en Ă©quipe de France et a participĂ© aux Jeux Olympiques de Paris 2024. Il revient pour nous sur cette expĂ©rience Olympique mitigĂ©e suite Ă l’Ă©limination de la France au premier tour et sur son excellent souvenir de la Coupe du monde 2018.
Gaspard, tu as participé à la Coupe du monde 2018 disputée en Inde, où la France a atteint les quarts-de-finale. Quels souvenirs gardes-tu de cette compétition ?
C’est l’un de mes meilleurs souvenirs avec l’équipe de France.
La première raison, c’est que l’Inde, avec ses stades, son public et sa ferveur autour du hockey, a rendu l’expérience vraiment spéciale. Dès qu’on est arrivés à l’aéroport, il y avait du monde. La presse était très présente. Quand on se baladait en car, les gens savaient qu’il s’agissait d’une équipe de hockey. C’était l’événement majeur du pays pendant trois ou quatre semaines et cela nous mettait dans des conditions très différentes de ce qu’on avait l’habitude d’avoir chaque weekend en Belgique ou en France.
La deuxième raison, c’est qu’on a vraiment bien joué. On était parvenus à créer une belle équipe où chacun avait trouvé son rôle. Il y avait une excellente cohésion d’équipe. Les résultats passent toujours par ça. On a aussi réussi à provoquer un peu de réussite : le match contre l’Argentine, qui a fait basculer notre compétition, était la dernière rencontre de la poule et les Argentins étaient déjà qualifiés. Ils ont donc un peu pris ce match à la cool alors que nous, on était « à la vie, à la mort ». On a sorti un match presque parfait. On était le petit poucet et on a gagné 5-3. Le stade était en ébullition. C’était une expérience hallucinante !
« On s’est tous dit que notre rêve de décrocher une médaille aux Jeux de Paris en prenait un coup en n’allant pas à Tokyo »
En octobre 2019, l’équipe de France n’a pas obtenu sa qualification pour les Jeux Olympiques de Tokyo 2020 en perdant de peu contre l’Espagne (5-6 sur l’ensemble de deux matches) malgré les deux buts que tu as inscrits. On imagine que cela a été difficile à digérer ?
Oui, cela a été une grosse déception. Toute l’équipe avait pour objectif d’aller aux Jeux de Paris 2024, mais on voulait tous participer aux Jeux de Tokyo 2020 pour avoir auparavant une première expérience Olympique. On n’a pas eu de chance lors du tirage au sort en tombant sur l’Espagne, l’équipe la plus forte. On a fait deux très bons matches, mais on a raté la qualification Olympique d’un rien. Ce sont les aléas du sport.
On avait vraiment l’impression d’avoir le niveau. On n’arrêtait pas de progresser depuis quelques années et on sortait d’une bonne Coupe du monde. La plupart d’entre nous avions entre 23 et 28 ans, on se sentait forts tout en sachant qu’on avait encore de la marge de progression. On travaillait bien avec notre entraîneur Hollandais, Jeroen Delmee.
Cette défaite a marqué un gros coup d’arrêt dans notre progression. Ça nous a fait mal mentalement. On s’est tous dit que notre rêve de décrocher une médaille aux Jeux de Paris en prenait un coup en n’allant pas à Tokyo. On était très lucides sur le fait que les JO ne sont pas une compétition comme une autre. Il y a énormément de facteurs extérieurs très énergivores : le Village, le fait qu’il y ait tous les autres sports et pas uniquement le hockey, et le fait que cela se passerait à Paris. Pour ne rien arranger, notre coach Jeroen Delmee a décidé un an après de prendre l’équipe nationale hollandaise en tant que sélectionneur. Cela a été assez difficile à digérer.
Tu as participé aux Jeux Olympiques de Paris 2024. Peux-tu nous expliquer comment l’équipe s’est préparée pour cette compétition à domicile ?
En termes d’heures de préparation, je pense qu’on était l’une des équipes françaises les mieux préparées. La priorité a en effet été donnée à l’équipe nationale. Le hockey sur gazon est certes un sport amateur, mais on s’entraînait tous ensemble trois jours par semaine. En volley, en hand ou en foot, ils n’ont pas ce privilège car ils s’entraînent toute la semaine avec leur club. La préparation se faisait au pôle du CREPS de Wattignies, car beaucoup de joueurs évoluent en Belgique ou entre Paris et Lille. On a pu enchaîner les heures d’entraînement, que ce soit du hockey, de la musculation ou de la course. Cela a été un énorme luxe pour préparer les Jeux.
La préparation n’a pas été évidente. La charge de travail était extrêmement lourde. On était dans un micro-monde du lundi au mercredi, éloignés de notre famille et de nos amis ainsi que du boulot. On avait des journées très chargées, avec quatre séances par jour entre 9h et 20h. Par moment, on en faisait tellement qu’on ne savait même plus trop pourquoi on faisait ça. En comparaison, on savait que les Belges ne faisaient jamais plus de deux séances par jour. On savait qu’on travaillait beaucoup, mais on ne savait pas si on travaillait bien.
As-tu participé à la cérémonie d’ouverture des JO sur la Seine ?
On a eu la chance de participer à la cérémonie d’ouverture. On avait organisé une réunion tous ensemble pour décider si on allait y aller. Notre premier match avait lieu le lendemain et on savait que la cérémonie serait très énergivore, avec beaucoup de moments d’attente. On a décidé d’y participer. Je pense toujours aujourd’hui que c’était la bonne option, même si on a perdu largement le lendemain (2-8 contre l’Allemagne, ndlr).
Cette cérémonie nous a donné énormément d’énergie. L’expérience était hallucinante. C’était incroyable d’être sur le bateau avec tous les athlètes français et certaines grandes célébrités. Voir tout le monde le long de la Seine était un moment à part. Et en plus, la cérémonie en elle-même était exceptionnelle !
« Il y a eu beaucoup de tension entre le staff et l’équipe »
On imagine que disputer le premier match Olympique devant le public français a été un grand moment d’émotions ?
On avait essayé d’anticiper cette bouffée d’émotions. On avait effectué un peu d’imagerie mentale en équipe pour s’y préparer. L’idée était de prendre un maximum d’énergie du public et de nos familles, et de ne pas en perdre. Ce n’était pas facile car en hockey, on joue généralement le dimanche devant 500 ou 2000 personnes maximum. A part en Coupe du monde en Inde où on évolue devant 10 000 ou 15 000 spectateurs, on a rarement l’occasion de jouer dans des stades aussi importants. De plus, on allait jouer devant toutes nos familles et nos amis ! On savait que ce serait assez fort car peu de proches peuvent généralement venir à nos grandes compétitions étant donné qu’elles se disputent souvent loin.
« La Marseillaise » était un moment spécial car c’était la première fois que tout un stade la chantait avec nous. Un autre moment qui m’a marqué, c’est quand on est entré sur le terrain et qu’on a fait notre premier tour de terrain pour l’échauffement. Tout le stade s’est levé et nous a applaudis. On a eu des frissons et beaucoup d’émotions. On a alors vraiment senti l’engouement de Paris 2024. Lors de ce match, on a pris deux buts rapidement. On est revenus à 1-2 et le stade a alors vibré. Ce sont des souvenirs incroyables !
L’équipe de France a été éliminée du tournoi au premier tour, après un match nul et quatre défaites. Avec le recul, qu’a-t-il manqué à l’équipe pour se qualifier en quarts-de-finale selon toi ?
La préparation a été compliquée. Il y a eu beaucoup de tension entre le staff et l’équipe, entre la Fédération et l’équipe, et aussi parfois entre les joueurs. Les Jeux de Paris 2024, c’était l’événement à ne pas louper pour un athlète français. C’était à la fois un moteur et un frein. Il y a eu des moments où on n’était pas d’accord, et l’envie de participer aux Jeux a parfois pris le dessus sur l’envie d’y réaliser une performance.
A un moment, on a plus pensé au fait d’être sélectionné personnellement pour Paris 2024 qu’au bien de l’équipe. Cela a été lié à une succession d’événements. Il y avait pas mal de tension avec le staff et celui-ci nous a fait comprendre qu’on serait écartés de l’équipe au moindre écart, avec pour conséquence de ne pas participer aux Jeux. En tant que joueur, dans ce cas, tu réfléchis : est-ce-que tu dis ce que tu penses sur un choix tactique, ou bien tu te tais pour garder tes chances de participer ?
Il nous a manqué une émulation d’équipe, qui transcende et qui fait que chacun donne tout, peu importe ce qui se passe, en plaçant l’équipe au-dessus de tout. On n’a pas du tout crée l’atmosphère qu’on peut voir dans les reportages par exemple sur l’équipe « France 1998 » ou sur les handballeurs, où chacun mettait son ego de côté. On n’a pas réussi à se souder. Je pense que la faute est partagée entre le staff, la Fédération et les joueurs. Nous, les joueurs, on aurait dû réussir à se souder pour parler d’une seule voix et remettre certains points en cause. Mais on s’est un peu scindés quand on a voulu faire ça.
C’est vraiment cette cohésion qui a manqué selon moi. Sinon, on avait le talent, le physique et le public avec nous. On avait aussi des références avec des grosses performances. On avait tout pour arriver en quarts-de-finale et y perturber une grosse équipe. D’ailleurs, je sais qu’aucun pays ne voulait nous affronter devant notre public sur un éventuel quarts-de-finale.
De façon plus globale, quels souvenirs gardes-tu de ces Jeux Olympiques ?
Sportivement, c’était un peu dur et je n’ai pas pris le « kif » que j’aurais aimé prendre. Mais je garde quand même de très bons souvenirs de d’événement. Après la compétition, on est resté quelques jours avec ma copine et mes amis. On a assisté à la course de cyclisme et au record de Duplantis en saut à la perche. C’étaient des Jeux Olympiques incroyables. L’ambiance à Paris était hallucinante !
Quels sont tes prochains objectifs, à la fois en sélection et avec ton club belge du Royal Léopold Club ?
En club, la saison est terminée et on a perdu en finale du Championnat. On a une très bonne équipe et l’idée est d’aller chercher le titre l’année prochaine. En équipe de France, j’ai mis tout en stand-by. J’ai décidé de prendre un peu de recul. Je verrai si j’y retournerai. Pour l’instant, ce n’est pas d’actualité.
Merci beaucoup Gaspard pour cette interview et bonne chance pour la prochaine saison !
La carrière de Gaspard Baumgarten en quelques lignes :
Evoluant au poste d’attaquant, Gaspard Baumgarten connaît sa première sélection en équipe de France en 2012. Il devient vice-champion du monde U21 en 2013. En club, il porte les couleurs du FC Lyon, de l’Atletic Terrassa (Espagne) puis à partir de 2018 du Royal Léopold Club (Belgique)
En 2018, il dispute la Coupe du monde. Gaspard inscrit un but en match de poule et la France atteint les quarts-de-finale. En 2023, il est éliminé en 8e de finale de la Coupe du monde et se classe 5e de l’Euro avec l’équipe de France.
Il est sélectionné pour les Jeux Olympiques de Paris 2024. Pour sa première participation depuis 1972, la France est éliminée au premier tour après un match nul et quatre défaites. Aujourd’hui âgé de 32 ans, Gaspard Baumgarten compte plus de 100 sélections en équipe de France et joue toujours au Royal Léopold Club.
Participation aux Jeux Olympiques de Paris 2024
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