Interview de Mory Sidibé
(volleyball)

En 2015, Mory SidibĂ© a remportĂ© le Championnat d’Europe. Il s’agissait du premier titre majeur de l’histoire de l’Ă©quipe de France de volleyball. A l’occasion des dix ans de ce titre, il nous a gentiment accordĂ© une interview.

Mory, tu as remportĂ© le Championnat d’Europe il y a dix ans, en octobre 2015. On imagine que remporter le premier titre majeur de l’histoire de l’équipe de France a Ă©tĂ© une grande satisfaction ?

Ça faisait quelques annĂ©es qu’on avait le mĂŞme groupe et que c’était Ă  notre portĂ©e. On avait une très belle Ă©quipe. On tenait tĂŞte Ă  tous les adversaires, mais on ne parvenait pas Ă  conclure. Il fallait qu’on arrive Ă  se libĂ©rer. Je m’attendais au minimum Ă  un podium sur cette compĂ©tition. On avait les capacitĂ©s pour, et on l’a fait ! Gagner ce Championnat d’Europe Ă©tait la finalitĂ© de tous nos efforts et du travail accompli.

Comment as-tu vĂ©cu la prĂ©paration de cette finale, en tant que remplaçant ?

Remplaçant ou pas, tu vis ça du terrain. Avant la finale, tu as toujours un petit coup de pression ! C’est normal ! Ça fait monter l’adrĂ©naline et ça permet de mieux se prĂ©parer mentalement. Il ne faut jamais sous-estimer son adversaire. La veille, j’avais peu dormi et j’avais fait le match dans ma tĂŞte.

En 2015, l’équipe de France a remportĂ© Ă  la fois le Championnat d’Europe et la Ligue Mondiale, alors qu’elle n’était mĂŞme pas qualifiĂ©e pour les Jeux Olympiques de Londres en 2012. Avec le recul, comment expliques-tu une telle progression ?

L’état d’esprit a complètement changĂ©. Il y a eu un nouveau coach, un nouveau groupe et de nouvelles règles de vie entre joueurs. On est devenus des guerriers. On ne voulait plus se contenter de participer aux compĂ©titions, on voulait les gagner. On ne souhaitait plus entendre : « vous avez perdu mais vous avez bien jouĂ© ! ». On s’était interdit de prononcer des phrases comme : « c’est dommage, ce n’était pas dĂ©mĂ©ritĂ© Â». On a commencĂ© Ă  monter au crĂ©neau au filet, alors qu’avant, on Ă©tait toujours très disciplinĂ©s et on ne le faisait pas. Mais Ă  un moment donnĂ©, il fallait passer un cap. On respectait tout le monde mais on n’avait peur de personne.

« On respectait tout le monde mais on n’avait peur de personne »

Quel a Ă©tĂ© le dĂ©clic pour ce changement ?

On a franchi un cap en 2013. Avant, on avait « la peur de la gagne Â». On Ă©tait au niveau des autres Ă©quipes mondiales mais on n’arrivait pas Ă  renverser la balance de notre cĂ´tĂ©. On a rĂ©ussi Ă  se dĂ©complexer grâce au fameux match BrĂ©sil-France de 2013 Ă  Rio (la France s’était imposĂ©e 3 sets Ă  1 face au triple champion du monde en titre, ndlr). On a alors créé la « Team Yavbou Â» et on s’est dit qu’on allait marcher sur les adversaires. Ça nous a permis de sortir de cette timiditĂ© et de faire des choses incroyables.

En 2016, tu n’as pas Ă©tĂ© sĂ©lectionnĂ© pour les Jeux Olympiques de Rio. Comment as-tu vĂ©cu cette dĂ©cision ?

C’était le choix du coach. Ce n’était pas un problème pour moi. Je l’ai bien vécu car je ne suis pas un pleurnicheur. Je leur ai souhaité bonne route. J’avais passé de belles années en équipe de France, sans regret.

Tu comptes plus de 100 sĂ©lections en Ă©quipe de France. Quelle est celle qui t’a le plus marquĂ© ?

Il n’y a pas spécialement un match qui m’ait marqué particulièrement. J’ai vécu des moments forts et je retiens surtout toutes les médailles. Je suis un compétiteur, que ce soit dans le sport ou en dehors, et la gagne est le plus important pour moi.

« On a mis les graines, on a arrosé, et aujourd’hui ils sont champions Olympiques »

Tu as jouĂ© dans les Championnats de France, de Turquie, de Belgique, d’Italie, de SlovĂ©nie, de Chine, du Qatar, de BahreĂŻn, d’IndonĂ©sie et de Chypre.  Etait-ce une volontĂ© de ta part de vivre des expĂ©riences dans de nombreux pays diffĂ©rents ?

Je suis un peu comme ça et je ne vis d’ailleurs pas en France actuellement. Je pense que rien ne s’est fait par hasard. J’ai toujours été un entrepreneur. En 2008-2009, j’entreprenais déjà en Afrique. Depuis que j’ai commencé à jouer au volley, j’ai préparé mon après-volley. Je devais voyager et me faire du réseau.

Tu as mis un terme Ă  ta carrière en 2018. Qu’est-ce-que  tu deviens aujourd’hui ?

Je travaille dans le secteur minier, dans le transport et la logistique. Je suis aussi dans la diplomatie économique. J’aide des entreprises étrangères à entrer sur des marchés publics ou en joint-venture, que ce soit en Guinée ou dans d’autres pays d’Afrique de l’Ouest.

L’équipe de France est devenue double championne Olympique en 2021 et en 2024 avec de nombreux joueurs que tu as cĂ´toyĂ©s en sĂ©lection. As-tu gardĂ© le contact avec eux ?

Oui, je suis bien sĂ»r encore en contact avec certains joueurs de l’équipe de France. Il y a aussi une nouvelle gĂ©nĂ©ration que je ne connais pas du tout. Je pense qu’on a participĂ© Ă  cette dynamique qui a permis Ă  l’équipe de France de devenir ce qu’elle est aujourd’hui. On a mis les graines, on a arrosĂ©, et aujourd’hui ils sont champions Olympiques. Je suis très heureux pour eux !

Merci beaucoup Mory pour ta disponibilité et bravo pour ta carrière !

La carrière de Mory Sidibé en quelques lignes :

Evoluant au poste de pointu, Mory Sidibé atteint la finale du Championnat d’Europe des moins de 19 ans en 2005 et des moins de 21 ans en 2006. Il est sélectionné pour la première fois en équipe de France A en 2011.

Il dispute le Championnat d’Europe 2013 (5e place) et le Championnat du monde 2014 (4e place). En 2015, il remporte la Ligue Mondiale et le Championnat d’Europe, premiers titres majeurs de l’histoire de l’équipe de France. Entre 2011 et 2016, il totalise 114 sélections en équipe de France.

En club, il joue dans les Championnats de France (Poitiers, Saint-Brieuc et Paris Volley) de Turquie, de Belgique (champion en 2011), d’Italie, de SlovĂ©nie (champion en 2013), de Chine, du Qatar, de BahreĂŻn, d’IndonĂ©sie et de Chypre. En 2014, il remporte avec le Paris Volley une Coupe d’Europe, la Coupe de la CEV. Il met un terme Ă  sa carrière en 2018. Aujourd’hui âgĂ© de 38 ans, Mory SidibĂ© travaille dans le secteur minier en  Afrique.

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