Interview de Sarah Daninthe

(escrime)

A une semaine du dĂ©but des Jeux Olympiques de Londres, nous avons interviewĂ© une ancienne mĂ©daillĂ©e olympique, Sarah Daninthe. L’occasion d’aborder sa mĂ©daille de bronze par Ă©quipe aux JO d’Athènes en 2004, la non-qualification pour les JO de Londres et ses rapports avec Laura Flessel-Colovic, sa coĂ©quipière et porte-drapeau de la France pour la cĂ©rĂ©monie d’ouverture.

Sarah, vous avez remporté la médaille de bronze en épée par équipe aux Jeux Olympiques d’Athènes en 2004. Est-ce la médaille dont vous êtes la plus fière à ce jour ?

Il y en a deux que j’apprĂ©cie vraiment : celle des JO d’Athènes, effectivement, et aussi celle des Mondiaux de PĂ©kin en 2008 (nous n’avions pas d’Ă©preuve par Ă©quipe aux JO). C’était en finale contre les Chinoises, chez elles, devant leur public, dans la salle des JO en test-event… On avait tout pour nous, quoi !

Lors des JO d’Athènes, vous étiez remplaçante et vous êtes entrée à la fin du match pour la médaille de bronze. Pouvez-vous nous raconter comment vous avez vécu ces quelques minutes décisives ?

Tout au long de la journĂ©e, nous Ă©tions très soudĂ©es et nous tirions Ă  quatre. Quand on a perdu la demi-finale contre l’Allemagne, la douleur fut immense. Il fallait donc se  remotiver, se ressaisir pour aller chercher le bronze contre une Ă©quipe surprise du Canada. La mĂ©daille ne pouvait pas et ne devait pas nous Ă©chapper. Nous les avons prises directement Ă  la gorge pour dĂ©rouler plus tard. Quand Maureen (Maureen Nisima, ndlr) s’est blessĂ©e lors du dernier relais, c’Ă©tait la catastrophe. Je ne pensais mĂŞme au fait que je puisse rentrer mais au fait que ma pote souffrait si près du but. Une fois la confirmation du mĂ©decin, je me suis dit qu’il fallait que je me bouge. Je devais ĂŞtre opĂ©rationnelle. C’Ă©tait un peu la panique. Je devais passer de l’Ă©tat d’inquiète pour mon amie Ă  l’Ă©tat oĂą il fallait que je monte sur la piste pour « m’Ă©clater ».

Une fois sur la piste, je me branche avec l’Ă©clairage… Les camĂ©ras te suivent et le public crie ton nom. Ça fait drĂ´le et lĂ , tu te dis vraiment : « ce sont les JO ». Tu sens alors une petite pression prendre possession de ton corps. Tout est allĂ© très vite et une fois sur la piste, il faut faire le boulot. A la fin, c’est une vraie dĂ©livrance. Toutes ces souffrances, toutes ces privations pour… du bonheur, que du bonheur.

Mis à part votre compétition, quels souvenirs gardez-vous de ces Jeux Olympiques d’Athènes ?

J’en ai profitĂ© pour voir d’autres sports, en l’occurrence le taekwondo et le judo. Certaines mĂ©dailles françaises m’ont bien donnĂ© des frissons. Au retour d’Athènes, Ă  l’aĂ©roport, il y avait des journalistes et pas mal de personnes venues accueillir les athlètes et les fĂ©liciter. C’Ă©tait gĂ©ant. Mais le top, je pense, Ă©tait d’ĂŞtre reçue par le PrĂ©sident de la RĂ©publique Ă  l’ElysĂ©e afin de recevoir la mĂ©daille du MĂ©rite.

En 2008, vous êtes devenue pour la deuxième fois championne du monde par équipe. Ce titre vous a-t-il donné encore plus de regrets sur l’absence de cette épreuve au programme des Jeux Olympiques de Pékin ?

Oui, carrĂ©ment. C’Ă©tait une olympiade donc oui, c’Ă©tait dur Ă  encaisser. Au mois d’avril, tu es championne du monde dans la salle des JO et au mois de juillet/aoĂ»t, tu regardes les JO d’escrime dans cette mĂŞme salle mais de chez toi alors que tu n’es pas blessĂ©e et que ton Ă©quipe est une des favorites… Ce n’Ă©tait pas terrible.

Aux Championnats d’Europe 2011, vous avez remporté la médaille de bronze par équipe. Cette médaille était-elle une satisfaction ou bien vous visiez plutôt l’or ?

On visait l’or, bien sĂ»r. Quel est l’intĂ©rĂŞt de partir en compĂ©tition avec un objectif moindre que celui de gagner ? L’Ă©quipe de France souffre depuis quelques annĂ©es. Nous passons Ă  cĂ´tĂ© de victoires et de podiums parfois Ă©vidents. A force, un doute s’installe et une sorte de « cercle de la non victoire » s’installe. On a souffert pendant ces Championnats d’Europe, en particulier en demi-finale face aux championnes du monde en titre. Cette mĂ©daille ne devait pas nous Ă©chapper. On a bataillĂ© comme des folles furieuses contre les Estoniennes qui nous ont menĂ©es du dĂ©but Ă  la fin de la rencontre. Mais une fois de plus, on a su se transcender pour revenir mĂ©daillĂ©es.

Cette année, la France n’a pas réussi à se qualifier pour les Jeux Olympiques de Londres en épée par équipe. Qu’est-ce-qui a manqué à l’équipe de France selon vous ?

Il nous a manquĂ© de la confiance entre nous, individuellement, et avec les coachs. Comme je vous l’ai dit, nous avons eu une dĂ©ception il y a quelques annĂ©es. On se dit alors : « bon, c’est le jeu, ça arrive ». Puis une autre dĂ©ception, puis une autre, et cette sorte de spirale ne finit pas et le doute s’installe. Il nous a aussi manquĂ© plus de rage sur certaines compĂ©titions. On a Ă©chouĂ© Ă  pas grand-chose. C’est la première fois qu’il n’y aura pas d’Ă©quipe de France en Ă©pĂ©e dames par Ă©quipe. C’est triste !

Votre coéquipière Laura Flessel-Colovic sera la porte-drapeau de la délégation française lors des JO de Londres. Pouvez-vous nous parler un peu d’elle ?

Je connais Laura depuis petite puisqu’elle s’entraĂ®nait avec mes frères en Guadeloupe. Elle m’a donnĂ© envie de me lancer dans le haut niveau, surtout après sa victoire d’Atlanta oĂą j’ai vibrĂ©, pleurĂ© et « kiffé ». Par la suite, elle m’a conseillĂ© au niveau de l’escrime et de certains choix.

C’est une femme forte, qui je pense saura partager son Ă©nergie et motiver les troupes dans les bons comme dans les mauvais moments. En plus, elle est mĂ©diatique et l’avoir en tant que porte-drapeau est une aubaine pour notre sport. Cependant, j’espère vraiment que cela ne lui fera pas dĂ©faut comme pour ses prĂ©dĂ©cesseurs : tu as la presse sur le dos et pendant les premières semaines de ta nomination, tu es pas mal sollicitĂ©e et du coup moins centrĂ©e sur ton objectif. Je pense qu’une fois sa compĂ©tition passĂ©e, elle sera prĂ©sente pour les sportifs français, surtout auprès des jeunes afin de partager son expĂ©rience.

Je pense vraiment que c’est une bonne chose. Il ne reste plus qu’Ă  conjurer le sort du porte-drapeau en revenant mĂ©daillĂ©e. C’est bien que ce soit elle la porte-drapeau. Une femme et en plus de Guadeloupe, ça faisait longtemps !

Vous avez 32 ans depuis peu. Avez-vous déjà décidé d’une éventuelle date pour arrêter votre carrière ?

Il Ă©tait prĂ©vu que je m’arrĂŞte deux ans après Londres, deux ans après les mĂ©dailles de Londres. Maintenant, on verra ! Je ne suis pas fermĂ©e. Je m’amuse encore, c’est un sport que j’aime. Quand ce plaisir disparaĂ®tra, j’arrĂŞterai et m’investirai plus dans mon boulot et prendrai plus de temps pour le surf et le golf que j’adore. J’en profite d’ailleurs pour remercier PĂ´le Emploi, qui me libère du temps aussi bien pour m’entraĂ®ner que pour partir en compĂ©titions (Sarah travaille depuis avril 2011 Ă  PĂ´le Emploi, ndlr).

La carrière de Sarah Daninthe en quelques lignes :

Sarah Daninthe remporte la médaille de bronze en épée par équipe lors des Jeux Olympiques d’Athènes en 2004. Initialement remplaçante, elle remplace Maureen Nisima lors du match pour la troisième place, gagné par l’équipe de France.

Elle remporte en 2005 à Leipzig le titre de championne du monde d’épée par équipe. En 2008, elle gagne de nouveau l’or par équipe lors des Championnats du monde de Pékin. Lors des Championnats d’Europe 2011, elle ajoute une nouvelle médaille à son palmarès en équipe avec la médaille de bronze.

Cette année, l’équipe de France a échoué à se qualifier en équipe pour les Jeux Olympiques de Londres. Agée de 32 ans, Sarah Daninthe devra donc attendre l’année prochaine pour tenter de décrocher une nouvelle médaille.

Pour en savoir plus sur Sarah, visitez son blog : sarahdaninthe.wordpress.com