Interview de Steeve Guénot

(lutte)

Le lutteur Steeve GuĂ©not a marquĂ© les Jeux Olympiques de PĂ©kin en 2008 en remportant la première mĂ©daille d’or de la dĂ©lĂ©gation française. Dans cette interview, il revient sur son titre olympique mais aussi sur ses podiums en grands championnats ainsi que sur sa relation avec son frère Christophe, lui aussi mĂ©daillĂ© Ă  PĂ©kin.

Steeve, tu as remporté la médaille d’argent aux Championnats du monde de lutte en 2007. Considères-tu que cette médaille a agi comme un déclic pour la suite, ou qu’au contraire elle t’a ajouté de la pression avant les Jeux Olympiques de Pékin ?

« Cette médaille aux Championnats du monde m’a encore plus motivé pour les Jeux Olympiques. A l’époque, je n’avais pas trop de pression parce que les Championnats du monde n’étaient pas très médiatisés et parce que j’étais encore jeune : j’avais 21 ans. J’étais content d’être qualifié pour les Jeux et je n’avais pas spécialement la pression. Ca m’a au contraire motivé ! »

Lors des Jeux Olympiques de Pékin en 2008, tu as remporté la médaille d’or dans ta catégorie, les -66 kg. A quel moment de la compétition as-tu vraiment senti que tu pouvais aller au bout ?

« Quand on commence la compétition, on se dit qu’on est là pour gagner. Mais forcément, tout le monde se dit ça. En fait, c’est surtout après ton premier match que tu peux le sentir. Souvent, dans ton premier combat, tu vois si tu as bien lutté, si tu as été en forme, si tu étais bien, et bien sûr si tu as gagné. En général, ça te lance pour la compétition.

Au premier match, j’affrontais un Cubain qui était assez solide. Après, il n’y a pas eu d’interruption avant la petite pause précédant la finale : les matchs s’enchaînaient toutes les quinze/vingt minutes. Tu ne te poses donc plus de questions. Ensuite, le midi, on a eu deux ou trois heures de pause. Je me disais : « ça y est, tu es en finale ! ». J’étais posé, j’essayais de faire une petite sieste mais impossible de m’endormir !

Voilà, je ne sais pas trop comment l’expliquer, mais c’est quand tu entames ton échauffement et ton premier combat que tu te dis : « je peux aller au bout et je peux gagner ». »

As-tu eu du mal à gérer l’après-titre olympique ? Il y a eu un grand emballement et tu n’étais pas forcément préparé…

« J’ai eu la chance d’être avec mon frère et il gérait pas mal de choses pour moi. Il jouait le rôle du grand frère, car on va dire que je suis un peu insouciant. C’est vrai qu’au début, c’était dur. C’est l’effet médiatique des Jeux. Tu reçois cinquante coups de téléphone par jour, tu ne sais pas si tu dois prendre un agent ou non… On ne savait pas quoi faire ! Au début, j’ai donc vraiment eu du mal à gérer, mais ça a duré un petit moment et maintenant, tout est en place et tout va bien. »

Depuis ton titre olympique, as-tu le sentiment d’être attendu au tournant sur chaque compétition ? Comment vis-tu ce statut ?

« Ce n’est pas seulement aux compétitions, c’est même pendant les stages et tous les jours à l’entraînement : tout le monde veut lutter et battre le champion ! Ca met une pression supplémentaire.

L’annĂ©e 2009 n’a pas Ă©tĂ© très bonne pour moi et j’ai reperdu. Cette annĂ©e, en 2010, ça va un peu mieux. Mais tu es attendu, les adversaires t’ont observĂ© et Ă©tudiĂ©, tout le monde te regarde quand tu luttes… C’est plus dur ! C’est une pression supplĂ©mentaire Ă  gĂ©rer et c’est assez difficile au dĂ©but. »

Avant chaque compétition, tu dois faire un régime important pour atteindre le poids de ta catégorie. Est-ce particulièrement difficile à gérer ?

« Avec les années, je commence à avoir l’habitude, mais c’est toujours dur. Je ne stagne pas toute l’année, je fais un peu le yo-yo. Et petit à petit, je remonte un peu plus haut à chaque fois : maintenant, ça monte vers les douze ou treize kilos. Or, quand tu as plus de dix kilos à perdre, ça commence à être difficile.

Deux ou trois mois avant, il faut se dire qu’on se remet sérieusement dedans. Ca demande une motivation supplémentaire. Quand derrière, tu ne fais pas de résultat sur une compétition, tu es encore plus déçu. Mais quand tu as une médaille, tu savoures encore plus ! »

Difficile d’évoquer ta carrière sans parler de ton frère, Christophe Guénot, médaillé de bronze en lutte aux JO de Pékin. Préparez-vous vos compétitions à deux ou bien y-a-t-il un moment ou chacun se prépare seul ?

« En général, avant les grandes compétitions comme les Championnats d’Europe ou du monde, on fait des stages terminaux. On part deux ou trois semaines à l’étranger, souvent dans les pays de l’est, pour affronter les meilleurs lutteurs. On s’y retrouve avec mon frère. On est ensemble dans les chambre de deux, on se prépare mentalement et psychologiquement ensemble. Tout cela nous aide. Sinon, on se motive à l’entraînement et on se voit tous les jours à l’INSEP. Avant les Jeux Olympiques, on habitait même ensemble mais maintenant, il est marié. Quant aux compétitions, on lutte parfois en décalé. Mais quand l’autre entre en lice par exemple deux jours après, on s’aide quand même : on va courir avec l’autre et on l’échauffe. »

Après une médaille de bronze aux Championnats d’Europe, tu as terminé cinquième des Championnats du monde disputés à Moscou début septembre. Avec un peu de recul, que t’a-t-il manqué pour briller là-bas ?

« Comme je te le disais tout à l’heure, je me suis remis dedans cette année avec ma médaille de bronze aux Championnats d’Europe. Il y a la concurrence, des jeunes qui arrivent… Les adversaires te connaissent et t’ont étudié, donc c’est déjà une bonne performance.

Après, aux Championnats du monde, j’ai perdu le combat pour la médaille de bronze. Et au premier tour, j’avais été éliminé par celui qui est allé en finale et qui a terminé deuxième. J’étais vraiment déçu. Mais à ce niveau-là et dans des catégories comme celles de mon frère ou la mienne, on est tellement nombreux à avoir un bon niveau, que si l’on faisait la compétition deux jours de suite, le podium serait différent. C’est sûr qu’il y en a cinq ou six qui sont vraiment très forts, mais même si vous regardez mes matchs aux Jeux Olympiques, c’est très serré. En trois manches, ça fait souvent 1-0/1-0/1-0. Tu ne peux rien y faire !

Pour cette cinquième place, je suis quand mĂŞme dĂ©goĂ»tĂ©… Mais bon, l’annĂ©e prochaine, les Championnats du monde seront qualificatifs pour les JO et il faut rentrer dans les six premiers pour cela. Du coup, je me dis que j’aurais Ă©tĂ© qualifiĂ©. Car pour 2012, ce n’est pas gagnĂ©. MĂŞme si je suis champion olympique, il faut se qualifier et rentrer dans les vingt meilleurs mondiaux. Il y a les Championnats du monde oĂą il faut terminer dans les six premiers, et après un tournoi europĂ©en et des tournois mondiaux. Pour les qualifications, ce sera dĂ©jĂ  difficile ! »

Tu t’entraînes à l’INSEP depuis plusieurs années. Est-ce que le fait de côtoyer dans ce cadre prestigieux d’autres grands champions d’autres disciplines t’aide à appréhender les grands événements ?

« Oui, on se retrouve tous les soirs à la cafétéria et on boit quelques bières ! (rires) Plus sérieusement, c’est vrai que maintenant, je commence à connaître un peu tout le monde. On discute pas mal avec les autres, mais on s’entend bien surtout entre lutteurs, judokas, boxeurs et ceux du taekwondo… En fait, ce sont les sports de combat et c’est peut-être parce qu’on est les sportifs à connaître les régimes.

Personnellement, je suis ami avec beaucoup de judokas, notamment Teddy Riner, avec les boxeurs, Alexis Vastine et son frère, avec Gwladys Epangue… On s’entend bien, c’est convivial ! Concernant les échanges sur nos sports, on parle un peu de nos compétitions, pour savoir comment ça se passe. Parfois, on se remonte un peu le moral. C’est bonne ambiance ! »

Désormais, as-tu déjà les yeux rivés sur les Jeux de Londres 2012, ou bien tu prends compétition après compétition ?

« Je pense aux Jeux de 2012 ! On m’en parle déjà dans mon entourage. On me dit : « on viendra te voir » et à chaque fois, je réponds qu’il faut déjà que je me qualifie ! Les gens me répliquent : « mais non, normalement, c’est bon »… Tout les gens de mon entourage vont essayer d’aller à Londres étant donné que ce n’est pas très loin. D’ailleurs, ça met aussi une pression en plus !

Mais les JO de Londres, j’y pense tous les jours. Ca arrive de plus en plus vite : l’année prochaine, il y a déjà les qualifications et pour l’année d’après, on verra bien ! Concernant le résultat, on espère une deuxième médaille d’or ! On s’entraîne tous les jours pour ça ! »

Merci beaucoup Steeve pour ta gentillesse et bonne chance pour la suite de ta carrière !

Crédits photos : O. Popov et Panoramic

La carrière de Steeve Guénot en quelques lignes :

Evoluant dans la catégorie des -66 kg, Steeve Guénot remporte en 2007 la médaille d’argent des Championnats du monde. Cette deuxième place lui permet d’obtenir sa qualification pour les JO de Pékin disputés l’année suivante.

Le 13 août 2008, il est sacré champion olympique de lutte gréco-romaine. Il remporte la finale en deux manches et offre à la France sa première médaille d’or lors de ces Jeux Olympiques de Pékin.

En 2010, il remporte la médaille de bronze aux Championnats d’Europe avant de prendre la 5e place aux Championnats du monde. Aujourd’hui âgé de 25 ans, Steeve Guénot tentera l’année prochaine d’obtenir son billet pour les JO de Londres 2012.

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