Interview d’Emeric Martin

(handisport)

SpĂ©cialiste de tennis de table, Emeric Martin a participĂ© aux trois dernières Ă©ditions des Jeux Paralympiques. Mieux, il a Ă  chaque fois ramenĂ© une mĂ©daille dans l’Ă©preuve par Ă©quipe : l’or en 2000, l’argent en 2004 et le bronze en 2008. Il Ă©tait Ă©galement le capitaine de la dĂ©lĂ©gation française aux Jeux de PĂ©kin. Entretien.

Emeric, vous êtes devenu champion paralympique dès vos premiers Jeux, avec l’or en tennis de table par équipe en 2000. Considérez-vous que cette médaille remportée à Sydney  est le plus beau souvenir de votre carrière à ce jour ?

Il y en a beaucoup de beaux souvenirs dans ma carrière. Evidemment, le premier titre de champion paralympique est ce que tout sportif recherche. La médaille d’or est le graal du sportif ! Mais mes titres de champion d’Europe en individuel ont aussi été forts. Le dernier titre de champion du monde en Corée en 2010 a été particulier parce qu’il y a eu des soucis qui ont fait que je n’ai pas pu jouer avec ma raquette, et malgré tout on est allé s’arracher par équipe pour aller chercher cette médaille d’or. Il y a donc plein de bons moments !

Je ne dirais pas que ma médaille d’or de Sydney est le plus beau moment de ma carrière. Il y en a plusieurs. S’il fallait vraiment aller en choisir un, ce ne serait peut-être même pas une compétition mondiale. Je me rappelle de l’un de mes tout premiers tournois, en 1995, où je me jouais avec mon ancien partenaire de l’équipe de France Christophe Pinna. On était tous les deux des petits jeunes avec les dents longues, et on s’est « tapé » les meilleures équipes mondiales pour finalement gagner le tournoi en Angleterre. C’est également un gros souvenir !

Lors des Jeux Paralympiques d’Athènes en 2004, vous avez remportĂ© la mĂ©daille d’argent par Ă©quipe et avez terminĂ© quatrième en simple. Ces Jeux d’Athènes vous laissent-ils des regrets ?

Oui, bien sĂ»r ! C’est vraiment mon plus mauvais souvenir. A Athènes, la quatrième place a Ă©tĂ© dure Ă  avaler et j’ai eu du mal Ă  m’en remettre. Je jouais bien. En demi-finale du simple, je menais un set Ă  zĂ©ro et 10-9, et j’ai finalement perdu. Par Ă©quipe, en finale Ă  2-2, c’est moi qui me suis inclinĂ© contre le CorĂ©en et qui leur ai donc donnĂ© la victoire. Ca a donc Ă©tĂ© un moment difficile et c’est le pire moment de ma carrière !

En 2008, vous étiez capitaine de l’équipe de France lors des Jeux de Pékin. Comment avez-vous vécu ce rôle ?

C’était vraiment sympa d’être le capitaine d’une belle équipe comme ça, avec treize sports différents. Mon but était d’essayer de fédérer ce groupe, pour que ces treize disciplines ne fassent qu’une seule et belle équipe. Je pense qu’on a vécu des beaux Jeux. Personnellement, c’était parfois un petit peu particulier : vous êtes dans votre compétition et les média viennent et veulent vous interviewer parce que vous êtes « le représentant de l’équipe de France ». Ça peut perturber un petit peu la compétition ! Avec le recul, il y a certaines choses que j’aurais faites différemment.

Lors de ces Jeux Paralympiques de Pékin, vous avez remporté une nouvelle médaille, le bronze par équipe. Qu’est-ce qui vous a le plus marqué lors de ces Jeux ?

Ce qui m’a le plus marquĂ©, c’est le timing des Chinois. Lorsqu’ils vous disaient qu’ils venaient vous chercher Ă  11h au village, ce n’était pas Ă  10h59 ni Ă  11h01… Ils Ă©taient lĂ  Ă  11h00 et le bus partait. Si vous arriviez trois minutes en retard, le bus n’Ă©tait plus lĂ . Il y avait un sacrĂ© timing !

Ce qui m’a aussi marqué, obligatoirement, c’est que le tennis de table est le sport numéro 1 des Chinois. La salle était pleine en permanence. Il y avait 7000 spectateurs dans la salle de tennis de table, avec un bruit énorme. On n’entendait plus les balles ! C’était vraiment un contexte particulier quand on jouait, mais c’est un contexte que chaque pongiste souhaite vivre un jour dans sa carrière.

Vous êtes devenu handicapé suite à un accident de voiture. Est-ce-que la pratique du sport à haut niveau vous a aidé à mieux surmonter cette épreuve ?

Oui. La pratique du sport en général est je pense ce qui m’a tout de suite permis d’oublier mon handicap. Avoir du bon temps dans le sport, rivaliser avec les personnes valides. Et puis après, c’était également un bon moyen d’intégration. C’est ce qui a fait qu’il n’y a pas eu de coupure pour moi entre le fait d’être valide et le fait d’être handicapé. Après, je n’ai pas côtoyé que des handicapés. Tout de suite, j’ai recôtoyé le monde valide. Il n’y a donc pas eu cette coupure et c’est pour ça que j’ai bien vécu mon handicap et que je le vis toujours très bien.

Pour avoir un bon classement mondial, vous devez participer à des tournois dans le monde entier. Comment est-ce que vous financez votre saison ?

J’ai des partenaires privés qui me sponsorisent, plus les collectivités locales. Le Conseil Général de Basse-Normandie, le Conseil Général de l’Orne et ma ville d’Argenton m’aident et me financent. Une saison de tennis de table, c’est entre 30 000 et 35 000 euros si je veux qu’elle soit vraiment pleine. J’ai à peu près 20 000 euros de partenariats avec les collectivités, et j’ai 10 000 euros de partenaires privés.

Depuis vos débuts en handisport, considérez-vous que votre situation d’athlète a changé ? Y-a-t-il eu de réelles avancées ?

Oui, ne serait-ce que dans le travail ! J’ai la chance de travailler à EDF et de bénéficier d’une convention d’insertion professionnelle. Je suis donc détaché à 50% en tant que sportif de haut niveau pour pouvoir pratiquer mon sport. Et puis l’image du handisport a pris une autre dimension : il est de plus en plus connu et reconnu. Mais évidemment, ce n’est pas encore l’osmose ! Il suffit de voir la couverture médiatique en 2004 ou en 2008, où il fallait aller sur les chaînes étrangères pour nous suivre, et encore ! Il y a donc encore un gros travail à faire, mais on va dire que ça a quand même évolué en vingt ans !

L’année prochaine ont lieu les Jeux Paralympiques de Londres. Quels objectifs vous fixez-vous là-bas ?

D’aller chercher une médaille en simple et en par équipe. Je sais que ce sera difficile. Je crois qu’en par équipe, on a une réelle chance. En simple, le niveau est de plus en plus fort… Je suis toujours dans les cinq ou six meilleurs mondiaux, mais tout peut arriver. En individuel, les Jeux ne sont pour l’instant pas ma compétition fétiche : soit j’ai terminé quatrième, soit j’ai été éliminé en quarts-de-finale. J’espère donc décrocher une médaille en simple !

Merci beaucoup Emeric pour votre disponibilité !

Crédit photos : Gaël Marziou (photo 1) et Didier Echelard (photo 2)

La carrière d’Emeric Martin en quelques lignes :

Devenu handicapé suite à un accident de voiture, Emeric Martin gagne ses premières médailles lors des Championnats d’Europe en 1995 avec l’or par équipe et le bronze en individuel. Il remporte ensuite par équipe les titres de champion d’Europe (1997 et 1999) et du monde (1998).

Il participe à ses premiers Jeux Paralympiques à Sydney en 2000, remportant la médaille d’or par équipe. Lors des Jeux Paralympiques d’Athènes en 2004, il gagne la médaille d’argent par équipe et termine 4e en simple. Il complète son palmarès tant en individuel (champion d’Europe 2003, vice-champion du monde 2006) que par équipe (une médaille d’or, deux argent et une de bronze aux Championnats d’Europe ainsi que l’or aux Championnats du monde 2002).

En 2008, il est nommé capitaine de la délégation française lors des Jeux Paralympiques de Pékin. Dans sa compétition, il remporte la médaille de bronze par équipe. Un an plus tard, il devient double champion d’Europe (en simple et par équipe). En 2010, il est sacré une nouvelle fois champion du monde par équipe.

Pour en savoir plus sur Emeric, visitez son blog : emericmartin.blogspot.com

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