Vice-championne d’Europe avec l’Ă©quipe de France 5×5 en 2015, Ana-Maria Filip s’est ensuite lancĂ©e avec succès dans le basket 3×3. Elle a ainsi Ă©tĂ© la capitaine des Bleues lors des Jeux Olympiques de Tokyo, terminĂ©s Ă la quatrième place. Elle revient pour nous sur ces expĂ©riences.
Ana-Maria, tu as participé à ta première grande compétition internationale avec l’équipe de France aux Championnats du monde 2014 et la France a terminé septième. Quels souvenirs gardes-tu de cette grande première ?
J’avais dĂ©jĂ eu des sĂ©lections auparavant, mais c’était ma première sĂ©lection pour une grande compĂ©tition, et il s’agissait donc d’un Championnat du monde. MĂŞme en Ă©quipe de France jeunes, j’avais participĂ© Ă des Championnats d’Europe mais jamais Ă un Championnat du monde. C’était donc une première.
En match de préparation, on a battu les Etats-Unis. Il leur manquait certes Brittney Griner, mais battre cette équipe était un truc de fou !
Je garde un bon souvenir de ce Championnat du monde parce qu’il se déroulait en Turquie et c’était un très beau cadre. On a joué le premier match contre la Turquie, devant son public, dans un gymnase rempli de 10 000 personnes ! C’est très rare que cela arrive chez les filles. Quand on en entrées sur le terrain, on a été sifflées. C’était une sensation incroyable. Cela sentait vraiment la poudre et c’était super ! C’est un souvenir marquant ! On a malheureusement ensuite perdu en quarts-de-finale contre les Etats-Unis. On sait que c’est toujours difficile de les jouer à ce stade de la compétition. On a finalement terminé à la septième place, ce qui était un peu difficile à digérer en fin de compétition.
En 2015, tu es devenue vice-championne d’Europe avec l’équipe de France. Avec le recul, quel sentiment domine : la joie d’avoir été sur le podium ou bien la déception d’avoir perdu en finale ?
Je me rappelle très bien de la compétition et de la finale. J’ai encore les photos. On a perdu en finale contre les Serbes alors qu’on les avait battues l’année précédente aux Championnats du monde en match de classement. C’était rageant. Sur le podium, on avait énormément de déception.
Avec le recul, je me dis que c’est bien d’avoir remportĂ© une mĂ©daille d’argent et que beaucoup de filles aimeraient ĂŞtre Ă ma place, mais cela reste toujours une dĂ©ception. Je suis tout de mĂŞme satisfaite d’avoir remportĂ© cette mĂ©daille d’argent car je n’ai pas participĂ© Ă d’autres Championnats d’Europe en 5×5.
« Vivre une injustice à ce niveau-là , sur une demi-finale des Jeux Olympiques, c’est très difficile »
Tu brilles aussi en basket 3×3 avec l’équipe de France. Peux-tu nous raconter dans quelles circonstances tu as commencĂ© le 3×3 et Ă quel moment tu as dĂ©cidĂ© de t’y investir au très haut-niveau ?
J’ai commencĂ© le basket 3×3 en 2017. Je n’étais alors plus appelĂ©e en Ă©quipe de France 5×5. J’avais besoin de changer un peu d’air et de sortir de ma zone de confort. Le 3×3 n’était pas forcĂ©ment adaptĂ© Ă mon gabarit, mais j’ai dĂ©cidĂ© d’appeler le coach. Je le connaissais car il Ă©tait l’entraĂ®neur des garçons de moins de 20 quand j’étais Ă l’INSEP. Je lui ai demandĂ© si c’était possible d’essayer le 3×3. Il Ă©tait très surpris que ce soit la joueuse qui fasse la dĂ©marche d’appeler car en gĂ©nĂ©ral, c’est plutĂ´t l’inverse. En 2017, c’était aussi un peu plus compliquĂ© de faire venir des joueuses qui Ă©voluaient en Ligue FĂ©minine de Basketball.
Je me suis dit que le 3×3 Ă©tait l’opportunitĂ© de faire quelque chose de mon Ă©tĂ©. Il y avait des stages et des tournois. Mes dĂ©buts ont Ă©tĂ© bizarres et un peu difficiles. Petit Ă petit, j’ai cassĂ© certaines barrières de 5×5 pour avoir plus une mentalitĂ© de joueuse de 3×3. J’ai adorĂ©, et j’ai participĂ© au Championnat d’Europe 2017, oĂą on a terminĂ© Ă la quatrième place. VoilĂ comment j’ai commencĂ© le 3×3 !
En 2021, tu as terminĂ© quatrième des Jeux Olympiques de Tokyo en basket 3×3. Après des dĂ©buts difficiles en poule, l’équipe a su trouver une bonne dynamique et a battu le Japon en quarts-de-finale. Comment expliques-tu ces dĂ©buts difficiles puis cette montĂ©e en puissance ?
C’est vrai qu’on a été un peu chamboulées en matches de poule. Il s’est passé beaucoup de choses en même temps. On est arrivées au Japon seulement une grosse semaine avant le début de la compétition et on avait donc encore un peu le décalage horaire. On a rejoint le Village Olympique très peu de temps avant notre entrée en lice. Et puis, il y avait une pression particulière. Même si cela faisait longtemps qu’on travaillait ensemble et qu’on connaissait nos forces, cela restait les Jeux et on savait qu’il ne fallait pas se rater.
On n’a pas très bien débuté, et à un moment donné, on s’est dit qu’il fallait lâcher les chevaux et y aller. Au final, je pense que nos matches de poule mitigés nous ont forcées à aller chercher des ressources pour gagner le quart-de-finale contre le Japon au Japon et accéder ainsi au dernier carré. Cela nous a donc été bénéfique.
La France a été éliminée en demi-finales par les Etats-Unis après une action litigieuse en fin de match. Dans ce contexte, cela a-t-il été difficile de se remotiver pour la petite finale ?
En effet, l’action est à discuter. L’arbitre n’a pas vu quelque chose que tout le monde a vu. Est-ce-que cela aurait changé la fin du match ? Malheureusement, on ne le saura jamais ! Mais c’est sûr que cela ne nous a pas aidées. Cela nous a fait douter et perdre confiance en nous sur la fin de match car on s’est dit qu’on était en train de se faire voler.
L’entre-deux matches a été très long et difficile. Ça a été dur de se remotiver pour la petite finale. On a essayé de se préparer au mieux et de nous concentrer sur les Chinoises, mais on a eu du mal à digérer le fait de perdre en demi- finale, surtout sur une action comme ça. Vivre une injustice à ce niveau-là , sur une demi-finale des Jeux Olympiques, c’est très difficile. On a aussi eu d’autres regrets sur certains tirs manqués, certaines défenses ou certaines fautes. On s’est dit qu’on allait tout donner sur le dernier match, mais cette situation nous a pris énormément d’énergie. Cela a laissé des traces. Je pense qu’on était à bout mentalement et physiquement lors de la petite finale contre les Chinoises.
« Grâce aux Jeux Olympiques, on a eu une forte médiatisation »
De façon plus globale, quels souvenirs gardes-tu de ces Jeux Olympiques de Tokyo ? As-tu profité de la magie Olympique malgré le contexte du covid-19 ?
Ça a été pour nous un séjour très rapide. On est arrivées à Tokyo le jeudi, on a débuté la compétition le samedi, on a joué tous les jours, on a fini le mercredi et on est reparties le vendredi ! Nos journées se répétaient : on commençait par le petit-déjeuner, on allait en salle de musculation pour un réveil, on prenait un peu de repos, on partait pour le lieu des matches, puis on rentrait. C’est passé très vite !
Ça a donc été difficile de profiter à fond de la magie des Jeux. C’est dommage qu’on n’ait pas pu aller voir d’autres sports. On a visité rapidement le Village Olympique la veille de notre départ. Les seuls moments où on a vraiment profité de la magie des Jeux, c’était quand on allait manger. On croisait des sportifs de toutes les nations et on a pu voir tous les uniformes différents. On rencontrait certaines basketteuses contre lesquelles on avait joué ou des grands sportifs que tu ne vois qu’à la télé. J’ai notamment le souvenir que Djokovic a mangé à la table derrière nous !
Le basket 3×3 est une nouvelle discipline, qui Ă©tait au programme Olympique pour la première fois Ă Tokyo. Les Jeux de Tokyo ont-ils eu un impact sur la discipline ?
Oui. Grâce aux Jeux Olympiques, on a eu une forte mĂ©diatisation. Premièrement, car on n’est pas passĂ©es loin de la mĂ©daille. MĂŞme si on a terminĂ© quatrième, c’était quand mĂŞme une belle place : on a pu faire vibrer les gens jusqu’au bout. Deuxièmement, car l’équipe de France fĂ©minine Ă©tait la seule Ă©quipe de France de 3×3 qualifiĂ©e aux Jeux. Or, on sait que la mĂ©diatisation du sport masculin est malheureusement supĂ©rieure Ă celle du sport fĂ©minin.
Le 3×3 est un format très facile Ă regarder. C’est beaucoup plus simple Ă comprendre que le 5×5 car quand il y a une faute, tu la vois vraiment ! Des opens se multiplient en France pour continuer Ă faire connaĂ®tre cette discipline.
Il y a un rĂ©el engouement. Pour prĂ©parer les Jeux de 2024, les filles vont pouvoir se consacrer Ă 100% au 3×3 Ă partir du mois de septembre. Cela va leur permettre de bien se prĂ©parer pendant un an. Cela n’avait pas Ă©tĂ© possible avant les Jeux de Tokyo. Chez les garçons, la « Team Paris » (la première Ă©quipe professionnelle française, ndlr) a Ă©tĂ© construite. Des moyens sont mis en place pour pratiquer cette discipline !
Tu as donné naissance à une petite fille et tu es actuellement en congé maternité. Comment se passe la reprise du basket ?
En effet, j’ai donné naissance à ma petite Diana au mois d’octobre 2022. Je suis toujours en phase de reprise. Ça va, ça se passe bien. Il faut que le corps se réveille et que les muscles répondent. Il y a eu des hauts et des bas. Ce n’est pas toujours facile et il faut de la patience. Au début, je voulais revenir pour la fin de saison mais finalement, c’était un peu trop juste et j’avais envie de profiter de la petite. J’ai donc décidé de tirer un trait sur cette saison et de revenir la saison prochaine. Cela me laisse quelques mois de plus pour bien revenir en forme et cela a évité tout risque. Le manque de sommeil, la nouvelle vie, la nouvelle adaptation : énormément de choses ont changé dans ma vie ! Ce n’est pas plus mal que je ne reprenne que la saison prochaine. Je suis contente car un vrai challenge m’attend à Bourges.
Penses-tu continuer le 3×3, ou tu vas plutĂ´t te concentrer sur le 5×5 en club ?
Je vais vraiment me concentrer sur le 5×5. L’équipe de France de 3×3 est partie dans une autre dynamique, avec une Ă©quipe plus jeune et d’autres profils. J’adore toujours le 3×3. C’est une discipline qui m’a appris Ă©normĂ©ment de choses sur moi-mĂŞme et sur mes limites, que j’ai pu dĂ©passer. Je sais que je vais l’avoir en moi tout le temps. Mais je me concentre donc sur le 5×5 et ma reprise. C’est dĂ©jĂ pas mal comme objectif !
Merci beaucoup Ana-Maria pour ta disponibilité et bonne chance pour la saison prochaine !
La carrière d’Ana-Maria Filip en quelques lignes :
Evoluant au poste d’intérieur, Ana-Maria Filip débute sa carrière dans le club de Bourges et y devient championne de France en 2008 et en 2009. Elle joue ensuite à Villeneuve-d’Ascq, Tarbes, Lattes-Montpellier, Flammes Carolo, Bourges, Polkowice (Pologne) et Lattes-Montpellier.
En équipe de France, elle devient championne d’Europe des moins de 20 ans en 2009. En 2014, elle est sélectionnée pour le Championnat du monde, où la France est éliminée en quarts-de-finale. Elle devient vice-championne d’Europe avec les Bleues en 2015.
En 2017, elle commence le basket 3×3 et intègre l’équipe de France (en parallèle du 5×5, qu’elle continue Ă pratiquer en club). Elle remporte la Coupe d’Europe en 2018 et en 2019 et est mĂ©daillĂ©e de bronze Ă la Coupe du monde 2019. En 2021, elle est la capitaine de l’équipe de France lors des Jeux Olympiques de Tokyo, oĂą la France se classe 4e. Actuellement en pause maternitĂ©, Ana-Maria Filip se concentre dĂ©sormais sur le 5×5 et jouera la saison prochaine Ă Bourges.
Participation aux Jeux Olympiques de Tokyo 2020
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