Florence Lepron est devenue vice-championne Olympique avec l’Ă©quipe de France il y a dix ans Ă Londres. Son expĂ©rience des JO, son titre de championne d’Europe 2009, sa dĂ©cision d’arrĂŞter sa carrière Ă 28 ans : elle nous explique tout.
Florence, vous êtes devenue championne d’Europe avec la France en 2009. A quel moment avez-vous pris conscience que l’équipe de France pouvait vraiment conquérir le titre ?
On est arrivées au Championnat d’Europe de façon très humble pour différentes raisons. On avait la capacité de prendre match après match. Le quart-de-finale a été très compliqué et je pense qu’il nous a quand même libérées. En effet, le premier match d’une compétition et le quart-de-finale sont toujours les matches les plus difficiles à gérer. Mais ce n’est qu’après la demi-finale qu’on a été complètement libérées. En finale, même si les Russes avaient fait plus, je pense qu’on aurait tout de même gagné. On s’était envolées et je ne crois pas que beaucoup d’équipes auraient pu nous battre à ce moment-là ! C’est donc assez tard, après la demi-finale, qu’on s’est dit que c’était possible !
Lors de ce Championnat d’Europe 2009, vous avez notamment été décisive lors du quart-de-finale, en inscrivant le dernier tir à trois points. Pouvez-vous nous raconter comment vous avez vécu cette fin de match et ce tir de l’intérieur ?
C’était le genre de match qu’on détestait : on jouait contre la Grèce, une équipe qu’on battait souvent mais difficilement et qui commençait à avoir l’habitude de jouer contre nous. Du coup, elle savait exactement ce qu’il fallait faire pour nous gêner et c’était compliqué de marquer le moindre panier. Emotionnellement, il y a eu un moment vers la fin du match où je me suis dit : « ce n’est pas possible, cela ne va pas passer ».
Sur la fin du match, Pierre Vincent (le sĂ©lectionneur de l’équipe de France, ndlr) m’a fait entrer de nouveau sur le parquet pour dĂ©fendre contre EvanthĂa Máltsi (MVP de l’Euro 2009, ndlr), et non pas pour marquer des paniers. S’il y a un tir qui reprĂ©sentait le travail du coach, c’est celui-ci. Tout le monde savait que je n’étais pas une tireuse Ă trois points. Mais sur cette situation, je me suis rappelĂ©e ce que m’avait dit Pierre Vincent : il fallait mettre de l’espace entre chacune d’entre nous. Je me souviens m’être ainsi dĂ©calĂ©e d’un mètre pour me mettre près de la ligne. Finalement, c’est Cathy Melain qui a eu le plus de courage car elle m’a passĂ© la balle. J’ai pris le tir en Ă©tant « dans le flow », comme on dit : tu dois prendre le tir, c’est comme ça ! Grâce au coach, je savais exactement ce que je devais faire, il n’y avait plus d’émotions, j’étais au moment prĂ©sent et j’ai fait ce que j’ai fait des centaines de fois.
Tout le monde me parle de ce tir. C’était le dernier, mais il restait encore un peu plus d’une minute à jouer. Ce n’était donc pas programmé que ce soit le dernier. Et pour moi, ce tir était plus simple à prendre qu’une passe que j’ai faite à Sandrine Dumerc quelques secondes avant et qui a permis d’inscrire deux points.
« Quand tu ramènes ton plateau et qu’il y a Manu Ginobili, cela suffit à ton bonheur ! »
Vous avez participé aux Jeux Olympiques de Londres 2012 alors que la France n’avait pas disputé cette compétition depuis douze ans. Dans quel état d’esprit étiez-vous en arrivant à Londres ?
On était très heureuses d’être là . Je ne m’en souviens pas, mais Cap’s (Céline Dumerc, ndlr) raconte que Pierre Vincent nous avait dit quelques semaines avant qu’on pouvait remporter une médaille et qu’on l’avait alors pris pour un fou. La poule était difficile et l’état d’esprit était de prendre match après match, comme en 2009. On était très soulagées d’avoir battu les Brésiliennes sur le premier match. On a ensuite battu l’Australie, le Canada, la Grande-Bretagne et la Russie. Le fait d’avoir terminé premières de notre poule nous a ouvert le chemin vers la finale car les Américaines étaient dans l’autre partie du tableau. On s’est alors dit qu’on n’allait pas quand même pas perdre avant !
Vous avez remporté la médaille d’argent de ces Jeux Olympiques. Quel est le moment qui vous a donné le plus d’émotion à Londres ?
C’est la cérémonie d’ouverture ! C’est difficile d’expliquer ce que ça représente. Pour donner une idée, je dis souvent : « imagine que tu es violoniste, que tu retrouves les meilleurs du monde et qu’en plus tout le monde est content d’être là ! ». Ce qui m’a marquée, c’est que même les plus grandes stars se rendent compte du privilège d’être sur cet événement. Quand tu rentres dans le stade pour la cérémonie, tu te dis que tu participes à quelque chose de grand. L’ambiance générale est incroyable.
A cette époque-là , je suivais beaucoup le sport et j’avais beaucoup d’admiration pour les handballeurs. Ils nous ont tout de suite parlé, alors qu’on n’était personne. Après, j’ai croisé Novak Djokovic et Kobe Bryant. Ils étaient contents d’être là . Cette cérémonie d’ouverture est mon plus grand bonheur !
Vous étiez remplaçante lors de ces Jeux Olympiques. Comment avez-vous vécu la compétition dans ce rôle ?
J’avais l’habitude de ce rôle. Je savais qu’il fallait entrer la plupart du temps sur un besoin spécifique. Les compétitions de sports d’équipe sont longues et même si c’est un peu bateau de le dire, tout le monde est vraiment important. Il ne faut pas se louper quand on fait appel à toi. Il y a des joueurs majeurs, mais si tu ne fais pas ton travail à côté, l’équipe ne gagnera peut-être pas. Chacune connaissait son rôle. J’ai accepté le mien. Je savais que je participais à quelque chose de plus grand que moi. Les quelques moments de frustrations n’étaient pas importants vis-à -vis du projet collectif. Après, personnellement, mes JO ont été ratés. Mais ce n’est pas grave aujourd’hui.
« Une centième sélection en finale des Jeux Olympiques contre les Etats-Unis, c’est quand même pas mal quand tu songes à arrêter ! »
Avez-vous pu profiter de la magie Olympique malgré le calendrier de la compétition très dense en basketball ?
A l’époque, j’étais à fond dans le sport et je suivais certains sportifs depuis un moment, dont Lucie Décosse. Elle n’avait pas encore gagné de titre Olympique alors qu’elle dominait sa catégorie depuis de nombreuses années. Je suis allée voir sa compétition, où elle a obtenu la médaille d’or. Je suis aussi allée voir la natation et Camille Muffat. On a donc profité un peu au début des JO. Mais ensuite, on s’est concentrées sur notre compétition. De toute façon, rien que le fait d’être au Village Olympique est une expérience en elle-même. Je me souviens arriver au self et voir tous ces athlètes de toutes ces nationalités ! Quand tu ramènes ton plateau et qu’il y a Manu Ginobili, cela suffit à ton bonheur !
Vous avez mis un terme à votre carrière après les Jeux Olympiques de Londres, à l’âge de 28 ans. Pour quelles raisons avez-vous pris cette décision aussi jeune ? Etait-ce une idée depuis longtemps ?
J’y réfléchissais depuis plusieurs mois. Je me suis souvenue que, à 18 ans, quand j’ai découvert ce qu’était le fait d’être joueuse de basket professionnelle, je m’étais dit que si je le restais trop longtemps, ce serait pour des raisons que je considérais mauvaises, en particulier ne pas savoir quoi faire d’autre ou pour avoir un revenu confortable.
J’ai pris ma décision finale d’arrêter vers le mois d’octobre, même si je penchais vraiment de ce côté. Je voulais voir autre chose. J’avais le sentiment d’avoir fait le tour et d’être en désaccord sur des choses qui sont importantes pour moi. J’avais aussi toujours été inquiète de cette fameuse reconversion et je préférais donc la faire quand j’avais beaucoup d’énergie. Et puis, avoir réussi une aussi grande performance aux Jeux Olympiques a aussi aidé !
Je donne toujours deux anecdotes, que j’ai prises comme des signes. Le matin de la finale, je me suis réveillée et j’ai reçu un message de mon frère qui me disait que c’était ce soir-là ma centième sélection en équipe de France. Une centième sélection en finale des Jeux Olympiques contre les Etats-Unis, c’est quand même pas mal quand tu songes à arrêter ! Mais il me fallait un peu de temps de recul pour prendre ma décision. Je me souviens aussi que j’ai adoré ne pas jouer. Quand je voyais le numéro de mon agent qui s’affichait sur mon téléphone pendant cette période-là , j’avais peur qu’il m’annonce une offre incroyable que je pourrais difficilement refuser. C’étaient des signes ! Je ne regrette pas du tout ma décision.
Quelles ont été les principales lignes de votre reconversion depuis l’arrêt de votre carrière et que devenez-vous aujourd’hui ?
Je suis retournée à l’école. J’ai pas mal travaillé dans la restauration, par choix et avec plaisir. J’étais dans la restauration rapide. J’ai beaucoup aimé travailler avec les équipes et chercher la performance au quotidien. Mais j’étais un peu las des objectifs financiers. Maintenant, je suis médiatrice sociale dans les quartiers prioritaires. Cela fait un an et demi que je fais ce métier, que j’aime beaucoup. C’est un métier de lien et de gestion des conflits, entre les personnes et entre les institutions. C’est très intéressant !
Merci beaucoup Florence et bonne continuation !
La carrière de Florence Lepron en quelques lignes :
Evoluant aux postes de meneuse et d’arrière, Florence Lepron connaît sa première sélection en équipe de France en 2006. Elle devient championne d’Europe en 2009. Elle participe au Championnat du monde 2010, où les Bleues sont éliminées en quarts-de-finale. Elle obtient le bronze lors du Championnat d’Europe 2011. Lors des Jeux Olympiques de Londres 2012, elle remporte la médaille d’argent.
En club, elle porte les couleurs de Tarbes, de Bourges (championne de France et vainqueur de la Coupe de France 2008, qualifiée pour le Final Four de l’Euroligue 2007 et 2008), de Villeneuve-d’Ascq puis de nouveau de Tarbes (championne de France 2010).
Florence Lepron arrête sa carrière après les Jeux Olympiques de Londres, la finale marquant sa centième sélection. Elle travaille ensuite dans la restauration et est actuellement médiatrice sociale.
Participation aux Jeux Olympiques de Londres 2012
Médaillée d’argent aux Jeux Olympiques de Londres 2012 (basketball femmes)
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