Gardien de l’Ă©quipe de France de water-polo, RĂ©mi Garsau a participĂ© aux Jeux Olympiques de Rio 2016. Il nous explique comment il a vĂ©cu cette première participation de la France aux JO depuis plus de vingt ans.
Rémi, l’équipe de France s’est qualifiée pour les Jeux Olympiques de Rio 2016 à la suite d’une séance de tirs aux buts décisive lors du Tournoi de Qualification Olympique. Peux-tu nous raconter comment tu as vécu cette séance de tirs aux buts en tant que gardien ?
C’était vraiment particulier. Quand le coup de sifflet de la fin du temps réglementaire a retenti, on s’est dit que c’était une séance de tirs aux buts pour aller aux Jeux Olympiques. C’était donc du 50-50. En tant que gardien, il fallait de suite passer à autre chose et essayer autant que possible d’oublier l’enjeu. A chaque fois que je fais une séance de tirs aux buts, j’essaie de me couper de ce qui se passe autour. Je me suis donc concentré sur moi-même et j’ai essayé de me rappeler où allaient probablement tirer les joueurs adverses, comme je l’avais travaillé avec l’assistant coach de l’époque. Après, c’était un grand huit au niveau des émotions : je voyais aussi ce qui se passait de l’autre côté sur l’autre cage, les joueurs qui marquaient ou qui loupaient… Le plus important était de garder ma confiance et ma concentration, et me rappeler où allaient shooter les tireurs Hollandais. Il fallait croiser les doigts ! C’est toujours plus facile quand ça se termine bien !
Tu as participé aux Jeux Olympiques de Rio 2016 avec l’équipe de France, ce qui était la première participation de la France aux JO depuis plus de 20 ans. Participer aux Jeux Olympiques était-il pour toi la réalisation d’un rêve ?
C’est toujours quelque chose qui m’a motivé. Mon père a participé aux Jeux Olympiques de 1988 et 1992. Quand je suis passé professionnel, participer était évidemment mon rêve ultime. Malheureusement, on dit en France participer et non gagner une médaille parce qu’on n’est pas encore à ce niveau-là . Aller aux Jeux Olympiques était un premier aboutissement. En effet, j’avais 32 ans et notre génération n’avait même pas réussi à participer à un Championnat d’Europe avant 2014 ! Et en trois ans, on fait deux Championnats d’Europe, un Championnat du monde et les Jeux Olympiques ! Certes, on n’a pas gagné de médaille et cela peut paraître un peu défaitiste de se satisfaire d’une participation. Mais quand on connaît la situation passée et actuelle du water-polo et d’où on est partis 10 ans auparavant, je pense qu’on peut se satisfaire sans honte de d’être qualifiés !
« Quelle que soit la place, on voulait sortir de cette semaine de compétition sans regrets et en ayant tout donné »
Lors de ces Jeux Olympiques, la France a terminé dernière de son groupe avec une victoire pour quatre défaites. Quel regard portes-tu sur la performance de l’équipe de France à Rio ?
Honnêtement, en prenant en compte tout le contexte – l’année très longue, les émotions liées aux hauts et aux bas – et quand je vois le niveau de jeu qu’on avait à Rio, je pense qu’on était à notre place dans le groupe. On peut toujours dire qu’on aurait pu faire un exploit mais on était malgré tout là où on aurait dû être. Il y avait dans notre poule des équipes qu’on n’avait jamais battues. Sortir de la poule et jouer un quart-de-finale aurait été plus qu’un exploit. Je n’ai personnellement aucun regret et je pense que mes autres coéquipiers non plus. Tout le monde a vécu l’aventure à fond. Quelle que soit la place, on voulait sortir de cette semaine de compétition sans regrets et en ayant tout donné.
Mis à part la compétition, quels souvenirs gardes-tu de ces Jeux Olympiques de Rio ?
Beaucoup de sportifs disent que c’est le Disneyland des sportifs. Quand on fait du sport de haut niveau, on aime souvent le sport et notamment les sports collectifs comme le handball et le basket. J’ai aussi toujours suivi la natation et l’athlétisme aux Jeux Olympiques. Quand on est Français en water-polo, on sait qu’on ne va pas jouer les premiers rôles. Arrivé là -bas, on se sent comme un petit garçon qui arrive à Disney et qui voit tous ces grands sportifs qu’on ne voyait qu’à la télé. On a les yeux grands ouverts. On essaie de regarder et de prendre un maximum d’informations et de souvenirs, sans oublier la compétition car c’est très facile de se perdre. Il faut arriver à faire la part des choses entre prendre du plaisir hors de l’eau mais aussi dans l’eau, ce qui passe par la performance et le fait de rester sérieux tout le temps de la compétition.
Tu es devenu champion du monde de beach water-polo avec l’équipe de France en 2019. Est-ce l’une des plus grandes fiertés de ta carrière ?
Non. C’est un titre honorifique. On n’a pas eu de médaille de champion du monde parce que c’était un tournoi de démonstration. Il y avait seulement quatre équipes : la Chine, l’Argentine, le Canada et la France. On ne va pas cracher dessus : c’était une super expérience et un honneur d’avoir été invité pour promouvoir le beach water-polo. C’est un très bon souvenir mais pas le meilleur souvenir de ma carrière sportivement.
Comment se passe la préparation d’un gardien de but, que ce soit aux niveaux physique ou mental ?
Certains travaillent avec des préparateurs mentaux, moi non. Au niveau de la musculation, il y a du spécifique parce qu’on ne doit pas développer les mêmes muscles que les joueurs. Dans l’eau, il faut nager un peu, faire un peu de cardio, effectuer beaucoup de sauts et de déplacements et travailler les réflexes. C’est donc différent des joueurs. Beaucoup d’entre eux disent que les gardiens ne font rien parce qu’on ne nage pas, mais ils ne disent plus rien quand on fait une heure et demi de shoot. C’est vraiment un poste à part.
« Je rêve de faire les Jeux à Paris en jouant un quart-de-finale, voire une demi-finale »
L’équipe de France a moins de réussite récemment, n’ayant pas brillé aux Championnats d’Europe 2020 et n’ayant pas participé aux Championnats du monde 2019. Comment expliques-tu cette situation ?
C’est difficile à expliquer. L’année 2016 a marqué la fin d’une génération qui composait 80% de l’équipe et qui était ensemble depuis quasiment dix ans. Il y a eu un premier changement de coach en 2016, puis un deuxième après les Championnats du monde 2017. Un nouveau cycle se met en place avec l’intégration de nouveaux joueurs. Les joueurs plus anciens doivent faire la part des choses entre intégrer les jeunes et s’adapter au nouveau coach. Et puis le water-polo progresse en Europe. Les nations qui avaient déjà de l’avance sur nous travaillent très bien et mettent des choses en place.
Parfois, cela se joue à pas grand-chose. Au Championnat d’Europe cette année, il suffisait de gagner le match contre la Géorgie pour passer dans les douze premiers. En perdant ce match, on a été directement éliminés de la course aux quarts-de-finale et on a joué les matchs de classement pour les places de 13e à 16e. Le problème du water-polo, c’est qu’on se qualifie pour le Championnat du monde en faisant une grosse performance au Championnat d’Europe, qui est la compétition la plus dense. En Europe, il y a 6 ou 7 nations très fortes et ensuite environ 10 nations qui se valent. C’est donc difficile de se qualifier. Quand on loupe des compétitions, c’est plus difficile de progresser car on est moins aguerris. On doit donc travailler beaucoup plus dur. Retrouver ses marques ne se fait pas du jour au lendemain. Cela arrive de passer au travers de certaines compétitions. Je pense que c’est mieux de voir sur le long terme.
La France a-t-elle encore une chance de se qualifier pour les Jeux Olympiques de Tokyo ?
En finissant 13e du Championnat d’Europe, on savait qu’on n’avait aucune chance d’être qualifiés en tant que pays européen pour le TQO (Tournoi de Qualification Olympique, ndlr). Le TQO est mondial, mais cela arrive souvent que les équipes africaines, sud-américaines et même d’Océanie n’y participent pas car ça coûte énormément d’argent. Sur ces continents, ce sont souvent les joueurs qui payent eux-mêmes leurs déplacements. Certaines nations savent qu’elles n’ont aucune chance de se qualifier et préfèrent déclarer forfait, et des pays européens sont alors repêchés. Les pays asiatiques ont déclaré forfait pour le TQO à cause du coronavirus, tout comme les pays d’Amérique du Sud. Les pays européens ont alors été repêchés selon leur classement au Championnat d’Europe, jusqu’au 13e. Au final, on se retrouve qualifiés pour le TQO en février 2021. Mais cela peut encore changer : la semaine dernière, il y a eu trois changements en trois jours ! Si les Asiatiques veulent finalement y participer, on n’est pas à l’abri d’un changement de programme ! On croise les doigts !
L’équipe de France sera qualifiée pour les Jeux Olympiques de Paris 2024 en tant que pays organisateur. Malgré le fait que tu auras 40 ans à ce moment-là , envisages-tu d’essayer d’y participer ?
C’est sûr que 40 ans, c’est vieux pour un sportif. Mais pour un gardien, ce n’est pas exceptionnel de continuer au haut niveau jusqu’à cet âge-là . Le meilleur gardien du dernier Championnat d’Europe a 39 ans. C’est sûr que c’est dans un coin de ma tête. Mais étant donné ce par quoi on est passé depuis quinze ans pour aller à Rio, je pense que ce serait faire déshonneur à l’équipe de France et à l’esprit Olympique d’aller aux JO pour finir dernier et juste dire qu’on a participé aux Jeux Olympiques sans avoir eu à se qualifier. Je rêve de faire les Jeux à Paris en jouant un quart-de-finale, voire une demi-finale. Il y a encore quatre ans et beaucoup de choses peuvent arriver. A mon âge, je préfère prendre année après année et voir comment ça se passe. Mais c’est sûr que ce serait un rêve de faire les Jeux à 40 ans dans mon pays et d’y performer. Ce serait une fin de carrière idéale !
Merci beaucoup Rémi d’avoir répondu à ces questions !
Crédits photo 2 : FFN Water-polo
La carrière de Rémi Garsau en quelques lignes :
Evoluant au poste de gardien de but, Rémi Garsau débute sa carrière à Marseille, club avec lequel il remporte 10 titres de champion de France entre 2005 et 2016. Il est sélectionné avec l’équipe de France aux Championnats d’Europe 2014 (10e place) et 2016 (9e place).
En avril 2016, la France obtient son ticket pour les Jeux Olympiques de Rio lors du Tournoi de Qualification Olympique à la suite d’une séance de tirs aux buts où Rémi Garsau est décisif. Pour sa première participation aux JO depuis plus de 20 ans, l’équipe de France termine dernière de son groupe (une victoire pour quatre défaites) et Rémi Garsau est titulaire à tous les matches.
En 2017, il termine 14e des Championnats du monde. Il devient champion du monde de beach water-polo en 2019. Aujourd’hui âgé de 35 ans, Rémi Garsau joue actuellement à Nice et vise le Tournoi de Qualification Olympique qui aura lieu en 2021.
Participation aux Jeux Olympiques de Rio 2016
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