Interview de Ronald Pognon
(athlétisme)

Le 2 juillet 2005, Ronald Pognon est devenu le premier Français Ă  passer sous la barre mythique des 10 secondes sur le 100 m. Au delĂ  de cet exploit, il a aussi brillĂ© en relais avec l’or des Championnats du monde 2005 et le bronze des Jeux Olympiques de Londres 2012. Entretien.

Ronald, vous avez participĂ© Ă  vos premiers Jeux Olympiques en 2004 Ă  Athènes et vous avez atteint les demi-finales du 100 m. A l’époque, ce rĂ©sultat correspondait-il Ă  vos attentes ?

Oui, cela correspondait complètement Ă  mes attentes. Avant les JO, le DTN m’avait dit que j’étais jeune et que l’objectif Ă©tait d’aller le plus loin possible. A l’époque, il y avait quatre tours (le premier tour, le deuxième tour, la demi-finale et la finale) et non trois comme maintenant. On pouvait ainsi tomber sur des athlètes invitĂ©s qui courraient le 100 m en 14 secondes. Tous les athlètes Ă©taient mĂ©langĂ©s ! Il s’agissait Ă  Athènes de mes premiers Jeux. Je dĂ©couvrais le Village Olympique avec le McDonald’s et des restaurants du monde entier. C’était marrant de voir le plus grand restaurant au monde !

Le 5 juillet 2005 Ă  Lausanne, vous ĂŞtes devenu le premier Français Ă  passer sous la barre des 10 secondes sur le 100 m. Etait-ce un objectif que vous aviez dans la tĂŞte depuis longtemps ?

Oui. Je voulais ĂŞtre le premier Français Ă  passer sous les 10 secondes parce que c’était inĂ©dit. Aujourd’hui, grâce Ă  la technologie et aux nouvelles pointes en carbone, c’est presque « facile Â» de courir en moins de 10 secondes pour un athlète qui travaille. A l’époque, il fallait vraiment avoir une bonne mĂ©thode d’entraĂ®nement, que j’ai eue grâce Ă  Guy Ontanon.

« A 20 heures, à une température de 14 degrés, au couloir 3 : c’était la course magique ! »

Sentiez-vous avant la course ce jour-lĂ  que c’était possible ?

La semaine précédente, j’avais participé au Meeting de Paris. J’y avais loupé mon départ et j’avais fini troisième en 10’’11. Mais j’aurais pu faire moins de 10 secondes à Paris.

C’est finalement arrivĂ© Ă  Lausanne. La piste y est mythique. A l’échauffement, j’ai vu que j’étais très dynamique et très vĂ©loce sur mes appuis. J’ai dit Ă  mon coach Guy Ontanon que je sentais que j’allais faire une grosse course. Et puis Ă  20 heures, Ă  une tempĂ©rature de 14 degrĂ©s, au couloir 3 : c’était la course magique ! En plus, ce n’était mĂŞme pas la course parfaite car je suis parti en talons-fesses sur les vingt derniers mètres. J’aurais pu faire dans les 9’’92. Mais je n’avais pas la musculature, notamment au niveau des ischio-jambiers, pour pouvoir rĂ©sister Ă  cette vitesse. Je suis content d’avoir rĂ©alisĂ© cette performance !

Ce record a eu de grandes retombĂ©es mĂ©diatiques. Comment avez-vous vĂ©cu la pĂ©riode d’après-record ?

J’étais jeune et ma vie a soudainement beaucoup changé. Quand je compare Mickaël Zézé, qui a réalisé moins de 10 secondes cette année, avec ma situation à cette époque, ce n’est pas pareil. J’étais le troisième Européen sous les dix secondes. Mon contrat avec Adidas a été multiplié par dix. Les marques s’arrachaient pour m’avoir. J’ai pu participer à pas mal d’épreuves de Golden League (une ancienne compétition remplacée depuis 2010 par la Diamond League, ndlr). J’ai su m’entourer rapidement avec mon manager et un avocat d’image. Ma famille m’a aussi aidé. C’était la première fois qu’un Français passait sous les 10 secondes, donc il fallait être bien entouré et structuré.

Vous ĂŞtes devenu champion du monde du relais 4×100 m en 2005. Racontez-nous comment vous avez vĂ©cu cette finale de l’intĂ©rieur ?

Cette finale de relais Ă©tait un moyen de me racheter de ma demi-finale du 100 m en individuel. J’avais la cinquième performance mondiale et j’aurais donc dĂ» ĂŞtre finaliste. Mais j’ai ratĂ© ma demi- finale. En relais, on Ă©tait une Ă©quipe de six athlètes et on se connaissait vraiment. On allait manger ensemble et on faisait tout ensemble. On avait une telle confiance entre nous qu’on savait qu’on pouvait au moins remporter une mĂ©daille. Cependant, personne ne misait sur nous pour devenir champions du monde. Le relais de Trinidad-et-Tobago Ă©tait le favori. Guy Ontanon nous avait donnĂ© des marques, mais on avait une telle confiance qu’on les a toutes changĂ©es. On a rĂ©ussi Ă  amener le tĂ©moin jusqu’à la ligne d’arrivĂ©e. C’était la magie !

« C’est une médaille, mais c’est vraiment mon plus mauvais souvenir »

Vous avez remportĂ© la mĂ©daille de bronze du relais 4×100 m des Jeux Olympiques de Londres 2012, suite Ă  la disqualification pour dopage du relais AmĂ©ricain en 2015. Racontez-nous d’abord votre sentiment juste après la quatrième place initiale de ces Jeux Olympiques, Ă  quatre dixièmes du podium ?

Je ne savais pas si j’allais courir cette finale et le staff m’a finalement choisi. J’étais le quatrième relayeur, en charge de la ligne d’arrivée. Ce n’est pas mon meilleur chrono sur 100 m. Au moment où Pierre-Alexis Pessonneaux m’a donné le témoin, j’ai dû ralentir et j’ai du coup coupé ma vitesse. J’ai dû relancer derrière et c’est à partir de là que les relayeurs du Canada et de Trinidad-et-Tobago m’ont dépassé. J’ai toujours vécu cette course-là comme un échec. Même si on a ensuite eu une médaille, on aurait pu la gagner directement sans cette erreur de transmission.

Vous avez reçu cette mĂ©daille Olympique en 2015, soit trois ans après la compĂ©tition. Quel rapport avez-vous avec cette mĂ©daille ?

C’est une médaille, mais c’est vraiment mon plus mauvais souvenir. J’ai fait une mauvaise course. Une équipe a été disqualifiée pour passage de témoin hors-zone, puis une autre pour dopage. Pour moi, c’est juste une médaille. Je ne vais pas la valoriser comme la médaille de champion du monde.

Vous avez participĂ© Ă  trois Ă©ditions des Jeux Olympiques : Athènes 2004, PĂ©kin 2008 et Londres 2012. Quelle Ă©dition vous a le plus marquĂ© ?

Mes premiers JO, Ă  Athènes, m’ont marquĂ© car c’était un lieu mythique. Londres, c’était super sympa ! Mais l’édition qui m’a vraiment marquĂ©, c’est PĂ©kin. Ils avaient collĂ© des plaques en bois pour cacher des bidonvilles et pour montrer que tout Ă©tait très beau Ă  PĂ©kin. C’était un cache-misère. Ça m’avait vraiment choquĂ© !

Que devenez-vous depuis l’arrĂŞt de votre carrière en 2015 ?

Je suis responsable d’agence dans un grand groupe qui s’appelle Manpower, sur le rĂ©seau « Experts & Cadres Â». Je recrute des ingĂ©nieurs informatiques. Je manage une Ă©quipe de six personnes.

Merci beaucoup Ronald pour votre disponibilité et bonne continuation !

La carrière de Ronald Pognon en quelques lignes :

SpĂ©cialiste du sprint, Ronald Pognon atteint les demi-finales du 100 m Ă  ses premiers Championnats du monde, en 2003 Ă  Paris. Lors des Jeux Olympiques d’Athènes 2004, il atteint Ă©galement les demi-finales du 100 m et est Ă©liminĂ© en sĂ©ries du 4×100 m. Il remporte aux Championnats d’Europe en salle les mĂ©dailles d’argent en 2005 et de bronze en 2007 sur 60 m.

En juillet 2005 Ă  Lausanne, il est le premier Français Ă  courir le 100 m en moins de 10 secondes (9’’99). En relais 4×100 m, il devient champion du monde en 2005 et mĂ©daillĂ© de bronze des Championnats d’Europe en 2006. Lors des Jeux Olympiques de PĂ©kin 2008, il est Ă©liminĂ© en quarts-de-finale du 100 m. Il se classe 6e de la finale du 60 m des Championnats du monde en salle 2010.

Il remporte le bronze du relais des Championnats d’Europe 2012. Lors des Jeux Olympiques de Londres 2012, il termine 4e du relais 4×100 m (avec Jimmy Vicaut, Christophe LemaĂ®tre et Pierre-Alexis Pessonneaux) mais rĂ©cupère la mĂ©daille de bronze en 2015 suite au dĂ©classement pour dopage du relais amĂ©ricain. Il met un terme Ă  sa carrière en 2015, Ă  l’âge de 32 ans. Il dĂ©tient toujours le record de France du 60 m en salle (6’’45 rĂ©alisĂ© en 2005) et travaille actuellement chez Manpower Digital Ile-de-France.

drapeau olympique Participations aux Jeux Olympiques d’Athènes 2004, Pékin 2008 et Londres 2012

medaille MĂ©daillĂ© de bronze des Jeux Olympiques de Londres 2012 (relais 4×100 m hommes)

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