Interview de Yannick Souvré
(basketball)

A l’occasion des vingt ans du premier titre de championne d’Europe remportĂ© par l’Ă©quipe de France de basket fĂ©minine, nous avons interviewĂ© son ancienne capitaine Yannick SouvrĂ©. Elle revient pour nous sur cette victoire et sur sa participation aux Jeux Olympiques de Sydney 2000.

Yannick, vous ĂŞtes devenue championne d’Europe avec l’équipe de France il y a exactement 20 ans. A quel moment avez-vous vraiment pris conscience que vous alliez devenir championne d’Europe ?

C’est assez tardivement dans le match qu’on a été sûres et certaines qu’on allait devenir championnes d’Europe. Mais on était programmées pour remporter le titre bien plus tôt que ça.

L’histoire de cette Ă©quipe de France a commencĂ© du plus bas niveau europĂ©en, puisqu’on Ă©tait en division C. Il a fallu gravir les Ă©chelons, monter en division B puis en division A. On a connu une finale perdue en 1999 face Ă  la Pologne devant leur public. Cela nous a construites. Avec Isabelle Fijalkowski, l’autre leader de l’équipe, on s’est programmĂ©es en nous disant que notre but Ă©tait d’aller aux Jeux Olympiques et d’avoir des rĂ©sultats. En 2001, quand on est entrĂ©es dans cette compĂ©tition, on Ă©tait comme des robots. On n’était pas dans l’arrogance, mais on avait dĂ©cidĂ© qu’on voulait gagner ensemble. On Ă©tait donc programmĂ©es !

Mais il a quand mĂŞme fallu gagner la finale contre les Russes ! Et mĂŞme si on a gagnĂ© tous les matches, ils n’ont pas tous Ă©tĂ© faciles. On a Ă©tĂ© capables de faire les efforts pour le collectif et pour arriver Ă  gagner. Ce travail bien fait Ă©tait extrĂŞmement jouissif.

On imagine que jouer cette compĂ©tition devant le public français a Ă©tĂ© un grand moment ?

En 1999, on avait perdu en finale contre la Pologne dans une salle gigantesque remplie de supporters polonais car ils jouaient chez eux. On a rĂŞvĂ© de vivre ça en France. Le basket fĂ©minin n’était pas sur le toit du monde et on n’avait pas une notoriĂ©tĂ© phĂ©nomĂ©nale. On a jouĂ© les cinq matches de poule Ă  OrlĂ©ans. Le public nous a suivis et les mĂ©dias ont commencĂ© Ă  parler de plus en plus de nous. Quand on est arrivĂ©es au Mans Ă  partir des quarts-de-finale, on Ă©tait dans une salle très belle et pleine comme un Ĺ“uf ! Comme cela se passait en France, les mĂ©dias ont plus couvert cet Ă©vĂ©nement. Cela a rendu l’évĂ©nement phĂ©nomĂ©nal.

J’ai eu la chance d’avoir mes parents présents sur tous les matches. J’avais poussé à ma mère à partir à la retraite un an plus tôt que prévu pour qu’elle puisse venir (rires). C’était extraordinaire d’être avec les gens qui nous entouraient au quotidien.

« On était programmées pour remporter le titre »

Avez-vous senti un avant et un après titre europĂ©en concernant la mĂ©diatisation ?

Non, il n’y a pas eu de déclic. J’ai alors compris qu’il n’y en aurait jamais. Ce qu’il fallait attendre, c’était une évolution constante. Les titres, l’évolution de la société et la reconnaissance du sport féminin feraient notamment que ça pourrait évoluer. Il y a quand même eu une grosse couverture médiatique car c’était la première fois qu’il y avait ce titre.

Il y avait Ă  l’époque une grosse rivalitĂ© entre Valenciennes et Bourges. Comment avez-vous fait en tant que capitaine de l’équipe de France pour Ă©viter que cela nuise Ă  l’équipe ?

Il y avait en effet une rivalitĂ© phĂ©nomĂ©nale. Les filles restaient longtemps dans les clubs et les matches Ă©taient Ă  chaque fois extrĂŞmement tendus. Les annĂ©es ont passĂ© et je peux vous dire aujourd’hui que ce sont les meilleurs moments, autant pour les Valenciennoises que pour les Berruyères. Les gens qui ont participĂ© Ă  ces derbys français ont pris un pied incroyable Ă  les vivre. Quand on se retrouve, on en parle et c’est gĂ©nial !

Les matches Ă©taient très tendus et très physiques pendant la saison, et on se retrouvait après en Ă©quipe de France. Ce n’était pas simple. Mon but Ă©tait d’arriver malgrĂ© tout Ă  faire qu’il y ait du liant. C’était un travail en sous-marin de rassembler. Cela a aussi Ă©tĂ© possible grâce Ă  d’autres joueuses qui Ă©taient copines avant ces derbys. MĂŞme si une joueuse de Valenciennes Ă©tait « mon ennemie Â», il fallait avoir un objectif commun et oublier le passĂ© pour se focaliser sur le prĂ©sent. On partait « Ă  la guerre Â» tous ensembles. J’ai de temps en temps mis mes Ă©tats d’âme de cĂ´tĂ© pour le bien du collectif. Ce travail de capitaine m’a beaucoup demandĂ© mais je l’ai fait car j’y croyais et j’ai Ă©tĂ© rĂ©compensĂ©e !

Vous avez participĂ© aux Jeux Olympiques de Sydney 2000. Avec le recul, la cinquième place obtenue est-elle une satisfaction ou un regret pour les premiers Jeux Olympiques de l’équipe de France fĂ©minine ?

C’est les deux. D’un côté, c’est un regret car je pense que cette équipe avait les moyens de terminer troisième. La finale était inatteignable. On a perdu en quarts-de-finale contre la Corée, que je n’avais jamais jouée auparavant. On n’avait jamais appréhendé ce basket coréen. Or, le basket asiatique est très particulier. On n’était pas du tout préparées à être capable de répondre à ce basket tellement particulier. Le regret, c’est qu’on aurait pu être mieux préparées et jouer crânement notre chance. Après, on aurait joué la médaille de bronze contre le Brésil, qu’on avait battu en poules. On aurait pu prétendre à cette troisième place.

D’un autre cĂ´tĂ©, on a terminĂ© cinquième et on a donc fini sur une victoire. On a Ă©tĂ© la première nation europĂ©enne. Pour une première participation, on se rend compte avec le recul que ce n’était vraiment pas mal !

« J’ai eu beaucoup de belles choses dans ma carrière, mais participer aux Jeux Olympiques était vraiment le Graal pour moi »

De façon plus globale, quels souvenirs gardez-vous de ces Jeux Olympiques de Sydney ? Avez-vous ressenti toute la magie ?

Oui ! J’ai Ă©tĂ© Ă©levĂ©e aux JO. Mes parents sont très sportifs et ma mère Ă©tait professeur d’éducation physique. Depuis que je suis petite, je ne rate pas les Jeux. Ils font partie de mon ADN. ĂŠtre championne d’Europe Ă©tait quelque chose que j’avais imaginĂ©, mais je n’avais jamais osĂ© rĂŞver des Jeux en Ă©tant gamine car on en Ă©tait trop loin. C’était le Graal.

En tant que basketteuse, c’était grandiose de les jouer. J’étais une athlète parmi 10 000, et j’y Ă©tais ! Je faisais partie du gratin mondial de mon sport. Lors de la cĂ©rĂ©monie d’ouverture, je n’ai pas marchĂ© mais j’ai volĂ©. Quand on est entrĂ©es dans le stade, on Ă©tait devant les projecteurs du monde entier pendant les 100 premiers mètres. Mes coĂ©quipières filmaient et prenaient des photos. Moi, j’ai juste pris un plaisir phĂ©nomĂ©nal Ă  ĂŞtre lĂ  ! J’avais l’impression de voler tellement c’était surrĂ©aliste.

J’ai eu beaucoup de belles choses dans ma carrière, mais participer aux Jeux Olympiques Ă©tait vraiment le Graal pour moi. Les Jeux Olympiques me transportent. J’ai vĂ©cu ceux de cette annĂ©e depuis mes vacances, en regardant beaucoup de sports et sans en louper une miette. J’adore !

Vous avez également un beau palmarès en club, avec notamment trois victoires en Euroligue. Y-a-t-il un titre qui vous a particulièrement marquée ?

Un titre qui m’a marquĂ©e est ma première Euroligue avec Bourges en 1997 en Grèce. Notre entraĂ®neur Vadim Kapranov a perdu sa fille juste avant qu’on parte au Final 4 et n’est donc pas venu avec nous. C’était un moment terrible car je l’aimais Ă©normĂ©ment. Il m’a beaucoup donnĂ© et il a permis Ă  Bourges de gagner beaucoup de titres. Orphelines de notre entraĂ®neur, on s’est autogĂ©rĂ©es durant le tournoi. On Ă©tait tellement bien prĂ©parĂ©es qu’on a gagnĂ© sans soucis.  On lui a offert le titre, mais c’était tellement insignifiant par rapport au dĂ©cès de sa fille unique ! C’était la plus grande joie et la plus grande tristesse au mĂŞme moment.

Le second titre, l’annĂ©e suivante, Ă©tait aussi marquĂ© d’une tristesse phĂ©nomĂ©nale. On jouait le Final 4 Ă  Bourges et toute la ville Ă©tait aux couleurs du club, en orange. Quelques jours avant, Anna Kotocova, l’âme de notre Ă©quipe, a perdu son père. C’était fou : tellement de joie, avec la ville entière qui vibrait, et une nouvelle fois de tristesse au mĂŞme moment.

Le troisième titre, en 2001, Ă©tait Ă©galement extraordinaire car il n’était pas du tout prĂ©vu. On Ă©tait très en difficultĂ©s et l’annĂ©e avait Ă©tĂ© compliquĂ©e. On a gagnĂ© sur  beaucoup de caractère et sur une action de gĂ©nie de Cathy Melain !

Vous travaillez actuellement Ă  la FĂ©dĂ©ration Française de basket. Pouvez-vous nous expliquer en quoi consiste votre poste ?

Je suis Ă  la FĂ©dĂ©ration depuis janvier 2020. Au bout de deux mois, j’ai eu le droit Ă  cette fameuse pandĂ©mie, pour laquelle je dois passer beaucoup de temps ! Je suis Directrice du Haut-Niveau des Clubs. Avec mon Ă©quipe, j’ai en charge l’organisation de trois divisions : la Ligue FĂ©minine de basket, la Ligue FĂ©minine 2 et la Nationale Masculine 1. Une grosse partie du travail concerne la Ligue FĂ©minine de basket car elle a une gouvernance propre. Tous les acteurs sont impliquĂ©s dans cette gouvernance : les PrĂ©sidents des clubs, les joueuses, les entraĂ®neurs, la FĂ©dĂ©ration, des gens du monde de l’entreprise… On a voulu Ă©tendre cette gouvernance pour en faire une vraie force. Malheureusement, on traite beaucoup le covid-19 et on n’avance pas autant qu’on souhaiterait les dossiers beaucoup plus passionnants !

Merci beaucoup Yannick pour votre disponibilité !

Crédits photos 2 et 3 : FFBB Fédération Française de Basketball

La carrière de Yannick Souvré en quelques lignes :

Evoluant au poste de meneuse, Yannick Souvré dispute sa première compétition en équipe de France lors du Championnat d’Europe 1989 (8e place). Elle devient vice-championne d’Europe en 1993 et en 1999. Elle est la capitaine de l’équipe de France de 1997 à 2002.

Pour la première participation de l’équipe de France féminine aux Jeux Olympiques, elle termine 5e des Jeux Olympiques de Sydney 2000, après une élimination en quarts-de-finale. Elle décroche le titre lors des Championnats d’Europe 2001, disputés en France. Un an plus tard, elle dispute sa dernière compétition avec l’équipe de France lors des Championnats du monde 2002.

En club, elle remporte 8 fois le Championnat de France (1988 et 1989 avec Mirande puis entre 1995 et 2000 avec Bourges), 3 fois l’Euroligue (1997, 1998 et 2001 avec Bourges) et 1 fois la Coupe d’Europe Ronchetti (1995 avec Bourges). Elle met un terme à sa carrière en 2003. Depuis, elle a notamment travaillé dans le club de Bourges, à la FIBA Europe (11 ans), à la Ligue Nationale de Volley et en tant que consultante à la télévision. Elle est aujourd’hui Directrice du Haut-Niveau des Clubs à la Fédération Français de basket.

drapeau olympique Participation aux Jeux Olympiques de Sydney 2000

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