Interview de Jean-Pierre Papin

(football)

Cette semaine, c’est Jean-Pierre Papin qui rĂ©pond Ă  nos questions. Vainqueur du Ballon d’Or en 1991 et comptant 54 sĂ©lections pour 30 buts en Ă©quipe de France, c’est l’un des footballeurs français au plus beau palmarès. Entretien.

Jean-Pierre, vous avez participĂ© Ă  la Coupe du monde 1986, oĂą l’équipe de France a terminĂ© Ă  la troisième place. Quels souvenirs gardez-vous de cette compĂ©tition ?

Pour moi, c’était tout nouveau ! Je jouais Ă  Bruges et j’avais Ă©tĂ© appelĂ© par Henri Michel pour la Coupe du Monde. Je n’y croyais pas vraiment parce que je ne pouvais pas imaginer qu’un petit jeune qui jouait dans le championnat belge puisse ĂŞtre appelĂ© dans la grande Ă©quipe de France. Et le rĂŞve est devenu rĂ©alitĂ© ! J’ai fait un premier match amical Ă  Paris pour ma première sĂ©lection. C’était contre l’Irlande, sur un terrain complètement gelĂ©. C’était le 26 fĂ©vrier 1985 et on avait fait 0-0. Je suis ensuite parti Ă  la Coupe du Monde avec cette grande Ă©quipe. Ca Ă©tĂ© très compliquĂ© parce que j’étais « brut de dĂ©coffrage Â». J’ai jouĂ© comme je jouais en Belgique et j’avais beaucoup d’occasions. Je marquais, mais pas suffisamment. Finalement, mĂŞme avec une troisième place, cela reste pour moi un souvenir mitigĂ© parce que j’aurais pu finir meilleur buteur en trois matchs. C’est le grand regret. Pour le reste, ça a Ă©tĂ© un rĂŞve Ă©veillĂ© pendant un mois et demi avec tous ces grands joueurs.

En 1991, vous avez remportĂ© le Ballon d’Or. Est-ce la plus grande fiertĂ© de votre carrière ?

Oui. Ce genre de rĂ©compense, ce n’est qu’avec le recul que l’on s’aperçoit qu’elle est grandiose. A l’époque, quand on joue et que l’on est Ballon d’or, c’est une rĂ©compense individuelle. Mais quand on voit ce que cela reprĂ©sente aujourd’hui… Il y a eu 52 ou 53 Ballons d’Or sur tous les joueurs de football qu’il y ait eu sur la terre entière. Faire partie de ce gotha est un sacrĂ© privilège, mais on ne s’en aperçoit qu’après coup. C’est vrai que maintenant, c’est le plus beau trophĂ©e de ma carrière.

Vous avez marquĂ© l’histoire de l’Olympique de Marseille, y terminant quatre fois champion de France et cinq fois meilleur buteur du Championnat de France. A quel moment avez-vous connu le dĂ©clic sous les couleurs de l’OM qui vous a permis de devenir un tel joueur ?

Marseille est mon club de cĹ“ur. C’est le club avec lequel je me suis rĂ©vĂ©lĂ© et au sein duquel je me suis certainement le plus Ă©clatĂ© dans ma carrière. Comment j’en suis arrivĂ© lĂ  ? Quatre titres de champion de France, une victoire en Coupe de France, cinq fois meilleur buteur du championnat, une finale et deux demi-finales de Coupe d’Europe… Ce qui a fait la diffĂ©rence est d’abord tous les coaches qui ont pu croiser mon chemin. Je crois que j’ai beaucoup appris de chacun d’eux et c’est toujours important quand tu fais une carrière professionnelle. Et puis il y avait mon talent, ce que je savais faire et ce que j’aimais faire. Je pense que je me suis fait tout seul après, parce que je savais que j’étais capable de faire des choses. J’avais un truc de plus que les autres : mon nez, qui me permettait de marquer des buts souvent impossibles. Mais Ă  mon avis, c’est le travail qui a fait la diffĂ©rence. Ces reprises de volĂ©e faites tous les jours pendant cinq ans ont je pense Ă©tĂ© la clĂ© du succès marseillais. Sinon, le prĂ©sident a toujours mis Ă  ma disposition les meilleurs joueurs que l’on ait pu avoir en Europe. Marseille reste le grand club de ma carrière !

En 1992, vous avez signĂ© dans le club de l’AC Milan alors que peu de joueurs français jouaient encore Ă  l’étranger Ă  l’époque. Qu’est-ce-qui vous a poussĂ© Ă  signer Ă  Milan ?

Milan était pour moi l’une des meilleures équipes d’Europe à l’époque, avec le Real Madrid et Manchester United. Je pense que l’OM n’était pas très loin de ces trois équipes mais on ne les a malheureusement jamais rencontrés, si ce n’est en finale en 1993. Ce qui a fait la différence, c’est tout simplement que j’avais quelques rêves et qu’un de ceux-là était de jouer avec Marco van Basten (attaquant néerlandais ayant remporté trois fois le Ballon d’Or, ndlr) et de former une doublette comme il y en avait peu. J’ai eu ma part de chance parce que j’ai pu jouer avec lui. Mais il s’est très vite blessé et ça a finalement coupé court. Il a arrêté sa carrière quelques mois après et ça a été une grosse déception. Avoir fait partie de ce grandissime club a aussi été un énorme privilège dans ma carrière professionnelle.

Vous comptez 54 sĂ©lections pour 30 buts marquĂ©s en Ă©quipe de France. Avec un peu de recul, quel a Ă©tĂ© le moment qui vous a apportĂ© le plus d’émotions avec les Bleus ?

Faire partie de l’équipe de France est le rêve de chacun. Quand on est footballeur professionnel, on espère un jour faire partie de ce haut niveau qu’est l’équipe de France. C’est à part dans une carrière. Je dirais que mes meilleurs souvenirs avec les Bleus, c’est de la première sélection à la dernière. Car quand on joue pour son pays, on joue avec une pression particulière, avec les meilleurs, contre les meilleurs, et surtout on joue avec l’hymne national, ses coéquipiers et son cœur. Tout compte double. L’équipe de France reste un atout majeur dans ma carrière. Les Bleus, c’était important !

Avez-vous cependant un grand regret avec les Bleus ?

Il y en a obligatoirement puisqu’on ne gagne pas tout le temps dans une carrière. Je dirais qu’il y en a trois. Le premier, c’est le match contre la Bulgarie en 1993. Il m’est vraiment restĂ© en travers de la gorge parce qu’on a manquĂ© une Coupe du Monde pour quelques secondes. Je pense qu’on est tous Ă  mettre dans le mĂŞme sac. On n’a pas Ă©tĂ© capable collectivement de se sortir de ce piège. Ensuite, c’est l’autre Coupe du Monde, celle qui a eu lieu en Italie quatre ans auparavant. Pour pouvoir participer Ă  cette compĂ©tition qui Ă  mon avis Ă©tait l’une des plus belles, il nous avait manquĂ© un point perdu bĂŞtement Ă  Chypre. Et bien sĂ»r, la dernière dĂ©ception est de ne pas avoir fait partie de l’équipe championne du monde. Ça s’est jouĂ© Ă  pas grand-chose : un banc de touche Ă  Bordeaux pendant quelques mois. Bien sĂ»r qu’il y a des regrets, mais qui n’en a pas !

Vos « papinades Â» sont indissociables de votre carrière. Est-ce une fiertĂ© particulière d’avoir un geste technique portant votre nom ? Y accordez-vous de l’importance ?

Sincèrement, pas plus que ça. Bien sĂ»r, ça fait plaisir parce qu’on est peu Ă  avoir un geste qui porte notre nom. Je me souviens des coups francs « platiniens Â», de la « Madjer Â» (geste technique avec une talonnade, ndlr)… La « papinade Â», ça fait bien entendu plaisir parce que ça reste quelque chose qui a marquĂ© tout le monde, moi le premier ! J’étais le premier surpris de ce qui m’arrivait. Il faut en ĂŞtre fier et espĂ©rer qu’il y en ait d’autres qui prennent la suite, avec d’autres gestes inventĂ©s ou simplement en faisant les mĂŞmes. Il s’agit de pouvoir s’éclater sur un terrain. Si un geste technique porte votre nom, c’est que vous l’avez fait souvent, et si vous l’avez fait souvent en marquant, cela marque les gens obligatoirement !

Depuis la fin de votre carrière, vous avez notamment Ă©tĂ© l’entraĂ®neur de Strasbourg, Lens et Châteauroux. Quels souvenirs gardez-vous de ces diffĂ©rents clubs ?

Strasbourg a été le départ de l’aventure. Ça a peut-être été un peu trop vite. Je suis parti d’une équipe qui descendait de D1 et qu’il fallait absolument remonter sous deux ans en première division. On y est arrivé en une année, avec une équipe formée de jeunes du club très talentueux et de cadres arrivés pour renforcer cette équipe. Bien entendu, ça n’a pas été simple parce que ce n’est jamais facile de remonter de suite. Mais on l’a fait et ça reste un très bon souvenir.

Ensuite, il y a eu l’expĂ©rience Ă  Lens. A mon avis, tout Ă©tait pipĂ© dès le dĂ©part : le recrutement Ă©tait fait et il Ă©tait ratĂ©, et il n’y avait pas les joueurs pour jouer dans ce club. Il faut des vertus pour y jouer, et ceux qui Ă©taient lĂ  ne les avaient pas. Les rĂ©sultats ont Ă©tĂ© ce qu’ils ont Ă©tĂ©. La situation aussi, avec un autre entraĂ®neur qui est arrivĂ© pour essayer de tirer son Ă©pingle du jeu tout seul, mais pas pour aider le club. Je dirais que c’est une grande frustration parce que ça prouve que j’ai Ă©tĂ© naĂŻf et que je n’ai pas analysĂ© la situation comme il aurait fallu que je le fasse. C’est un peu de ma faute, je le reconnais. Mais avec cette annĂ©e lensoise, j’ai appris en quelques mois tout ce qu’il ne fallait pas faire dans une carrière professionnelle d’entraĂ®neur.

Enfin, Châteauroux reste un bon souvenir malgrĂ© la difficultĂ© de la tâche. Je m’étais mis dans cette situation, avec un club vraiment dans la difficultĂ©, parce que j’avais doutĂ© de moi et de mes capacitĂ©s Ă  un moment. Les gens Ă  Lens m’avaient mis tellement de doutes ! Je me suis alors mis dans la difficultĂ© pour m’en sortir tout seul, et je l’ai fait en ayant des choix très particuliers. J’ai dĂ» virer un joueur parce qu’il pourrissait le groupe. Finalement, avec des joueurs qui avaient envie et avec des idĂ©es bien dĂ©finies, on est arrivĂ© Ă  sauver le club et Ă  le maintenir en L2.

EntraĂ®ner de nouveau un club professionnel est-il l’un de vos principaux objectifs actuellement ?

Mon ambition est bien entendu de repartir dans ce milieu. Etre entraîneur et être dans le milieu du football, c’est ma passion. J’ai vécu beaucoup de choses : des bonnes, des moins bonnes, des très très bonnes et des très mauvaises. Mais je crois que ça fait partie d’une expérience. On ne peut pas être toujours en haut. Un moment, on descend un petit peu de son nuage et il faut savoir l’accepter. La télévision est pour moi, quoiqu’il arrive, une parenthèse très agréable et très intéressante. On y travaille avec des gens qui sont vraiment amoureux de ce qu’ils font. Mais entraîneur, je le serai quoiqu’il arrive encore une fois un jour !

Merci beaucoup Jean-Pierre d’avoir répondu à ces questions !

Crédit photos : chronofoot/iconsport (photo 2) et Reuters (photo 3)

La carrière de Jean-Pierre en quelques lignes :

Evoluant au poste d’avant-centre, Jean-Pierre Papin débute sa carrière professionnelle à Valenciennes en 1984. Il part ensuite jouer une saison à Bruges (Belgique). Il connaît sa première sélection en équipe de France en février 1986. Quelques mois plus tard, il dispute la Coupe du monde au Mexique, où la France termine 3e. Il marque un but lors du premier match de poule et lors de la petite finale.

Entre 1986 et 1992, il évolue à l’Olympique de Marseille. Il y remporte quatre titres de champion de France, la Coupe de France, termine cinq fois meilleur buteur du championnat et joue une finale de Ligue des Champions en 1991. Il remporte le Ballon d’Or en 1991. L’année suivante, il joue l’Euro 1992 avec l’équipe de France. Ensuite, il porte les couleurs de l’AC Milan, où il dispute une nouvelle finale de Ligue des Champions en 1993 et remporte deux titres de champion d’Italie. Après un passage au Bayern Munich, il part jouer à Bordeaux en 1996. Il arrête sa carrière de footballeur en 1998.

Jean-Pierre Papin se lance par la suite dans une carrière d’entraĂ®neur. Il coache tout d’abord le FC Bassin d’Arcachon, avant d’entraĂ®ner Strasbourg, Lens et Chateauroux. Aujourd’hui âgĂ© de 48 ans, Jean-Pierre Papin est consultant pour les chaĂ®nes de beIN Sport et le site d’aide aux paris en ligne SportyTrader.

Un commentaire pour cet article
  1. bien bien bieeng JPP dans les veines on t’aime gros

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