En terminant septième aux Jeux Olympiques d’Athènes de 2004 et en devenant en 2005 la première championne d’Europe française du concours gĂ©nĂ©ral, Marine Debauve a marquĂ© la gymnastique de notre pays. Après une deuxième sĂ©lection olympique Ă PĂ©kin, elle a dĂ©cidĂ© de se lancer dans une nouvelle discipline, le tumbling. Avec un objectif clair : les Championnats du monde de novembre prochain, disputĂ©s Ă Metz. Entretien.
Marine, tu as terminé septième du concours général aux Jeux Olympiques d’Athènes de 2004, ce qui représente à ce jour le meilleur classement d’une française dans cette épreuve. Etait-ce pour toi la réalisation d’un rêve ?
« En effet, au dĂ©part, mon rĂŞve Ă©tait de participer un jour Ă des JO. Mais une fois qualifiĂ©e pour ceux de 2004, les objectifs n’Ă©taient plus seulement de participer, que ce soit en individuel ou par Ă©quipe. Car nous avions une très belle Ă©quipe, avec pour tout le monde, dans l’ensemble, pas mal de potentiel !
Je suis très fière d’avoir obtenu cette septième place et d’avoir grappillĂ© encore quelques positions par rapport aux qualifications. Mais aussi fière d’avoir obtenu la meilleure place par Ă©quipe avec mes coĂ©quipières (sixième) malgrĂ© un peu de « frustration », car le format de la finale par Ă©quipe ne laisse aucune place Ă l’erreur et nous en avons commis trois. On aurait donc pu se rapprocher, voire, pourquoi pas, monter sur ce podium !
Mais comme on dit, avec des « si », on referait le monde ! Et malgré les erreurs, ça reste un souvenir magnifique et inoubliable ! »
Lors des JO d’Athènes, tu n’avais pas encore 16 ans. A l’époque, comment as-tu vécu toute la pression liée à la compétition ? Te rendais-tu vraiment compte de ce qu’il t’arrivait ?
« A l’Ă©poque, en effet, il y avait de la pression car nous avions justement une belle Ă©quipe prometteuse et de très bons rĂ©sultats. Mais nous avons eu une prĂ©paration assez difficile, basĂ©e sur la rĂ©pĂ©tition de nos mouvements Ă la limite du « parfait », en essayant au maximum d’Ă©viter les passages ratĂ©s, afin de nous permettre d’ĂŞtre ultra-prĂŞtes avant de partir pour ces JO. Cela m’a permis d’avoir tous mes mouvements automatisĂ©s et très rĂ©guliers, autant aux entraĂ®nements qu’aux matchs de prĂ©paration. Je pense que c’est ce qui a fait ma « force » : la rĂ©gularitĂ©.
Dans ma tĂŞte, tout Ă©tait tellement automatisĂ© que je ne pensais pas Ă me dire : « ça y est, ce sont les JO, il ne faut pas paniquer ! ». MĂŞme les entraĂ®nements sur place restaient dans la continuitĂ© de notre prĂ©paration et du coup, je suis restĂ©e dans une bulle sans me mettre de pression… J’avais juste envie de faire mon job, de rĂ©ussir au mieux comme aux entraĂ®nements : les rĂ©sultats viendraient avec, malgrĂ© cette salle immense, tous ces mĂ©dias et les milliers de personnes qui vous regardent !
C’est seulement après chaque compĂ©tition (la qualification et la finale par Ă©quipe et enfin le concours gĂ©nĂ©ral) que je rĂ©alisais vraiment l’importance des rĂ©sultats que nous avons obtenus ! »
En juin 2005, tu es devenue championne d’Europe du concours général, remportant ainsi un titre historique pour la gymnastique française. Penses-tu alors avoir été reconnue à ta juste valeur par le public et les médias ?
« Ce Championnat d’Europe a eu lieu dans une annĂ©e post-olympique, mais je ne sais pas si c’est pour cela que les mĂ©dias en ont très peu parlĂ©. Après, pour moi, ça n’a pas de rĂ©elle importance… Je pense que le plus dur a Ă©tĂ© pour mes proches qui estimaient justement que je « mĂ©ritais » plus de reconnaissance.
Je sais ce que j’ai fait. MĂŞme si quelques filles manquaient Ă l’appel, il y avait quand mĂŞme toujours du haut niveau et pas mal d’adversaires qui Ă©taient aussi Ă Athènes. Je m’en rends surtout compte avec ma deuxième place Ă la poutre (j’y tiens beaucoup car c’Ă©tait « mon » agrès prĂ©fĂ©rĂ©) : il y avait de grands noms, notamment Catalina Ponor et Anna Pavlova.
Je pense aussi que ce n’Ă©tait pas moi qu’on attendait sur la première marche, et peut-ĂŞtre mĂŞme bien en finale (deux maximum par pays, on Ă©tait trois en lice). Mais ça s’est passĂ© comme ça et je ne vais pas me « blâmer » d’avoir gagnĂ© ma place pour la finale !
J’ai rĂ©ussi Ă donner de l’importance Ă mon nom dans le monde de la gymnastique française. Ceux qui aiment la gym apprĂ©cient ces rĂ©sultats et me respectent pour ça. Je n’ai jamais cherchĂ© Ă ĂŞtre reconnue par les mĂ©dias : ça m’est Ă©gal. J’ai pratiquĂ© un sport que j’aimais, dans lequel j’ai rĂ©ussi Ă m’Ă©panouir en faisant de bons rĂ©sultats, que demander de plus ? La reconnaissance des mes proches et amis et le fait qu’ils soient fiers de moi me suffit ! »
En 2005, tu as arrêté ta carrière, avant de reprendre la compétition deux ans plus tard. Cela n’a-t-il pas été trop difficile de reprendre l’entraînement et de retrouver ton niveau ?
« Oh si ! Je n’ai vraiment pas fait grand chose pendant ces deux ans : j’ai tentĂ© le plongeon pendant trois mois avant l’Ă©tĂ© 2006 (entre deux opĂ©rations du coude) et j’ai fait deux mois de gym (juste du sol et de la poutre) pour aider mon club aux Championnat de France DN en 2007. Autant te dire que quand j’ai voulu reprendre, je n’arrivais plus Ă faire une simple bascule aux barres asymĂ©triques !
Du coup, fin octobre, quand j’ai voulu reprendre, je n’avais plus le niveau pour rentrer Ă l’INSEP. J’ai dĂ» m’entraĂ®ner Ă Dijon (au pĂ´le espoir, oĂą je m’Ă©tais entraĂ®nĂ©e de 6 Ă 14 ans) jusqu’au premier test national en fĂ©vrier, oĂą il fallait que j’arrive dans les douze meilleures pour pouvoir rĂ©intĂ©grer l’INSEP.
J’en ai donc bien bavĂ© et jusqu’Ă la fin de la prĂ©paration, je me demandais vraiment comment tout avait pu ĂŞtre tellement facile AVANT ! »
Tu as participé pour la deuxième fois aux JO à Pékin, en 2008. Sentais-tu plus de responsabilités sur toi étant donné ton expérience d’Athènes ? Avais-tu un rôle particulier vis-à -vis de tes coéquipières plus jeunes ?
« Je ne sais pas si on peut dire « plus de responsabilitĂ©s ». C’Ă©tait aussi une belle petite Ă©quipe, avec moins de diffĂ©rence d’âge. Du fait d’avoir dĂ©jĂ participĂ© Ă des JO, mon « rĂ´le » Ă©tait dans l’ensemble de rĂ©pondre Ă beaucoup de questions des plus jeunes et de les rassurer, que ce soit sur les entraĂ®nements, les matchs de prĂ©paration ou les Jeux !
De temps Ă autre, donner des conseils sur la technique : mĂŞme si c’est plus le rĂ´le du coach, le fait que ca soit dit par une « fille » aide (ce n’est pas facile a expliquer pourquoi !). Essayer de vraiment intĂ©grer l’esprit d’Ă©quipe, l’entraide… C’est vraiment important pour nous. MĂŞme si on parle de la gym comme un sport individuel, tu arrives rarement Ă faire quelque chose de bien quand tu es toute seule ! »
Cela n’a t-il pas été frustrant de terminer à un classement beaucoup plus éloigné que quatre ans plus tôt à Athènes ?
« Le plus frustrant pour moi est d’avoir fait une chute sur la tĂŞte trois jours avant les qualifications, sur une prĂ©paration aux barres. Ca m’a vraiment handicapĂ©e les jours suivants et fait souffrir. J’Ă©tais prĂ©vue sur les quatre agrès et je n’ai pu en faire que deux, les deux essentiels pour l’Ă©quipe.
Et mĂŞme si j’avais Ă©tĂ© au top de ma forme, l’essentiel pour moi Ă©tait de faire mon job : j’Ă©tais lĂ pour aider l’Ă©quipe. Je n’avais pas vraiment d’objectif en individuel. Les « ptits bouts » Ă©taient lĂ pour prendre la relève !
Nous terminons tout de mĂŞme septième par Ă©quipe, soit une place de moins qu’en 2004 mais toujours mieux que les annĂ©es prĂ©cĂ©dentes ! C’Ă©tait aussi de très beaux JO d’une autre manière, un souvenir tout aussi inoubliable ! »
Depuis début 2009, tu t’es lancée dans le tumbling. Peux-tu tout d’abord nous présenter cette discipline ?
« Cela se pratique sur une piste de 25 mètres de longueur et d’environ 1,50 m de large, avec 10 mètres d’élan. On doit faire huit touches, la dernière arrivant sur le tapis de réception. En compétition, on doit faire une série saltos et une série vrilles lors des qualifications. En finale, on a encore deux séries mais par contre, on peut y mélanger les vrilles et les saltos. Contrairement à la gym, c’est vraiment très rapide : tu fais ton échauffement et tu as deux passages de huit secondes ! »
Dans quelles circonstances as-tu commencé cette nouvelle discipline et qu’est-ce qui t’as poussée à en faire au très haut niveau ?
« Au retour des JO, je ne voulais plus continuer le haut niveau en gymnastique. J’avais assez donnĂ© pour revenir Ă l’objectif que je m’Ă©tais fixĂ© et j’ai vraiment eu du mal Ă me remettre physiquement de la prĂ©paration et de ma chute.
Le tumbling m’avait dĂ©jĂ tentĂ©e. J’y pensais depuis 2003, mais c’Ă©tait trop tĂ´t, puis en 2005 quand j’ai arrĂŞtĂ©, mais ma vie personnelle Ă©tait sur Paris. J’ai laissĂ© passer quelques mois. Plus « rien » ne me retenait alors sur Paris donc j’ai pris contact avec Didier Semmela au seul PĂ´le France, qui se trouve Ă Rennes.
Quand on a fait du haut niveau, c’est dur de ne plus ĂŞtre exigeant avec soi-mĂŞme ! Je lui ai donnĂ© mon objectif : j’avais un an et demi pour me sĂ©lectionner aux Championnats du monde de Metz (d’ailleurs, les sĂ©lections sont dans une semaine).
J’ai fait un stage test Ă Rennes et lui ai demandĂ© clairement s’il me sentait capable, si j’avais les qualitĂ©s requises. Je ne voulais pas perdre mon temps, et s’il estimait que je n’y arriverais pas, j’aurais arrĂŞtĂ©. Du coup, je suis rentrĂ©e officiellement Ă Rennes dĂ©but avril 2009.
J’ai rĂ©ussi Ă me sĂ©lectionner pour les Championnats du monde de novembre 2009 mais je me suis blessĂ©e quatre jours après la sĂ©lection. J’ai alors Ă©tĂ© arrĂŞtĂ©e quatre mois, sans m’entraĂ®ner. Puis j’ai Ă©tĂ© sĂ©lectionnĂ©e pour les derniers Championnats d’Europe, Ă Varna, oĂą j’ai fini cinquième. »
Le tumbling est pour toi un sport dans lequel tu comptes plutôt t’investir à court terme ou à long terme ?
« Après de nombreuses années de gym à haut niveau, c’est plutôt du court terme ! »
Les Championnats du monde de tumbling se dérouleront en France, en novembre prochain. Quels sont tes objectifs pour cette compétition ?
« La première sĂ©lection est le 17 septembre. Si je suis sur ces Championnats du monde, le but est bien sĂ»r d’entrer dans la finale. Mais contrairement aux Championnats d’Europe, il y a beaucoup plus de monde et la finale est composĂ©e des huit meilleures (avec deux filles seulement par pays maximum, comme aux JO).
Ca ne va vraiment pas ĂŞtre chose facile, mais il me reste deux mois pour progresser encore aux entraĂ®nements. Comme d’habitude, je donnerai mon maximum. Mais je suis dĂ©jĂ contente d’ĂŞtre lĂ oĂą j’en suis, d’avoir dĂ©couvert un « nouveau » milieu (mĂŞme si ça reste dans le monde de la gym, c’est plus le TSA : trampoline et sports acrobatiques, une plus petite « famille »), et de m’enrichir d’une nouvelle expĂ©rience ! »
Merci beaucoup Marine pour ta gentillesse et ta disponibilité ! En te soutaitant de briller aux prochains Championnats du monde !
Crédit photos : Thomas Schreyer (Panoramic) et ffgym.com
La carrière de Marine Debauve en quelques lignes :
Marine Debauve participe à ses premiers Championnats du monde en 2003, année où elle remporte également le titre de championne de France du concours général. En 2004, elle est sélectionnée aux Jeux Olympiques d’Athènes. Elle y termine 7e du concours général et 6e par équipe, ce qui représente à chaque fois le meilleur classement français à ce jour dans l’épreuve.
En juin 2005, elle est sacrée championne d’Europe du concours général. Elle complète ce titre historique pour la gymnastique française avec la médaille d’argent de ces Championnats d’Europe à la poutre. Peu après, elle arrête sa carrière, avant de reprendre l’entraînement deux ans plus tard. Elle atteint alors son objectif en participant en 2008 aux Jeux Olympiques de Pékin (7e par équipe, 35e à la poutre et 49e au sol).
Ayant mis un terme à sa carrière de gymnaste à la suite des JO, Marine Debauve se lance ensuite dans le tumbling. Après une 5e place aux Championnats d’Europe en avril dernier, elle vise désormais les Championnats du monde de tumbling, qui se dérouleront à Metz en novembre prochain.
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