Interview de Frédéric Demontfaucon
(judo)

A l’occasion des 20 ans des Jeux Olympiques de Sydney, nous vous proposons une sĂ©rie d’interviews d’athlètes qui y ont Ă©tĂ© mĂ©daillĂ©s. Pour commencer, c’est le judoka FrĂ©dĂ©ric Demontfaucon qui revient sur sa mĂ©daille de bronze.

FrĂ©dĂ©ric, tu as remportĂ© la mĂ©daille de bronze des Jeux Olympiques de Sydney 2000, il y a 20 ans. A l’époque, cette mĂ©daille Ă©tait-elle pour toi un objectif clair en arrivant aux Jeux ou bien une bonne surprise ?

Je revenais de plusieurs annĂ©es de coupures suite Ă  des blessures (les croisĂ©s du genou gauche puis du genou droit). J’avais remportĂ© les Championnats de France en 1998 en me blessant en finale et gagnĂ© Ă  nouveau pour mon retour en 2000. J’ai remportĂ© mon billet pour Sydney en terminant cinquième des Championnats d’Europe, perdant contre l’Ukrainien Machourenko en place de trois. C’est ce mĂŞme Ukrainien que je retrouvais au premier tour des Jeux ! La journĂ©e s’annonçait donc compliquĂ©e. Bien sĂ»r, j’avais le secret espoir de monter sur le podium. A la suite d’une journĂ©e presque parfaite, ce fut une très belle surprise d’être Ă  ce niveau-lĂ  !

Raconte-nous comment tu as vĂ©cu ce combat pour la mĂ©daille de bronze ? Te sentais-tu particulièrement en confiance au point de gagner par ippon après une minute de combat ?

C’était la première fois que je subissais une telle coupure et je l’ai mal gérée. Quand je suis monté face au Brésilien en demi-finale, je n’étais pas au niveau de ma première partie de compétition et j’ai subi ses mouvements d’épaule. Un peu humilié, je suis monté en place de trois avec la ferme intention de faire tomber mon adversaire. Je crois que je n’ai pas douté, tant je voulais cet ippon. C’était un moment magique, sans doute le plus beau de ma carrière. Marquer un magnifique ippon pour une médaille Olympique et partager cette explosion de joie avec ma femme et mes proches, c’était juste un truc de dingue !

« Marquer un magnifique ippon pour une médaille Olympique, c’était juste un truc de dingue ! »

De façon plus globale, quels souvenirs gardes-tu de ces Jeux Olympiques de Sydney ?

Ah, Sydney ! Des trois Jeux Olympiques que j’ai disputĂ©s, ils resteront les plus beaux. Pourquoi ? Une première participation aux JO… La naissance de mon fils durant la prĂ©paration… Le dĂ©filĂ© d’ouverture et la fiertĂ© de reprĂ©senter la France… En fait, un peu tout ! Mais surtout, il y avait un vrai esprit Olympique, un mĂ©lange avec la population et avec les autres nations, un partage des cultures… Il n’y avait qu’une seule nation : l’Olympisme. Et puis avec la mĂ©daille, je ne touchais plus terre !

En 2001, tu es devenu champion du monde de la catĂ©gorie des -90 kg. Considères-tu que c’est le meilleur souvenir de ta carrière ?

Mon meilleur souvenir reste la médaille des Jeux, qui de plus a été au niveau judo une journée presque parfaite. Le titre mondial a été acquis un peu plus dans la douleur et j’y ai pris moins de plaisir. J’étais bien préparé physiquement mais moins efficace en judo. J’ai eu du mal à réaliser que j’étais champion du monde. En fait, les gens autour de moi étaient hyper excités et moi je pensais que finalement ce n’était que ça.

Lors des Jeux Olympiques d’Athènes 2004, tu as Ă©tĂ© Ă©liminĂ© en quarts de finale suite Ă  une pĂ©nalitĂ© Ă  4 secondes de la fin du combat. On imagine que cela a Ă©tĂ© difficile Ă  digĂ©rer ?

C’est le pire moment de ma carrière ! J’ai mis des mois Ă  m’en remettre ! D’ailleurs, j’ai revu le combat il y a peu de temps. Zviadauri (son adversaire gĂ©orgien, ndlr) est un ami et un excellent combattant, et le voir remporter la mĂ©daille d’or avait un goĂ»t amer car j’aurai pu (du) ĂŞtre Ă  sa place ce jour-lĂ . Il y a quelque temps, un jeune GĂ©orgien fier de son pays m’a reparlĂ© de ce combat. Il Ă©tait d’accord avec moi sur le fait que cette pĂ©nalitĂ© n’avait pas lieu d’être Ă  ce moment-lĂ . Mais si Zviadauri perdait contre moi, il Ă©liminait le Russe qu’il avait battu au tour d’avant. Ce jeune GĂ©orgien pense que les trois arbitres qui venaient en majoritĂ© des pays de l’Est ont fait en sorte que ça n’arrive pas. ThĂ©orie du complot ou pas, je n’avais qu’à lui mettre ippon ! Sans parler de la prĂ©paration catastrophique des Ă©quipes de France de judo sur ces Jeux Olympiques ! Je suis passĂ© Ă  cĂ´tĂ© de ma meilleure chance d’être sur le toit de l’Olympe.

Lors des Jeux Olympiques de PĂ©kin 2008, tu as Ă©tĂ© Ă©liminĂ© au premier tour dans une nouvelle catĂ©gorie, les -100 kg. Gardes-tu malgrĂ© tout de bons souvenirs de ces Jeux Olympiques, ou la dĂ©faite a tout gâchĂ© ?

Les entraîneurs de l’époque m’ont imposé cette catégorie, désirant placer un de leur poulain en -90 kg. Cette catégorie ne me plaisait pas, malgré quelques accessits. Les combattants étaient grands, statiques, physiques… Pas facile pour faire du judo ! C’était ma dernière compétition et j’aurais aimé la disputer en -90 kg, où j’aurais eu plus de choses à proposer. Mais les JO restent quand même des événements exceptionnels.

« Je me suis lancé dans la campagne à la présidence de la FFJDA avec Stéphane Nomis »

Tu Ă©tais un expert de la technique de la planchette japonaise. Raconte-nous comment c’est devenu ta spĂ©cialitĂ© ?

Au dĂ©but, je faisais beaucoup Morote, puis j’ai grandi et mon judo a Ă©voluĂ© vers Tai-Otoshi, balayages et Tomoe-Nage (aussi appelĂ©e « planchette japonaise Â», ndlr). Vers les annĂ©es Juniors, Yoko-Tomoe-Nage (une variante de la « planchette japonaise Â», ndlr) a commencĂ© Ă  ĂŞtre efficace et est devenu mon spĂ©cial. J’ai rencontrĂ© des professeurs qui m’ont permis de renforcer diffĂ©rentes directions, puis des liaisons. Je l’ai peu travaillĂ© car il est difficile Ă  faire en Uchi-komi (rĂ©pĂ©tition d’une seule prise, ndlr). Il Ă©tait très efficace en Randori (combat libre sans enjeu, ndlr). Ensuite, tout le monde s’y attendait donc je l’ai mis de cĂ´tĂ© car ça me permettait de faire d’autres techniques. Puis il est revenu. Mon bagage technique est devenu plutĂ´t complet.

Que deviens-tu et quelles ont Ă©tĂ© les principales lignes de ta reconversion depuis l’arrĂŞt de ta carrière en 2008 ?

En 2006, je suis parti avec ma famille dans le Tarn-et-Garonne pour y ouvrir des gîtes/chambres d’hôtes. Mais comme il n’y a pas beaucoup de possibilités de faire des activités sportives à la campagne, nous avons rénové notre grange pour y installer un dojo et créer un club pour que nos enfants pratiquent le judo. Mais ça a empiété sur notre budget et nous n’avions plus assez de budget pour terminer notre projet. J’ai aussi eu un souci de santé qui donne un autre regard à la vie (une leucémie myéloïde, une maladie assez rare, ndlr). Mais nous n’avons pas abandonné notre projet.

Je distribue également des kimonos et des textiles de la marque Demontfaucon, ainsi que des tatamis et du matériel pédagogique pour la société Créakim. Je suis également conseiller pour une centrale d’achat française qui distribue différentes gammes de produits de consommation courante. Bien sûr, je continue de faire des interventions partout où on me le demande. Récemment, je me suis lancé dans la campagne à la présidence de la FFJDA avec Stéphane Nomis, afin de redonner la parole et le droit de vote aux clubs, d’apporter nos idées et de redynamiser le judo en France.

Merci beaucoup Frédéric pour cette interview et bravo pour cette médaille il y a 20 ans !

La carrière de Frédéric Demontfaucon en quelques lignes :

Evoluant dans la catégorie des -90 kg, Frédéric Demontfaucon participe à ses premiers Championnats du monde en 1995, terminant 5e. Il remporte la médaille de bronze des Jeux Olympiques de Sydney 2000, après avoir été éliminé en demi-finales.

En 2001, il devient champion du monde et est médaillé de bronze des Championnats d’Europe. Sélectionné pour les Jeux Olympiques d’Athènes 2004, il est éliminé en quarts-de-finale au golden score.

Pour la fin de sa carrière, il monte dans la catégorie des -100 kg. Il remporte la médaille de bronze des Championnats d’Europe 2007. Aux Jeux Olympiques de Pékin 2008, il est éliminé au premier tour. Il met ensuite un terme à sa carrière. Aujourd’hui âgé de 46 ans, Frédéric Demontfaucon participe à la campagne à la présidence de la FFJDA avec Stéphane Nomis.

drapeau olympique Participations aux Jeux Olympiques de Sydney 2000, Athènes 2004 et Pékin 2008

medaille Médaillé de bronze aux Jeux Olympiques de Sydney 2000 (catégorie des -90 kg)

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