Interview de Kévin Campion
(athlétisme)

Kévin Campion vient de participer à ses deuxièmes Jeux Olympiques, terminant à une belle seizième place du 20 km marche. Il revient pour nous sur son expérience des Jeux Olympiques de Tokyo, marqués par la délocalisation de son épreuve à Sapporo ainsi que par la chaleur.

KĂ©vin, tu as terminĂ© seizième du 20 km marche des Jeux Olympiques de Tokyo. Ce classement correspondait-il Ă  tes objectifs ?

Oui, totalement. Etant donnĂ© le niveau mondial en marche athlĂ©tique, je sais que je n’ai pas le potentiel d’être titrĂ©, mĂŞme si je travaille Ă  fond. Mon but premier Ă©tait de confirmer ma seizième place des Championnats du monde de Doha, disputĂ©s deux ans auparavant dans des conditions similaires de chaleur et d’humiditĂ©. J’ai terminĂ© au mĂŞme rang, donc j’étais content !

L’une des grandes difficultĂ©s de l’épreuve de marche de ces Jeux Olympiques Ă©tait la chaleur. Comment as-tu gĂ©rĂ© ce paramètre ?

Le manager de l’équipe de France, Pascal Chirat, avait entrepris de nous prĂ©parer dans une chambre thermique. Il avait Ă©tudiĂ© des protocoles diffĂ©rents et on en a choisi un avec l’équipe. On a effectuĂ© un sĂ©jour de dix jours toutes les quatre semaines, avec une exposition d’une heure par jour pendant ces dix jours. On faisait de l’endurance fondamentale et on marchait au cardio, ce qui nous a permis de voir comment le corps rĂ©pondait et combien de temps il mettait Ă  s’adapter. On a vu la diffĂ©rence entre le premier et le dernier sĂ©jour avant les Jeux ! Notre corps Ă©tait quasiment adaptĂ©. On savait qu’on pouvait concourir dans un tel environnement. Ce travail a vraiment servi !

En arrivant au Japon, il a quand mĂŞme fallu s’adapter. La rĂ©alitĂ© est toujours diffĂ©rente de la simulation en chambre thermique. Cela s’est bien passĂ© : trois ou quatre jours d’adaptation ont Ă©tĂ© suffisants.

On a eu la chance de marcher le 20 km en fin de journĂ©e. Il faisait très chaud mais le soleil Ă©tait dĂ©jĂ  couchant. Comme on Ă©tait en plein centre-ville, on Ă©tait protĂ©gĂ©s du soleil par les buildings. On Ă©tait donc quasiment tout le temps Ă  l’ombre et on n’a pas souffert. Par contre, j’ai assistĂ© le lendemain matin au 50 km Ă  5h du matin : c’était l’enfer ! Les pauvres, ça n’avait rien Ă  voir !

« Il n’y avait franchement rien qui nous indiquait qu’on était aux Jeux Olympiques »

Peux-tu nous raconter comment tu as vécu cette course Olympique de l’intérieur ?

Avec l’expĂ©rience, je suis plus serein et plus confiant Ă  l’approche des grands Championnats. Avant la course, je me suis Ă©chauffĂ© comme d’habitude. Quand le dĂ©part a Ă©tĂ© donnĂ©, mon but Ă©tait de rester dans le groupe de tĂŞte, sans ĂŞtre devant. Mais au bout de 2 km, j’ai senti que je n’avais pas de jambes. Je ne me suis pas laissĂ© happer par cela, mais je savais que ce n’était pas mon jour. Quand ça a accĂ©lĂ©rĂ© devant, j’ai tentĂ© de m’accrocher. Mais au quatrième kilomètre, je me suis dit : « soit je suis et je risque d’exploser, soit j’accepte de ne pas ĂŞtre bien et j’attends que l’orage passe pour voir ce qui se passera après Â». J’ai choisi la deuxième option et je me suis laissĂ© dĂ©crocher.

Je suis tombĂ© aux alentours de la trentième place. Le challenge Ă©tait d’attendre et de voir si les sensations revenaient. C’est ce qui s’est passĂ© au bout de 8 ou 10 km. Un Allemand m’a doublĂ©. C’était un habituĂ© des grands Championnats et il avait dĂ©jĂ  fini dans le top 5 mondial. Il allait assez vite et j’ai essayĂ© de le suivre. Je n’ai pas rĂ©ussi car je n’avais pas de jambes, mais cela m’a quand mĂŞme lancĂ©. J’ai créé un effort et je me suis dit qu’il restait dix bornes, que j’étais aux Jeux Olympiques, et que c’était maintenant ou jamais ! J’ai rattrapĂ© un premier concurrent, puis un deuxième, et cela m’a complètement reboostĂ© ! J’ai visĂ© le top 25, puis le top 20, puis le top 16. Je pensais qu’un statut de demi-finaliste, c’était bien ! J’ai tout donnĂ©. Je suis allĂ© chercher la seizième place en doublant le concurrent dans le dernier tour !

Les Ă©preuves de marche avaient lieu Ă  Sapporo et non pas Ă  Tokyo. As-tu tout de mĂŞme ressenti la magie Olympique ?

Pas du tout ! J’en veux au CIO de ce cĂ´tĂ©-lĂ . Quand on est arrivĂ© Ă  Sapporo, les volontaires avaient la tenue officielle mais Ă  part ça, il n’y avait franchement rien qui nous indiquait qu’on Ă©tait aux Jeux Olympiques. Avec les marcheurs et les marathoniens de tous les pays, on pensait la mĂŞme chose : on avait l’impression d’être sur une Coupe du monde mais pas aux Jeux. Ça a Ă©tĂ© un peu dĂ©cevant.

On Ă©tait Ă  l’hĂ´tel. On dormait peut-ĂŞtre dans des lits plus confortables, mais ramener la couette des Jeux chez soi est par exemple le cĂ´tĂ© sympa pour chaque athlète vivant au Village Olympique. On n’avait pas la couette des Jeux et on n’avait pas ces petits trucs sympathiques ! J’ai juste eu la chance de passer deux heures au Village lors de mon transit : rien que pour la nourriture, ça n’avait rien Ă  voir ! On n’était pas aussi bien lotis Ă  Sapporo. C’était normal de se concentrer sur la compĂ©tition, mais c’est bien d’avoir les petits avantages des Jeux Ă  cĂ´tĂ©. On n’a pas vĂ©cu ça et c’est dommage.

Lors de ta première participation aux Jeux Olympiques, tu avais terminĂ© quarante-neuvième Ă  Rio en 2016. Quels souvenirs gardes-tu de cette première participation ?

Je sais que j’ai terminĂ© quarante-neuvième mais sans mentir, je n’ai aucun souvenir de la course. Ça a Ă©tĂ© une telle dĂ©ception que je crois que je l’ai zappĂ©e un peu de ma mĂ©moire. Si je vois les photos, je peux avoir un vague souvenir de la course. Mais je n’ai par exemple aucun souvenir de ma tactique ! C’est vraiment sorti de ma tĂŞte ! Après l’épreuve, je suis restĂ© dix jours Ă  Rio et j’ai un peu profitĂ© du pays.

« Je marche 135 km par semaine »

Tu as côtoyé de nombreuses années Yohann Diniz en équipe de France. A-t-il eu un impact sur ta carrière et ta progression ?

Yohann n’a pas seulement Ă©tĂ© un collègue de l’équipe de France, il a Ă©tĂ© un grand frère pour moi. Cela s’est fait naturellement. Quand j’ai eu besoin d’un travail au moment oĂą j’ai changĂ© un peu de vie, il m’a aidĂ© Ă  entrer Ă  la Poste. Il est chez Decathlon et il se bat en interne pour que je continue Ă  avoir un contrat Ă©quipementier chez eux. En termes d’entraĂ®nement, il se forçait Ă  aller moins vite pour ĂŞtre avec moi quand on Ă©tait en stage. Il a toujours Ă©tĂ© aux petits soins et je ne pourrais jamais assez le remercier !

Peux-tu nous dĂ©crire une semaine type d’entraĂ®nement ?

Les charges d’entraînement changent selon les périodes. En période de compétition, on réduit un peu les km et on fait environ 130 km. En stage, on monte à 160 ou 170 km. En ce moment, je suis sur une période de foncier et je marche 135 km par semaine. Le lundi, je double l’entraînement avec séance le matin et aussi 10 km le soir. Le mardi, j’effectue un petit travail sur 20 km. Le mercredi, j’ai ma sortie la plus longue de la semaine avec 30 km d’endurance. Le jeudi, je fais de la musculation le matin et 12 km de marche l’après-midi avec un petit exercice de vitesse. Le vendredi, j’effectue une séance pour récupérer un peu. Le samedi, je réalise une séance d’environ 25 km en actif qui me change de la routine de l’endurance.

Les prochains Jeux Olympiques auront lieu Ă  Paris en 2024. Vas-tu changer des choses dans ta prĂ©paration pour ces JO devant le public français ?

Pour l’instant, je reste sur ce que je sais faire. Avant d’aller aux Jeux, il faut dĂ©jĂ  se qualifier. Quand j’ai passĂ© la ligne d’arrivĂ©e des JO de Tokyo, je me suis dit : « seizième, c’est bien, mais qu’est-ce-qui me manque pour ĂŞtre devant ? Â». On est en train de rĂ©flĂ©chir. J’ai par exemple l’idĂ©e de faire du yoga. Ça ne peut ĂŞtre que bĂ©nĂ©fique pour le bassin, l’assouplissement et les Ă©tirements, pour lesquels je suis très mauvais Ă©lève. Ce sont des petits plus qui peuvent dĂ©bloquer quelques secondes ! On est Ă  trois ans des Jeux, il faut tenter !

Merci beaucoup KĂ©vin pour ta disponibilitĂ© et bonne chance pour la suite !

La carrière de Kévin Campion en quelques lignes :

Spécialiste du 20 km marche, Kévin Campion participe à ses premiers Championnats du monde en 2013 (abandon). Il se classe ensuite 10e des Championnats d’Europe 2014 et 33e des Championnats du monde 2015.

Lors des Jeux Olympiques de Rio 2016, il termine 49e. Il continue sa progression aux Championnats du monde 2017 (24e place) et 2019 (16e place) et aux Championnats d’Europe 2018 (9e place).

En 2021, il finit 16e des Jeux Olympiques de Tokyo. Aujourd’hui âgé de 33 ans, Kévin Campion compte plusieurs titres de champion de France et vise les Jeux Olympiques de Paris 2024.

drapeau olympique Participations aux Jeux Olympiques de Rio 2016 et Tokyo 2020

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