Interview de Maxime Beaumont
(kayak)

Maxime Beaumont a dĂ©crochĂ© la mĂ©daille d’argent des Jeux Olympiques de Rio 2016 en kayak monoplace 200 m. MalgrĂ© le report des Jeux de Tokyo Ă  2021, son objectif reste le mĂŞme : l’or Olympique.

Maxime, tu as terminĂ© quatrième de tes premiers Jeux Olympiques, Ă  Londres en 2012. A l’époque, cette place Ă©tait-elle une satisfaction ou bien une dĂ©ception d’être passĂ© proche du podium ?

C’était un peu les deux. Six mois avant, j’aurais signĂ© de suite pour terminer quatrième de mes premiers Jeux Olympiques. J’y allais pour reprĂ©senter la France et faire une belle place. Je dĂ©couvrais. A partir du moment oĂą j’étais en finale, l’objectif Ă©tait atteint et j’étais satisfait. Par contre, une fois que j’ai passĂ© la ligne, j’avoue que j’étais un peu déçu de passer si près d’une mĂ©daille. Seulement 3 centièmes me sĂ©paraient de la mĂ©daille de bronze. Or, il y a vraiment un Ă©cart entre un quatrième, qui dans mon sport est anonyme, et un troisième, qui a des opportunitĂ©s pour des partenariats et pour amĂ©liorer ses conditions d’entraĂ®nement. Et puis bien sĂ»r, j’étais déçu de ne pas avoir fait mieux en termes de performance. Cela aurait pu ĂŞtre mes derniers Jeux, mais dès que j’ai passĂ© la ligne, c’était clair dans ma tĂŞte que je repartais pour quatre ans avec l’objectif de faire mieux !

Tu as remportĂ© la mĂ©daille d’argent des Jeux Olympiques de Rio 2016 en K-1 200 m. Raconte-nous comment tu as vĂ©cu cette finale de l’intĂ©rieur ?

Le contexte Ă©tait diffĂ©rent de Londres. J’allais Ă  Rio pour gagner. C’était un objectif affichĂ© et clair dans ma tĂŞte. Mais c’est bizarre car mĂŞme si gagner Ă©tait une obsession pendant ma prĂ©paration, je me suis senti libĂ©rĂ© au moment des Jeux. J’étais aussi dans un moment de ma vie oĂą j’avais des changements sur le plan personnel. Je me sentais libre et j’avais vraiment envie d’y aller pour me faire plaisir. Quand je me suis alignĂ© au dĂ©part, mon Ă©tat d’esprit Ă©tait de donner le meilleur de moi-mĂŞme et de voir le rĂ©sultat en passant la ligne, et non pas d’aller chercher l’or Olympique. Je ne pensais plus Ă  l’enjeu mais je pensais au moment prĂ©sent. En prĂ©paration mentale, on dit : « ĂŞtre ici et maintenant Â».

Pendant la course, j’ai tout de suite senti que je partais bien et que les sensations étaient là. Même si on ne voit pas forcément sur les côtés, on sent quand même si on est dans le coup ou pas. Je me faisais vraiment plaisir. En fin de course, je sentais que j’étais bien mais qu’il y avait quelqu’un à côté de moi. Je ne savais pas les écarts. Au moment où j’ai jeté le bateau sur la ligne d’arrivée, c’était la déception. J’étais deuxième alors que mon objectif était de gagner.

Ensuite, le fait de partager cette mĂ©daille avec tout le monde a fait que j’ai vraiment apprĂ©ciĂ© la mĂ©daille Olympique. J’ai eu la larme Ă  l’œil en voyant mon fils juste en face quand j’étais sur le podium. Dans les tribunes, il y avait aussi mes parents et des Boulonnais qui avaient fait le dĂ©placement. J’ai senti que toute l’équipe de France Ă©tait derrière moi. L’argent s’est transformĂ© en or !

« Au moment où j’ai jeté le bateau sur la ligne d’arrivée, c’était la déception »

Lors de ces Jeux Olympiques de Rio 2016, tu as Ă©galement pris la septième place en K-2 200 m avec SĂ©bastien Jouve. Etais-tu satisfait de ce classement ?

Non. Le K-2 a vraiment été une grosse déception et cela a été dur de l’encaisser. C’est grâce à l’équipe et au coach qu’on a réussi à se reconcentrer très rapidement sur le deuxième objectif, qui était pour moi le monoplace et pour Sébastien le quatre places. Cela a été un échec parce qu’on a avait terminé successivement quatrième, troisième puis quatrième sur l’Olympiade, alors qu’on a fini septième aux Jeux. Pour moi, cela ne reflétait pas notre valeur ni notre potentiel. C’était peut-être notre niveau du jour mais ce n’était pas notre meilleur niveau. On était donc frustrés en passant la ligne.

Mis Ă  part ta compĂ©tition, quels souvenirs gardes-tu de ces Jeux Olympiques de Rio ?

Je retiens le cĂ´tĂ© festif de ces Jeux Olympiques. Les Jeux Olympiques sont souvent Ă  l’image du pays. A Londres, c’était très strict et très règlementĂ© et il n’y avait pas de dĂ©bordements. A Rio, la sĂ©curitĂ© Ă©tait de temps en temps un peu limite, mais il y avait un cĂ´tĂ© festif Ă©norme et le bon sens primait. Il n’y a pas eu d’accident et tant mieux ! J’ai apprĂ©ciĂ© vivre ce cĂ´tĂ© festif aux Jeux de Rio.

Comment as-tu vĂ©cu la pĂ©riode d’après mĂ©daille Olympique ?

Il y a eu des hauts et des bas. C’était apprĂ©ciable d’avoir un peu de notoriĂ©tĂ© au niveau local. Quand je sortais en ville, des gens me reconnaissaient, me disaient bonjour et me fĂ©licitaient. Quand j’allais au restaurant, il est arrivĂ© qu’on m’offre le dessert ou le cafĂ©. J’ai Ă©tĂ© invitĂ© un peu partout, notamment sur les plateaux tĂ©lĂ© et aux ouvertures de matches au niveau local. Par contre, c’était très Ă©phĂ©mère : au bout de trois mois, c’était dĂ©jĂ  devenu très calme.

Il y a aussi un peu de négatif. Je vivais à ce moment-là des changements au niveau personnel, qui ne sont pas les meilleurs à vivre, et ce n’était pas évident. Cela fait bizarre de passer du devant de la scène à un statut plus anonyme trois mois plus tard. J’avais l’impression que les journées étaient vides. Aux Jeux Olympiques, les entraîneurs, le staff médical et tout le monde est aux petits soins autour de toi. Mais quand l’engouement s’arrête, tu es seul chez toi et ce n’est pas évident à vivre.

« J’ai effectué des évolutions au niveau de l’entraînement et le report des Jeux me laisse plus de temps pour les approfondir et progresser »

Tu concoures dans l’une des Ă©preuves les plus courtes des Jeux Olympiques, le 200 m, qui dure environ 35 sec. Tout se joue-t-il au physique ou il y a aussi un aspect mental ou un aspect stratĂ©gique ?

Je pense qu’à ce  niveau-lĂ , c’est beaucoup de mental. Il n’y a pas de cĂ´tĂ© stratĂ©gique sur le 200 m car il n’y a pas trop de gestion de course ou d’intox : on est Ă  fond du dĂ©but Ă  la fin et il n’y a pas trop de questions Ă  se poser. Au niveau physique, certains sont plus musculaires et un peu moins techniques alors que certains sont plus techniques et moins musculaire. Chacun a son Ă©quilibre mais cela ne fait pas la diffĂ©rence aux Jeux. Je considère donc que ça se joue vraiment au niveau mental : il faut rĂ©ussir Ă  exprimer son potentiel malgrĂ© tout ce qu’il y a autour. Les Jeux, c’est Ă©norme. Il y a des tribunes avec 10 000 personnes et beaucoup de mĂ©dias. On n’a pas l’habitude d’une telle organisation. MĂŞme un Championnat du monde n’a rien Ă  voir. Il faut l’aborder et bien le gĂ©rer.

En 2019, tu as remportĂ© les Jeux EuropĂ©ens et il s’agissait de ta première mĂ©daille d’or en grand championnat malgrĂ© un très beau palmarès. Cette mĂ©daille d’or a-t-elle Ă©tĂ© un soulagement pour toi ?

Oui, cela a été un bon soulagement pour deux raisons. La première raison, c’était que je me prouvais à moi-même que je pouvais gagner et que je n’étais pas celui qui ferait toujours deuxième. C’était une étape à passer et j’en étais très satisfait. La deuxième raison, c’est que cela marquait un retour gagnant car j’avais été blessé en 2018. La saison 2019 a été très bonne avec des médailles en Coupe du monde et un titre aux Jeux Européens. Cela a confirmé que ma préparation et mon lieu d’entraînement étaient bons.

Les Jeux Olympiques de Tokyo ont Ă©tĂ© dĂ©calĂ©s Ă  2021 Ă  cause du coronavirus. Comment as-tu rĂ©agi Ă  cette annonce, sachant que l’impact pour toi est peut-ĂŞtre plus important Ă©tant donnĂ© que tu as 38 ans ?

ThĂ©oriquement, plus je vieillis et moins je vais ĂŞtre en capacitĂ© physique de performer. Mais une annĂ©e ne joue pas forcĂ©ment Ă©normĂ©ment. J’ai effectuĂ© des Ă©volutions au niveau de l’entraĂ®nement et le report des Jeux me laisse plus de temps pour les approfondir et progresser. De toute façon, j’avais Ă©mis le souhait de continuer après Tokyo. Je ne voulais pas me mettre une pression supplĂ©mentaire sur les Ă©paules aux Jeux en me disant que cela allait ĂŞtre les 30 dernières secondes de ma carrière internationale. Cela repoussera donc ma fin de carrière jusqu’en 2022, voire plus tard, mais cela ne change pas Ă©normĂ©ment. J’ai envie de continuer car je prends du plaisir dans ce que je fais. Je ne veux pas me donner une date Ă  cause d’une Ă©chĂ©ance importante. Je prĂ©fère me dire que je profite et je donne mon maximum. Quand je n’aurai plus envie et que je ne serai plus en capacitĂ© de jouer avec la concurrence, je tirerai ma rĂ©vĂ©rence !

Merci beaucoup Maxime et bonne chance pour les Jeux Olympiques l’annĂ©e prochaine !

La carrière de Maxime Beaumont en quelques lignes :

SpĂ©cialiste de kayak en course en ligne, Maxime Beaumont participe Ă  ses premiers Championnats du monde en 2003 et remporte sa première mĂ©daille internationale aux Championnats d’Europe 2004 (bronze en K-4 500 m).

Il prend la 4e place des Jeux Olympiques de Londres 2012 en K-1 200 m. En 2012, il devient aussi vice-champion d’Europe du K-1 200 m. Il signe ensuite plusieurs podiums aux Championnats du monde (bronze du K-2 500 m en 2013, bronze du K-2 200 m en 2014, argent du K-1 200 m en 2015) et aux Championnats d’Europe (bronze en K-2 200 m en 2013, argent en K-2 500 m en 2014).

Il remporte la mĂ©daille d’argent des Jeux Olympiques de Rio 2016 en K-1 200 m. Lors de ces JO, il termine aussi 7e du K-2 200 m avec son coĂ©quipier SĂ©bastien Jouve. En 2017, il prend le bronze des Championnats d’Europe en K-1 200 m. En 2019, il remporte les Jeux EuropĂ©ens et se classe 4e des Championnats du monde en K-1 200 m. Aujourd’hui âgĂ© de 38 ans, Maxime Beaumont vise l’or aux Jeux Olympiques de Tokyo en 2021.

drapeau olympique Participations aux Jeux Olympiques de Londres 2012 et Rio 2016

medaille MĂ©daillĂ© d’argent aux Jeux Olympiques de Rio 2016 (K-1 200 m)

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