Champion d’Europe et vice-champion du monde par Ă©quipe en 2019, Maxime Pauty Ă©tait dans une bonne dynamique lorsque l’Ă©pidĂ©mie de covid-19 a Ă©clatĂ©. Il nous explique comment il vit la situation actuelle et nous parle de la qualification pour les Jeux Olympiques de Tokyo.
Maxime, l’année 2020 a été une saison quasiment blanche et l’année 2021 est toujours incertaine. On imagine que c’est une période difficile à vivre en tant que sportif de haut niveau ?
D’abord, j’essaie de faire preuve de beaucoup de pudeur car la situation est difficile pour tout le monde. Il y a des gens qui en sont morts, des gens qui perdent des proches, des gens pour qui le business d’une vie s’effondre. C’est difficile en tant que sportif mais j’ai la chance de mettre de la nourriture dans mon frigo et de ne pas avoir à me soucier de ne pas recevoir ma paie à la fin du mois. Je me sens donc privilégié là -dessus.
Après, si je réponds de façon un peu plus égocentrée, je m’ennuie un peu sans compétition. Ce qui m’attirait dans l’escrime, c’était les copains ainsi que l’aspect compétitif, en particulier le côté duel à mort avec la pression. Actuellement, on me retire un peu tout ça. Je n’ai plus de voyage et plus de compétition. Il ne me reste plus que les entraînements. J’ai la chance d’avoir un groupe qui vit bien avec une bonne ambiance, mais j’ai un peu l’impression d’aller au bureau. J’avoue que j’ai hâte que les compétitions reprennent ! On est supposé avoir une compétition fin mars à Doha, qui pourrait être la dernière épreuve qualificative pour les Jeux Olympiques.
Il n’y aura que trois places de titulaire dans l’équipe de France pour les Jeux Olympiques de Tokyo. Comment va se passer la sélection ?
J’aimerais bien pouvoir répondre mais personne ne peut le faire actuellement ! L’année dernière, les critères de sélection étaient les suivants : six épreuves de Coupe du monde étaient sélectives, on y marquait des points selon nos performances, et à la fin le Français qui avait le plus de points était sûr d’aller aux Jeux, en individuel et par équipe. Pour les autres places, ce sont les coaches qui décidaient. Quand le covid-19 est arrivé, il restait une dernière épreuve sélective et on était ainsi sur le point de savoir qui était qualifié d’office. Le problème, c’est que cette dernière épreuve n’a jamais eu lieu et que cela fait un an qu’on n’a pas disputé de compétition. Les coaches aimeraient nous annoncer les critères de sélection pour 2021, mais c’est difficile pour eux de se prononcer car ils n’ont aucune visibilité sur le calendrier.
Mon intuition, c’est que cette compétition à Doha fin mars remplacera la fameuse épreuve qu’on n’a pas pu faire l’année dernière et clôturera ainsi la sélection sur six épreuves. Mais les coaches ont peut-être l’idée d’inclure les Championnats d’Europe dans les critères de sélection pour avoir plus de compétitions. Tout le monde est vraiment dans le flou. Personnellement, j’étais deuxième de ce classement sélectif avant la dernière épreuve. Je faisais une très bonne saison, mais je n’étais pas premier.
« Refaire une grosse performance m’a fait du bien et m’a redonné énormément de confiance en moi »
L’équipe de France s’est qualifiée pour les Jeux Olympiques de Tokyo avant que la pandémie de covid-19 n’éclate. Raconte-nous comment tu as vécu cette course à la qualification ?
Notre équipe a été officiellement qualifiée fin décembre 2019. Mais pour être honnête, le gros enjeu pour nous était aux Championnats d’Europe et du monde qui avaient lieu pendant l’été. On a été champions d’Europe et vice-champions du monde. On savait alors qu’on serait qualifiés pour les Jeux si on ne faisait pas n’importe quoi et on était très fiers de nous. On n’a donc pas vécu la compétition de décembre comme une libération.
Une fois qu’on avait quasiment assuré la qualification par équipe, on a basculé sur l’objectif de qualification individuelle. On savait que les quatre qui avaient qualifié l’équipe au Jeux avaient de grande chance d’aller à Tokyo, mais qu’il y en aurait un qui n’y tirera pas l’individuel. On a tous les quatre réalisé une saison incroyable. On a mis la barre très haute. Sur ce classement sélectif, le champion du monde Enzo Lefort était troisième. Je n’ai pas de doute qu’il sera aux Jeux Olympiques en individuel, mais cela donne une idée du niveau de performance requis pour gagner sa place en individuel. C’était très usant et on avait hâte que cela se termine.
En décembre 2019, tu as terminé deuxième de la Coupe du monde de Tokyo. Penses-tu que cela puisse être un déclic pour la suite ?
Ce podium est important dans ma carrière. En effet, j’avais gagné ma première Coupe du monde à St-Pétersbourg un an et demi auparavant, mais je n’avais pas réalisé de podium depuis. Refaire une grosse performance m’a fait du bien et m’a redonné énormément de confiance en moi. Cela montrait que St-Pétersbourg n’était pas un coup de chance et que j’étais capable de rééditer ce genre de performances.
Et puis c’est vraiment important pour la qualification aux Jeux Olympiques de Tokyo car c’est une des six épreuves sélectives. Julien Mertine avait gagné la Coupe du monde précédente. Je me suis alors dit que si je voulais aller aux Jeux en individuel, je devais soit prendre la place de Julien, qui venait de gagner une Coupe du monde, soit prendre la place d’Enzo Lefort, qui est champion du monde en titre, soit prendre la place d’Erwann Le Péchoux, qui est le capitaine de l’équipe. La Coupe du monde de Tokyo est arrivée juste après et j’ai su rebondir face à l’adversité. Même si je n’ai pas gagné, Tokyo est ma compétition la plus aboutie mentalement. J’étais vraiment sous pression et j’ai réussi à répondre.
« C’était ma première médaille avec l’équipe de France et c’était le jour de mon anniversaire »
En 2019, tu as remporté par équipe la médaille d’or aux Championnats d’Europe et la médaille d’argent aux Championnats du monde. Parmi ces deux médailles, quelle est celle qui t’a apporté le plus d’émotions ?
J’ai préféré être champion d’Europe que vice-champion du monde car c’est un titre. En plus, c’était ma première médaille avec l’équipe de France et c’était le jour de mon anniversaire. C’était vraiment la journée parfaite, la journée où on se sent intouchable. Il s’agissait du premier grand championnat qu’on faisait avec ces quatre tireurs et ça a vraiment été pour moi la naissance d’une très grosse équipe.
La deuxième place aux Championnats du monde était une grosse performance sportive. J’ai peut-être effectué le meilleur match par équipe de ma carrière lors de la demi-finale contre l’Italie. Mais on a fini sur une défaite. Je préfère donc la médaille d’or des Championnats d’Europe.
Quelles sont tes activités en parallèle de l’escrime ? As-tu un travail ou fais-tu des études ?
J’ai obtenu mon diplôme de journalisme à 25 ans avec l’Ecole Sportcom, qui est un partenariat entre l’INSEP et le CFJ (Centre de Formation des Journalistes, ndlr). Quand j’ai fini mes études, je me suis dit que mon rêve était d’être un champion d’escrime et que si je travaillais à côté, je pourrais certes continuer à faire des compétitions mais je ne pourrais pas atteindre mon objectif d’être le meilleur. Pour l’être, il faut être détaché à 100%. Du coup, j’ai pris la décision de prendre le risque de ne pas travailler et de ne faire que de l’escrime.
De par mes résultats et du travail avec des contacts, j’ai eu la chance de signer deux contrats : l’un avec la ville et le club d’Issy-les-Moulineaux, qui me rémunèrent en tant qu’escrimeur, et l’un avec l’Armée et la Gendarmerie. Je fais partie du bataillon de Joinville. Ces deux contrats me permettent de vivre pleinement de l’escrime. J’ai la chance de ne faire que ça et d’être escrimeur professionnel.
Tu as actuellement 27 ans. Penses-tu déjà aux Jeux Olympiques de Paris 2024 ?
Je sais que je n’arrêterai pas avant et j’ai bien évidemment envie de faire partie de cette belle aventure. Mais c’est quand même dans 3 ans et demi. Il y a d’autres choses à accomplir avant. J’aimerais bien faire les Jeux Olympiques de Tokyo. Je pense à Paris 2024 mais cela reste encore loin dans ma tête !
Merci Maxime pour cette interview et bonne chance pour la suite !
La carrière de Maxime Pauty en quelques lignes :
Pratiquant le fleuret, Maxime Pauty termine 4e par équipe aux Jeux Européens en 2015. Il participe à ses premiers Championnats du monde en 2018 et se classe 5e par équipe. Cette même année, il remporte la Coupe du monde de Saint-Pétersbourg et atteint les quarts-de-finale des Championnats d’Europe.
En 2019, il devient champion d’Europe par équipe ainsi que vice-champion du monde par équipe. En individuel, il se distingue avec la 2e place de la Coupe du monde de Tokyo et un nouveau quart-de-finale aux Championnats d’Europe.
Comme tous les escrimeurs, il connaît une année quasiment blanche en 2020 à cause de l’épidémie de covid-19. Aujourd’hui âgé de 27 ans, Maxime Pauty vise les Jeux Olympiques de Tokyo cet été.
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