Il y a exactement 20 ans, Pascal Gentil dĂ©crochait la première mĂ©daille Olympique de la France en taekwondo Ă Sydney. Quatre ans plus tard, il remportait une nouvelle mĂ©daille de bronze aux Jeux Olympiques d’Athènes. Il revient pour nous sur ces mĂ©dailles et sur l’arbitrage controversĂ© dont il a Ă©tĂ© victime.
Pascal, tu as remporté la médaille de bronze des Jeux Olympiques de Sydney il y a 20 ans. A l’époque, cette médaille correspondait-elle à tes objectifs avant le début de la compétition ?
Pas du tout ! (rires) J’étais très triste d’obtenir cette médaille de bronze. Mais je me suis rendu compte assez rapidement que c’était quand même fantastique de faire les Jeux et encore plus de ramener une médaille. En effet, l’équipe de France d’athlétisme avec qui je m’entraînais à Narrabeen (ville près de Sydney, ndlr) a fait chou blanc à Sydney, et j’ai vu dans l’avion retour d’autres athlètes très tristes de ne pas avoir eu de médaille.
Tu as été éliminé en demi-finale suite à un arbitrage controversé. Cela a dû être dur à vivre ?
A la sortie du combat, j’étais dépité. J’avais tout donné. J’étais comme un volcan ! Je crois aux valeurs de l’Olympisme, je crois au sport et aux arbitres, et j’ai pris une grosse claque aux Jeux avec des médailles décernées aux pays hôtes ou futurs hôtes ! Je pensais que c’était une mascarade. Celui qui a gagné à Sydney dans ma catégorie, c’était le Coréen et le deuxième était l’Australien (le taekwondo est un sport d’origine sud-coréenne, ndlr). Quatre ans après, celui qui a gagné à Athènes, c’était le Coréen et le deuxième était le Grec. Je disais alors : « vous verrez, dans quatre ans, le premier sera le Coréen, le deuxième sera le Chinois et le troisième sera encore Pascal Gentil ! ».
Comment as-tu fait pour te remotiver pour le combat pour la médaille de bronze à Sydney ?
Sydney 2000, c’était la première fois qu’on avait le système des repêchages. Pour gagner l’unique médaille de bronze après avoir perdu la demi-finale, je devais battre tous les athlètes qui avaient perdu contre les finalistes. Je devais donc gagner encore deux ou trois combats pour être sur le podium. Ce qui était fabuleux, c’est que je finissais sur une victoire. Mais je considérais que cette petite finale, je n’avais rien à y faire.
Après la défaite en demi-finale, je suis sorti de l’aire de combat et je suis passé en zone mixte. Le journaliste, qui me connaissait très bien, m’a lancé : « Pascal Gentil, on vous connaît, vous êtes un guerrier, vous n’allez pas baisser les bras, vous allez la chercher cette médaille de bronze ! ». Je l’ai regardé et j’ai alors eu des mots assez crus : « Je m’en fous de la médaille de bronze, je ne suis pas venu pour ça ». J’ai alors choqué tout le monde en zone mixte. Tout le monde s’est demandé : « Mais c’est qui ce mec ? ». D’ailleurs, le Directeur de Nike France Olivier Jaubert était devant sa télé et a été marqué par mes mots. Cela m’a permis de signer un contrat avec Nike, avec qui j’ai effectué toute ma carrière jusqu’en 2009, quand j’ai tiré ma révérence.
Comment je me suis motivé ? Je n’avais pas le choix. Je suis un guerrier. Un combattant fait face à la difficulté. Blessé ou pas blessé, doute ou pas doute, on y va ! J’étais très déçu mais il fallait aller chercher cette médaille. J’ai combattu le cœur serré, limite les larmes aux yeux. Tout au long de ma carrière, je voulais me confronter aux plus forts. Plus mon adversaire était fort, plus ça me sublimait. J’aime le challenge. Mais là , je considérais que combattre pour la médaille de bronze n’était pas ma place et que les adversaires n’étaient pas de mon calibre. Je n’avais presque pas envie de les frapper ! J’ai mis quelques coups, j’ai marqué des points et j’ai gagné sans panache et sans coup de pied spectaculaire.
« J’étais très déçu mais il fallait aller chercher cette médaille »
Mis à part la compétition, quels souvenirs gardes-tu de ces Jeux Olympiques de Sydney ?
J’ai adoré ! J’ai beaucoup aimé découvrir les valeurs de l’Olympisme en Australie. Les Australiens se lèvent à 4h ou 5h du matin pour aller surfer. C’est une nation dédiée au sport. Avec Myriam Baverel, l’autre athlète du taekwondo, on était au camp d’entraînement de Narrabeen avec la Fédération d’athlétisme. On a ramené une médaille, soit une réussite de 50%. On n’a malheureusement pas décroché l’or mais ce n’est pas faute d’avoir essayé.
Tu as remportĂ© une deuxième mĂ©daille de bronze aux Jeux Olympiques d’Athènes 2004, une nouvelle fois après une dĂ©faite en demi-finale contre un CorĂ©en et un arbitrage discutable. Cela a dĂ» ĂŞtre très frustrant ?
Sydney et Athènes, c’était pareil. Sauf qu’à Sydney, j’avais tout donné. Et forcément, quand tu donnes tout, tu es plus fatigué et fébrile à la fin du combat. Tu donnes donc une image de fatigue. A Athènes, j’ai combattu avec le frein à main. J’étais en demi-finale, je mettais des impacts qui résonnaient dans tout le gymnase, et je n’avais pas de point. A un moment, mon adversaire m’a fait un coup de pied retourné et je suis tombé. Il a marqué son point et a jubilé. Je me suis alors levé, je suis parti de loin et je lui ai mis un coup de pied en pleine tête. Son casque a tourné et de la sueur a giclé de partout. Mais les arbitres n’ont pas bronché : pas de point. J’ai levé les bras au ciel ! J’étais dépité ! Je combattais contre les arbitres et pas contre l’adversaire. J’essayais donc de faire le moins d’erreurs possibles et surtout de donner des coups les plus percutants et francs possibles pour qu’il n’y ait pas l’once de discussion. Mais malgré tout, j’ai subi deux échecs, comme mon ami Alexis Vastine.
Cet arbitrage défavorable a-t-il été courant dans ta carrière ?
Cela n’est arrivé qu’aux Jeux Olympiques. D’ailleurs, je suis à l’initiative malgré moi du changement de règlementation dans le taekwondo. Le Prince Albert de Monaco était venu lors de cette demi-finale et il est parti furieux de voir que ce qui s’était passé était « un peu bizarre ». La Fédération mondiale a compris qu’il fallait rectifier des choses. Il y a maintenant de l’électronique, un peu comme en escrime. Il y a des pitaines et des mitaines (aux pieds et aux mains) avec des capteurs et des plastrons électroniques, qui font que les points s’affichent désormais automatiquement. C’est désormais plus un sport de touche que de contact.
Quel sentiment gardes-tu de ces Jeux Olympiques d’Athènes ? Est-ce une grosse frustration ou bien quand même de bons souvenirs avec une médaille de bronze ?
Je n’ai pas de frustration. Je ne suis pas champion du monde ni champion Olympique, et je suis dans un petit sport. Je n’ai gagné que la Coupe du monde, 3 fois, les Championnats d’Europe, 3 fois, et les Championnats de France, 18 fois. Mais tout ce que j’ai fait, je l’ai fait avec le cœur et je suis fier de ce que j’ai fait.
« Tout ce que j’ai fait, je l’ai fait avec le cœur et je suis fier de ce que j’ai fait »
Tu es la grande figure du taekwondo en France et tu as aidé à faire connaître ce sport. Comment as-tu vécu ce rôle ?
En toute honnêteté, une de mes facultés est que je suis ouvert aux autres. J’ai toujours été comme ça. Les gens qui ne me connaissent pas me voient faire des choses que certains n’oseraient pas faire. Certains peuvent penser : « Pour qui il se prend ? ». Par exemple, lors de la réception à l’Elysée après les Jeux Olympiques, j’ai fait une photo où je touchais presque le plafond avec mon pied. C’est ma personnalité, c’est comme ça ! Les gens m’apprécient parce que je suis ouvert. Je parle aussi bien au Prince de Monaco qu’à une femme de ménage, un vigile ou un Président de la République !
Je suis très généreux avec les médias. A l’époque, je leur ai ouvert les portes de mon appartement à Aix-en-Provence. Ils me connaissaient donc très bien. J’ai toujours fait en sorte qu’on parle du taekwondo. Je n’ai pas besoin qu’on parle de moi. Je sais ce que je vaux et ce que j’ai fait. En 2009, quand je suis arrivé en Chine, j’ai relu tous les articles et toutes les déclarations que j’avais faites. Je me suis demandé comment j’avais fait pour déclarer des choses comme ça ! Les gens qui m’entendaient hallucinaient ! Mais j’ai ramené des sponsors pour la Fédération et pour les autres athlètes.
Quand j’ai commencé le taekwondo, j’avais juste assez d’argent pour acheter ma licence. Ma mère et ma tante m’avaient fabriqué une tenue de taekwondo dans un matériau indestructible et super dur comme au judo, alors qu’une tenue de taekwondo est normalement très légère. Tout le monde se moquait de moi. Mais j’ai toujours pensé dans ma tête : « Rira bien qui rira le dernier ». J’ai cristallisé sur mes déclarations, un peu comme Mohamed Ali. La moitié des gens venait pour me voir perdre et l’autre pour me voir gagner.
Tu as Ă©tĂ© sĂ©lectionnĂ© pour les Jeux Olympiques de PĂ©kin 2008 mais tu as dĂ» dĂ©clarer forfait Ă cause d’une blessure juste avant le dĂ©but de la compĂ©tition. On imagine que cela a Ă©tĂ© difficile Ă digĂ©rer ?
Non, car je n’ai pas pris la décision. On ne m’a pas demandé si je voulais combattre. On m’a dit que j’étais blessé et qu’on allait donc me remplacer. J’ai dit OK ! J’aurais souhaité qu’on me fasse confiance mais je n’ai rien dit. Je suis un soldat. On m’envoie au combat, j’y vais. On ne me sélectionne pas, je n’y vais pas. Mais ce qui est terrible, c’est que je n’avais jamais eu ce type de blessure avant !
Que deviens-tu et quelles ont été les principales lignes de ta reconversion depuis l’arrêt de ta carrière ?
J’ai mis un terme à ma carrière le 1er mai 2009. Je me suis alors installé en Chine, où j’ai travaillé pendant six ans pour le groupe Veolia. Je m’occupais des relations institutionnelles auprès de la Chambre de Commerce et d’Industrie de l’Ambassade et je m’occupais de la sécurité en interne. J’ai tout appris auprès de Jorge Mora, qui était le patron de la sûreté, de la sécurité et de l’intelligence économique pour le groupe Veolia. Il était entre autres le conseiller spécial du boss de Veolia, Henri Proglio.
Je suis rentré en France six ans plus tard. J’y ai travaillé dans la sécurité. Ma compagne a travaillé pour la candidature de Paris 2024. En septembre 2017, la France a remporté cette candidature et en janvier 2018, on est repartis en Chine pour travailler pour les Chinois sur l’organisation des JO d’hiver de 2022. J’ai effectué une mission d’un an avec les Chinois pour faire de l’intermédiation dans le milieu sportif pour la société de construction en charge des équipements. En parallèle, j’ai racheté une société de sécurité à Saint-Barthelemy, dans les Caraïbes. Je m’occupe des yachts, des villas, du port et de l’aéroport. Je suis aussi associé dans la société DNA Global Analytics, qui fait de l’intelligence artificielle applicable dans les milieux du marketing et de la finance. On travaille aussi dans le sport sur l’athlète augmenté, ainsi que dans la sûreté et dans la santé. J’aime ce que je fais !
Merci beaucoup Pascal pour ta disponibilité et félicitations pour ta médaille il y a 20 ans !
La carrière de Pascal Gentil en quelques lignes :
Evoluant dans la catégorie des lourds, Pascal Gentil devient champion d’Europe en 1994 puis vice-champion du monde en 1995. Il obtient ensuite aux Championnats d’Europe la médaille d’argent en 1996 puis la médaille d’or en 1998.
Lors des Jeux Olympiques de Sydney 2000, il remporte la médaille de bronze. Il s’agit de l’entrée du taekwondo au programme Olympique. Lors des Jeux Olympiques d’Athènes 2004, il obtient une nouvelle médaille de bronze. En 2004, il est aussi vice-champion d’Europe. Il enrichit son palmarès aux Championnats d’Europe avec l’or en 2005 et l’argent en 2008. Sélectionné pour les Jeux Olympiques de Pékin 2008, il doit déclarer forfait peu de temps avant la compétition suite à une blessure.
Il met un terme à sa carrière en 2009. Il continue tout de même de concourir aux Championnats de France et obtient son 18e et dernier titre de champion de France en 2016. Pascal Gentil travaille actuellement dans le milieu de la sécurité et est associé dans l’entreprise DNA Global Analytics.
Participations aux Jeux Olympiques de Sydney 2000 et Athènes 2004
Médaillé de bronze aux Jeux Olympiques de Sydney 2000 (catégorie des +80 kg) et Athènes 2004 (catégorie des +80 kg)
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