Médaillé de bronze aux Jeux Olympiques de Nagano 1998 et champion du monde en 1999 en bob à 4, Bruno Mingeon est la figure du bobsleigh en France. Il revient pour nous sur sa carrière, marquée également par son rôle de porte-drapeau de la délégation française aux Jeux Olympiques de Turin 2006.
Bruno, vous avez participé à vos premiers Jeux Olympiques en 1992 à Albertville et vous avez terminé 18e du bob à 4. On imagine que concourir devant le public français a été un grand moment pour vous ?
Etant de La Plagne, c’était un grand moment pour moi et mon début de carrière ! On était alors un peu des débutants et l’objectif était de participer. Vivre la cérémonie d’ouverture reste un souvenir gravé à vie. J’habite à Albertville et je passe donc souvent là où elle a eu lieu. Sur l’épreuve en elle-même, c’était quand même un peu frustrant : certes, l’épreuve était superbe, il y avait beaucoup de monde et j’ai couru devant mon public, mais je n’avais pas le niveau pour me battre pour les premières places. J’aurais aimé être meilleur ce jour-là . Mais c’était mon niveau ! C’était beaucoup trop tôt dans ma carrière. Cela aurait été mieux quelques années plus tard ! Mais j’ai la fierté d’y avoir participé et j’en garde un excellent souvenir.
Vous avez remporté la médaille de bronze des Jeux Olympiques de Nagano 1998 en bob à 4. A l’époque, cette médaille était-elle un objectif clair en arrivant aux Jeux ou bien une bonne surprise ?
Dans un coin de nos têtes, on savait qu’on avait la possibilité de se hisser à ce niveau-là . On avait bien entendu envie d’avoir une médaille mais on ne la visait pas spécialement. L’année précédente, on avait terminé troisième de l’épreuve de la Coupe du monde de Nagano. On était donc conscients qu’il y avait moyen de titiller les meilleurs sur cette piste. Mais sur le début de la saison 1997-1998, on se situait plutôt entre la 8e et la 10e place. On est arrivés aux JO en étant outsiders.
On a joué notre carte à fond. Sur la dernière manche, on est passé dans l’ordre inverse du classement. Quand on est arrivés en bas et qu’on a vu qu’on conservait notre sixième place, on était très contents. On avait atteint notre objectif d’être dans le top 6. Après, les autres équipages sont passés et plusieurs sont arrivés derrière nous. Quand on a su qu’on remportait une médaille, c’était la joie totale !
« C’était une belle course avec beaucoup de rebondissements : d’abord une déception, puis une grande joie ! »
Racontez-nous comment vous avez vécu de l’intérieur ces deux journées de compétition qui ont abouti à cette médaille de bronze Olympique ?
Il a plu des cordes la première journée et la piste était très glissante. Sur la première manche, je suis passé un peu à travers et on s’est retrouvés à la huitième place. Ça a été un petit coup de massue. La déception n’était pas vis-à -vis du classement mais vis-à -vis du fait d’avoir loupé ma manche. La deuxième manche a été annulée à cause des conditions météorologiques.
On est alors rentrés à l’hôtel. L’atmosphère était lourde car j’étais très frustré par cette première manche. Je me rappelle qu’on est allés au self. Puis, vers 22h30, le coach m’a parlé dans une des zones vidéo où on pouvait revoir la course. Il m’a recadré et m’a piqué sur chaque virage, un par un. Je suis allé me coucher vers minuit et je n’ai quasiment pas dormi de la nuit.
Le lendemain matin, je suis retourné à la piste et j’étais remonté. Il y avait un passage primordial qu’il fallait bien négocier pour espérer réussir deux grosses manches : le passage 11-12-13. C’était un instant clé et je savais que j’étais seul face à cela : le coach ne pouvait pas le faire à ma place car cela dépendait du ressenti, du visuel et de la façon dont on entrait dans la courbe.
La troisième manche a eu lieu une heure après le déjeuner. On y a réussi le troisième temps et on est revenus dans le top 6. On était alors de nouveau dans la bagarre et on a vu que les écarts avec le podium étaient faibles. J’ai alors évité de penser au résultat final, pour me concentrer sur le fait de faire encore mieux sur la dernière manche. J’avais mieux réalisé le passage clé mais ce n’était pas encore parfait.
Lors de la quatrième manche, on a réussi le meilleur temps de la manche et on est revenus à la troisième place, ex-aequo avec les Anglais ! C’était une belle course avec beaucoup de rebondissements : d’abord une déception, puis une grande joie !
En 1999, vous êtes devenu champion du monde de bob à 4 ainsi que médaillé de bronze de bob à 2. Qu’est-ce-qui a fait la différence cette année-là selon vous ?
Le résultat des Jeux nous avait donné confiance. Notre coach italien avait tout de suite tourné notre regard vers les Championnats du monde. Notre préparation estivale était restée sur cette dynamique. On a été régulier dans le top 6 pendant tout le début de saison.
Quand on est arrivés aux Championnats du monde, on ne pensait pas vraiment au titre. Mais on savait qu’on pouvait faire une bonne performance. La piste me convenait, même si je n’y avais pas été régulier la saison précédente.
Le fait de remporter une médaille sur le bob à 2 nous a vraiment fait du bien car ce n’était pas ma discipline de prédilection. Pendant les entraînements de bob à 4, j’ai pris confiance en moi et j’ai senti qu’il y avait la possibilité de jouer la gagne.
Je me souviens que je m’étais dit que, contrairement aux années précédentes, je voulais réussir les quatre manches. Je suis allé prendre mon dossard, qui allait déterminer l’ordre de départ et qui allait être dans mon cas entre le 1 et le 10. J’espérais tirer le 10, car je voulais arriver en bas en étant directement en tête de la première manche. Et j’ai tiré le 10 ! Et j’ai été en tête de la première manche ! J’ai gagné toutes les manches.
Mon équipage était le même qu’à Nagano et on était très solides mentalement. J’étais dans l’instant présent. J’avais l’impression d’être sur un nuage. A la fin de la quatrième manche, je n’ai même pas réalisé que j’avais gagné : j’étais encore en train de me dire que j’avais fait des fautes. Je restais toujours dans l’optique de faire une manche la plus propre possible.
« Quand je suis entré dans le stade, j’ai eu beaucoup d’émotions »
Vous avez été le porte-drapeau de la délégation française lors des Jeux Olympiques de Turin 2006. On imagine que c’est un rôle qui vous a tenu à cœur ?
J’étais sur la liste des possibles porte-drapeaux en 2002. J’aurais préféré que ce soit à ce moment-là car il s’agissait d’un moment où j’avais encore des bons résultats. Mais il y a eu un changement à cause de l’accident de Régine Cavagnoud (décédée sur une descente d’entraînement en octobre 2001, ndlr) et ils ont alors désigné une skieuse en tant que porte-drapeau.
Ma fin de carrière a été moyenne en termes de résultats et j’étais un peu sur le déclin. Avec le recul, j’ai pris ce rôle de porte-drapeau comme une reconnaissance des résultats passés plutôt que comme un boost supplémentaire pour aller chercher une médaille, comme la plupart des autres porte-drapeaux qui sont en pleine bourre. Sportivement, j’aurais aimé être plus fort. Je savais que je ne serai pas à la hauteur car je n’étais plus dans le top 10 mondial. Mais j’ai eu cette reconnaissance, la fierté intérieure de porter le drapeau grâce à ma carrière et d’être la tête d’affiche des athlètes de cette Olympiade.
Pouvez-vous nous raconter comment vous avez vécu cette entrée dans le stade avec le drapeau ?
C’était grandiose ! Quand je suis entré dans le stade, j’ai eu beaucoup d’émotions : ma carrière et ma vie ont défilé car j’étais sûr à 90% que j’allais prendre ma retraite sportive après ces JO. J’ai adoré ce moment : l’ambiance, le fait d’être en tête de délégation… J’ai eu beaucoup d’émotions et j’étais très content d’être l’athlète qui portait le drapeau ce jour-là !
Vous avez participé à cinq éditions des Jeux Olympiques : Albertville 1992, Lillehammer 1994, Nagano 1998, Salt Lake City 2022 et Turin 2006. Quelle est l’édition qui vous a le plus marqué ?
Il y a bien sûr Nagano pour la médaille et pour les sollicitations qui ont suivi. Mais les Jeux Olympiques à Salt Lake City en 2002 étaient probablement la plus belle édition à laquelle j’ai participé. Ils étaient magnifiques, malgré les nombreuses mesures de sécurité suite aux attentats de 2001. Tous les athlètes logeaient au même Village Olympique, qui était très bien fait. On pouvait tous se côtoyer et l’ambiance était très bonne. Le cadre, aux Etats-Unis, dans l’Utah, était grandiose. Ces Jeux ont été très réussis !
Quelles ont été les principales lignes de votre reconversion depuis l’arrêt de votre carrière en 2006 et que devenez-vous aujourd’hui ?
Je suis resté dans le monde du bobsleigh. J’en suis à ma 18e année en tant que coach de l’équipe de Monaco. Entre 2014 et 2018, j’étais à la fois en charge de l’équipe de France et de celle de Monaco. Cela est de nouveau le cas pour l’Olympiade de Cortina 2026. Cortina est la ville où on a été champion du monde en 1999, et c’était un souhait personnel d’y coacher aussi l’équipe de France. D’autant que Max Robert, mon coéquipier de l’époque, fait aussi partie de mon staff.
Etre coach, c’est beaucoup d’aventures. Au début, j’ai beaucoup appris des autres personnes qui étaient là avant moi. Il a fallu faire une transition athlète-coach, car ce n’est pas la même chose. Je me bonifie au fur et à mesure. J’apprécie plus les années car j’ai un bagage qui me permet de mieux réussir chaque projet !
Merci beaucoup Bruno et bravo pour votre belle carrière !
La carrière de Bruno Mingeon en quelques lignes :
Pilote de bobsleigh, Bruno Mingeon participe aux Jeux Olympiques d’Albertville 1992, où il termine 18e du bob à 4, et aux Jeux Olympiques de Lillehammer 1994, où il se classe 16e du bob à 4.
Lors des Jeux Olympiques de Nagano 1998, il obtient la médaille de bronze du bob à 4 (avec Max Robert, Éric le Chanony et Emmanuel Hostache), ce qui constitue la seule médaille Olympique du bobsleigh français à ce jour. A Nagano, il se classe également 9e du bob à 2. Aux Championnats du monde 1999, il devient champion du monde du bob à 4 et médaillé de bronze du bob à 2. Il remporte la médaille d’or en 2000 et celle d’argent en 2002 aux Championnats d’Europe en bob à 4. Lors des Jeux Olympiques de Salt Lake City 2002, il termine 5e du bob à 4 et 13e du bob à 2.
Il est désigné porte-drapeau de la délégation française aux Jeux Olympiques de Turin 2006. Il y termine 19e du bob à 4 et 21e du bob à 2. Il met alors un terme à sa carrière. Aujourd’hui, Bruno Mingeon est entraîneur des équipes de France et de Monaco.
Participations aux Jeux Olympiques d’Albertville 1992, Lillehammer 1994, Nagano 1998, Salt Lake City 2002 et Turin 2006
Médaillé de bronze aux Jeux Olympiques de Nagano 1998 (bob à 4 hommes)
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