Interview de Gauthier de Tessières

(ski alpin)

En fĂ©vrier dernier, Gauthier de Tessières a crĂ©Ă© la sensation lors des Championnats du monde de Schladming : alors qu’il ne devait initialement pas participer Ă  la compĂ©tition, il a remportĂ© la mĂ©daille d’argent du Super-G. A quelques semaines des Jeux Olympiques de Sotchi, il revient pour nous sur cet exploit et sur ses expĂ©riences Olympiques.

Gauthier, tu es devenu vice-champion du monde de Super-G en février dernier alors que tu ne devais initialement pas participer à la compétition. As-tu mis du temps à réaliser l’exploit que tu as réussi ?

Oui, j’ai mis énormément de temps. Je n’étais pas qualifié, je suis arrivé trois jours avant sur le site en devant me préparer et je me suis finalement retrouvé avec la médaille autour du cou ! Ça a été un choc énorme tout de suite après la course. J’avais une émotion très forte mais je ne pensais pas à tout ce qui allait changer. En fait, quand je suis parti de l’Autriche après avoir fait deux ou trois jours de médias, je me suis retrouvé tout seul et j’ai réalisé. Je me suis alors dit : « Waouh, c’est génial ! ». Je pense que j’ai donc mis trois jours.

Tu as appris peu avant avant les Championnats du monde que tu allais finalement les courir suite au forfait d’un de tes coéquipiers. Cela a-t-il été difficile de se remettre psychologiquement dans l’approche de la compétition aussi peu de temps avant l’épreuve ?

C’est très dur à analyser parce que je suis arrivé trois jours avant et j’avais quelque part déjà mis la clé sous la porte. Pour moi, les Championnats du monde étaient quelque chose de très important. A 31 ans, être au moins là est un objectif à réaliser. Mais on ne m’avait même pas qualifié. Trois jours avant, je suis arrivé et je n’étais pas prêt du tout. En 48 heures, j’ai réussi à retrouver une bonne énergie. Mais il y avait aussi beaucoup de doutes. Je me suis dit : « je ne suis pas prêt, ça fait dix jours que je ne fais rien et que j’ai laissé tomber et maintenant, on me dit qu’il faut reskier ». Bizarrement, je me suis réveillé le matin avec une super énergie. J’étais là techniquement et j’avais passé un cap énorme mentalement. J’étais dans une bulle.

C’est une grande leçon : même sans être prêt physiquement, tu arrives à faire une différence dans le sport si tu es prêt mentalement. C’est extraordinaire ! Bon, ça n’arrivera pas à n’importe qui. Si toi tu arrives aux Championnats du monde, tu ne vas pas gagner juste avec de l’envie (sourires). Il faut des années d’entraînement. J’étais prêt avec tout ce travail parce que j’avais envie mentalement.

En février prochain ont lieu les Jeux Olympiques de Sotchi. N’as-tu pas peur que les attentes sur toi et la pression ne soient trop élevées du fait de ta médaille d’argent aux Mondiaux ?

Je crois que j’ai en fait moins de pression qu’auparavant. Avant, ma grande frustration était de finir ma carrière sans médaille. Maintenant, je pense avoir lâché beaucoup de lest et je suis prêt à me battre. Il n’y a pas grand-chose qui va pouvoir me mettre la pression. En tout cas, ça ne sera pas l’environnement, les médias ou les coachs.  Ce sera plus s’il y a des conditions difficiles, dans lesquelles il y a un énorme risque. A 31 ou 32 ans, on est moins tête brûlée. L’incertitude du danger est le seul petit stress que j’ai parfois !

Tu as déjà l’expérience de deux Jeux Olympiques puisque tu as disputé les éditions de Turin 2006 et de Vancouver 2010. Quelles en sont les enseignements ou les leçons que tu comptes en tirer pour ces prochains JO ?

Ca concerne justement l’environnement. Une grosse pression s’abat sur toi sur ces quinze jours de compétition et même une semaine avant. Tout le monde te parle de ça et tous les médias sont sur l’événement. C’est quelque chose de très lourd pour un athlète. Ça change de la routine : on passe de dix journalistes à cinquante ou cent journalistes. Il y a aussi les gens autour de toi, et pas seulement la famille et les amis car on est maintenant tous sur Facebook. Les Jeux Olympiques vont être un raz-de-marée ! Je dirais que j’ai appris à gérer tout ça : me mettre dans une bulle, savoir dire non, savoir ne pas se montrer, essayer de rester dans la préparation de l’événement.

Tu as été peu en réussite lors de ces deux éditions des Jeux Olympiques avec deux abandons en super-géant et deux places au-delà des trente premiers en Super-G. Estimes-tu avoir une revanche à prendre à Sotchi ?

Oui, une énorme ! Je n’ai eu aucune réussite sur les deux Jeux Olympiques. Aux premiers, je n’étais pas prêt du tout. J’étais trop jeune. Aux deuxièmes, je suis arrivé blessé. J’ai aussi un sentiment de frustration car je suis arrivé là-bas en tant que spectateur. J’étais trop pris dans l’événement et je n’avais en plus pas le niveau pour rivaliser. Sur le moment, j’ai trouvé ça génial. Mais quand je suis rentré chez moi, je me suis dit que ça n’avait pas de sens : je serai spectateur dans dix ans, quand j’aurais arrêté. Je me suis un petit peu trompé jusque-là et ça ne se reproduira pas.

En décembre 2008, tu as terminé troisième du géant de Coupe du monde à Val d’Isère après une remontée spectaculaire en seconde manche. Qu’est-ce qui a fait la différence ce jour-là au point de remonter en une manche de la trentième à la troisième place ? 

Ce sont des coups d’orgueil qui ont fait toute ma carrière. J’étais en forme cette année-là, et j’avais vraiment une sorte de honte de me retrouver 30e de la première manche en ayant fait une grosse faute. Je me suis dit que je n’étais pas à ma place. J’ai réagi à l’orgueil et c’est ce qui marche le mieux chez moi, comme aux Championnats du monde ou sur d’autres courses où je me retrouve à être énervé. En 2008 et en 2013, il y a deux exemples d’un sportif qui réagit !

En novembre 2011, tu as été victime d’une violente chute lors du Super-G de Lake Louise. Cela a-t-il été particulièrement difficile mentalement  de revenir sur les skis après cet accident ?

Oui, c’était extrêmement dur. C’était beaucoup plus dur que ce que je pensais car ton corps enregistre la chute et les douleurs. Tu as beau te dire que c’est bon, que ce n’était rien qu’une chute, tu mets en fait un temps fou à revenir car ton corps a mémorisé ces choses-là. Avec les années, c’est encore plus dur de se relever. Tu mets des semaines, des mois… C’est incroyable. Cette chute en 2011 est un très mauvais souvenir. Ça m’a beaucoup appris mais c’est franchement à éviter dans la vie d’un athlète. Je suis encore abimé à cause de cette chute.

Lors des Jeux Olympiques de Sotchi, tu auras 32 ans. Pars-tu dans l’optique de continuer après ou bien vises-tu Sotchi comme dernier défi ?

Je vise encore deux années : les Jeux Olympiques et ensuite les Championnats du monde à Beaver Creek. Il y a des pistes où j’ai des chances de réussir et d’autres où j’ai peu de chances. Beaver Creek, c’est une piste qui me convient vraiment très bien.

Merci beaucoup Gauthier et bonne saison !

La carrière de Gauthier de Tessières en quelques lignes :

Spécialiste du Slalom Géant et du Super-G, Gauthier de Tessières décroche en 2001 une médaille de bronze aux Championnats du monde Junior en Super-G. En 2006, il est sélectionné aux Jeux Olympiques de Turin (39e du Super-G et abandon en géant).

Il monte sur le podium de la Coupe du monde de Val d’Isère en 2008 avec la troisième place du géant. Lors des Championnats du monde 2009 de Val d’Isère, il termine 11e du Super-G et 15e du slalom géant. En 2010, il participe aux Jeux Olympiques de Vancouver avec pour résultats une 31e place en Super-G et un abandon en géant. Un an plus tard, il devient champion du monde par équipe.

Sélectionné in extrémis pour les Championnats du monde 2013 de Schladming, il réussit l’exploit de devenir vice-champion du monde de Super-G. Aujourd’hui âgé de 32 ans, Gauthier de Tessières a pour objectif de briller lors des Jeux Olympiques de Sotchi qui auront lieu en février prochain.

Pour en savoir plus sur Gauthier, visitez son site officiel : gauthierdetessieres.com

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