Interview de Loan Bozzolo
(snowboard)

A trois mois des Jeux Olympiques de PĂ©kin 2022, nous avons interviewĂ© Loan Bozzolo. SpĂ©cialiste du snowboardcross, il a vĂ©cu une première expĂ©rience Olympique compliquĂ©e en 2018 avec l’enchaĂ®nement de deux blessures. Il aborde cette nouvelle saison avec ambitions.

Loan, tu as Ă©tĂ© victime d’une fracture du pĂ©ronĂ© deux mois avant de participer aux Jeux Olympiques de Pyeongchang 2018. On imagine que cela a Ă©tĂ© un coup dur Ă  l’époque ?

Oui. Cette blessure est arrivée dans une période où tout allait bien pour moi. J’avais 18 ans et c’était ma deuxième saison en Coupe du monde. Lors du début de saison, en septembre en Argentine, j’ai réussi deux super courses et j’ai terminé quatorzième et dix-huitième. Cela me permettait de me classer dans le top 20 mondial. L’objectif des JO s’est ainsi rapproché très rapidement. Mais lors d’une épreuve en Autriche, je me suis fait percuter par un skieur qui n’avait rien à voir avec la course. Sur le coup, je n’ai rien compris. J’ai eu un gros choc à la tête.

Quand on a fait le point, on s’est rendu compte que les JO Ă©taient deux mois plus tard, jour pour jour. Le mĂ©decin est venu me voir et m’a annoncĂ© qu’il y avait une bonne nouvelle et une mauvaise nouvelle : « La bonne nouvelle, c’est que tu t’es cassĂ© le pĂ©ronĂ© et que tu en as donc pour un mois si tout se passe bien. Il n’y a pas besoin d’opĂ©rer ni de plâtrer. La mauvaise nouvelle, par contre, c’est qu’il faut que tu fasses des examens pour ta tĂŞte. Â» En effet, j’ai Ă©tĂ© inconscient six Ă  sept minutes après mon accident et j’ai ensuite convulsĂ©, avec les yeux qui louchaient.

J’ai donc relativisé pour ma blessure au péroné. Le plus important, c’était de voir si ma tête allait bien. Je suis allé voir un neurologue à Paris, qui m’a dit que j’avais fait une grosse commotion avec deux saignements dans la tête. Il m’a annoncé que ça entraînait normalement une période de six mois sans activité physique dangereuse, afin d’écarter tout risque de choc. J’ai expliqué que j’avais les JO dans deux mois. Sur le coup, ça lui a paru fou. Mais il a dit que c’était possible en prenant des risques. Je me suis donc dit que j’avais une carte à jouer et que j’allais tout faire pour participer à ces Jeux.

« Quand je me suis relevé, j’ai regardé mon bras : il était tout tordu mais je me suis dit que ce n’était pas grave car ma tête allait »

Peux-tu nous raconter ce retour de blessure et la prĂ©paration pour les Jeux Olympiques dans ce contexte ?

La blessure Ă  la tĂŞte, c’est très particulier ! C’était une pĂ©riode assez Ă©trange car j’avais l’impression que j’allais bien mais j’avais parfois des moments d’absence. J’ai rĂ©parĂ© ma jambe. Je suis allĂ© chez le kinĂ© tous les jours et je me suis entraĂ®nĂ© comme un fou pour ĂŞtre prĂŞt pour les Jeux. J’ai pu refaire du snowboard deux ou trois semaines avant les Jeux. Mais je ne savais pas encore si je pouvais participer aux JO. En effet, je revenais de blessure et la dĂ©cision revenait Ă  la FĂ©dĂ©ration Française. La chance que j’ai eue, c’est que personne ne m’a doublĂ© au classement français malgrĂ© mes forfaits en Coupe du monde.

Une semaine avant les Jeux, je suis allé à une Coupe du monde en Allemagne. J’avais le droit de faire uniquement les entraînements et les qualifications. En effet, le médecin ne voulait pas que je participe aux finales. Même si j’avais mal à la jambe, je me suis qualifié pour les finales, ce qui prouvait que j’étais toujours rapide. Le soir de la course, j’ai eu un rendez-vous avec un autre neurologue pour vérifier mon évolution. Il m’a dit que je pouvais tenter ma chance aux JO.

Je suis donc parti aux Jeux en n’étant pas prĂ©parĂ©. C’était très dur mentalement car le parcours des Jeux de Pyeongchang Ă©tait Ă©norme et provoquait beaucoup de chutes. C’était une première expĂ©rience Olympique et en plus, je n’étais pas prĂŞt !

Tu as terminĂ© vingt-quatrième du snowboardcross Ă  Pyeongchang, après une chute en quarts-de-finale. A l’époque, ce classement correspondait-il Ă  tes attentes Ă©tant donnĂ© le contexte ?

Oui. J’avais pour objectif de faire une belle performance mais j’avais aussi la tĂŞte sur les Ă©paules : je savais que je revenais de loin et que c’était dĂ©jĂ  bien que je sois aux JO. Le premier jour d’entraĂ®nement s’est bien passĂ©. Mais lors du deuxième jour d’entraĂ®nement, lors du dernier passage avant les Jeux, j’ai fait une chute. La veille de la course, je n’étais pas bien. J’ai passĂ© beaucoup de temps avec mon prĂ©parateur mental pour me remettre comme il le fallait.

Le matin de la course, j’avais dĂ©jĂ  pour objectif de ne pas me pulvĂ©riser. J’ai effectuĂ© les qualifications tranquillement. En effet, les qualifications aux Jeux Olympiques sont un peu spĂ©ciales car tout le monde est qualifiĂ© quoiqu’il arrive : le classement influence juste sur le choix de la porte de dĂ©part. Lors des huitièmes-de-finale, il y a eu beaucoup de chutes et j’ai terminĂ© troisième de mon passage, ce qui m’a qualifiĂ©. En quarts-de-finale, on est arrivĂ©s Ă  six sur un saut et seulement deux sont restĂ©s debout. Je me suis cassĂ© le bras. Quand je me suis relevĂ©, j’ai regardĂ© mon bras : il Ă©tait tout tordu mais je me suis dit que ce n’était pas grave car ma tĂŞte allait. J’étais content de ma participation malgrĂ© la blessure.

Tu avais 18 ans lors de ces Jeux Olympiques. MalgrĂ© la blessure, as-tu ressenti toute la magie des Jeux Olympiques ?

C’était vraiment fou de se dire qu’après y avoir pensĂ© pendant tant d’annĂ©es, j’y Ă©tais ! J’étais Ă  l’évĂ©nement sportif le plus incroyable ! Les gens allumaient leur tĂ©lĂ© ou se dĂ©plaçaient pour nous regarder ! J’ai vĂ©cu la magie des Jeux comme je l’imaginais. La seule chose que je regrette, de ne pas avoir vĂ©cu l’après-Jeux car j’étais Ă  l’hĂ´pital. J’étais seul dans mon lit d’hĂ´pital quand les autres fĂŞtaient les mĂ©dailles. Il y avait plus joyeux comme après-course ! Mais tout le reste Ă©tait incroyable.

« J’ai fait ce qu’il fallait pour exceller et il n’y a plus qu’à ! »

En 2019, tu es devenu champion du monde junior Ă  la fois en individuel et par Ă©quipe. Penses-tu que l’épidĂ©mie de covid-19 qui a commencĂ© en 2020 et les courses annulĂ©es ont freinĂ© ta progression après ces titres ?

Je ne pense pas. J’ai rĂ©ussi Ă  trouver tous les rĂ©glages en 2019 et c’est pour ça que j’allais vite et que j’ai gagnĂ© beaucoup de courses cette annĂ©e-lĂ . Mon annĂ©e 2020 a Ă©tĂ© assez compliquĂ©e mais je ne pense pas que ce soit Ă  cause du contexte du covid-19. A chaque fois que j’étais bien sur une course et que j’allais vite, j’avais un souci matĂ©riel ou j’étais victime d’un fait de course. Je n’ai jamais rĂ©ussi Ă  faire le rĂ©sultat voulu et « mĂ©ritĂ© Â».

En Ă©quipe de France, tu as cĂ´toyĂ© plusieurs annĂ©es le double champion Olympique 2014 et 2018 Pierre Vaultier. Penses-tu que t’entraĂ®ner avec lui a pu t’apporter des choses dans ta progression ?

Oui, clairement ! Il y avait beaucoup de choses pour lesquelles on n’avait pas besoin de s’occuper grâce Ă  Pierre. Pour la prĂ©paration des planches par exemple, on choisissait souvent la mĂŞme planche et la mĂŞme structure que lui. Si on avait une question technique sur le parcours, on lui demandait et il nous donnait son avis. On s’entraidait tous. ĂŠtre avec des athlètes aussi forts dans une Ă©quipe est très bĂ©nĂ©fique. Que ce soit avant avec Pierre ou maintenant avec Merlin Surget, cela marche vraiment bien.

Peux-tu nous raconter comment tu te prépares avant une course, sur le côté physique et le côté mental ?

Comme tout sportif, on a une routine d’échauffement. On fait un réveil musculaire et un gros échauffement avant d’aller sur la neige. Ensuite, on fait quelques pistes de libre pour retrouver des sensations et tester la neige. Puis il y a la reconnaissance du parcours, car il y a toujours quelques changements. Juste avant un passage, je fais de la visualisation. Je m’imagine très rapidement dans le parcours. Je me répète mon passage plusieurs fois dans ma tête, jusqu’à ce qu’il soit comme je le souhaite. Si c’est un run à plusieurs, je sais que la course va totalement changer selon ce que font les autres. Il faut essayer de s’imaginer et d’anticiper toutes les possibilités de course.

Les Jeux Olympiques de PĂ©kin auront lieu en fĂ©vrier prochain. Comment va se passer la qualification ?

Pour être sélectionné aux JO de Pékin, il faut être classé dans les 32 meilleurs mondiaux et dans les quatre meilleurs Français sur une période de deux ans. Le classement a déjà commencé l’année dernière. Je suis actuellement dix-septième mondial et deuxième Français.

Pour finir, quels sont tes objectifs pour cette saison ?

Je suis conscient de mon niveau et je sais que je vais vite. Mes ambitions, c’est de « tout péter » ! Je veux de très gros résultats. J’ai fait ce qu’il fallait pour exceller et il n’y a plus qu’à !

Merci beaucoup Loan et bonne chance pour cette nouvelle saison !

La carrière de Loan Bozzolo en quelques lignes :

Spécialiste de snowboardcross, Loan Bozzolo participe à sa première épreuve de Coupe du monde en décembre 2016. En 2017, il termine 45e des Championnats du monde et remporte une épreuve de Coupe d’Europe.

Lors des Jeux Olympiques de Pyeongchang 2018, il se classe 24e après avoir été éliminé en quarts-de-finale. En 2019, il devient champion du monde junior à la fois en individuel et par équipe. Cette année-là, il termine également 10e des Championnats du monde et remporte trois Coupes d’Europe.

En 2021, il se classe 21e des Championnats du monde et 17e du classement général de la Coupe du monde. Aujourd’hui âgé de 22 ans, Loan Bozzolo vise les Jeux Olympiques de Pékin qui auront lieu en février 2022.

drapeau olympique Participation aux Jeux Olympiques de Pyeongchang 2018

Un commentaire pour cet article
  1. […] Pour relire l’interview de ChloĂ© Trespeuch sur notre site (mai 2016), cliquez ici. Pour relire celle de Loan Bozzolo (novembre 2021), cliquez ici. […]

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