Le 12 fĂ©vrier 2002, Richard Gay a remportĂ© la mĂ©daille de bronze des Jeux Olympiques de Salt Lake City en ski de bosses. A l’occasion des 20 ans de ce podium, il nous raconte comment il a vĂ©cu cette performance de l’intĂ©rieur.
Richard, vous avez remporté la médaille de bronze des Jeux Olympiques de Salt Lake City il y a exactement vingt ans. A l’époque, cette médaille était-elle pour vous une belle surprise ou bien un objectif clair en arrivant aux Jeux ?
C’était vraiment un objectif clair en arrivant aux Jeux. J’avais alors 31 ans et je savais que j’étais sur la fin de ma carrière. Je n’avais malheureusement pas participé aux précédents Jeux à Nagano parce que j’étais blessé. J’étais conscient que Salt Lake City seraient mes seuls et derniers Jeux Olympiques. Je voulais finir en apothéose.
J’avais assez bien construit cet objectif car je me rapprochais au classement général de la Coupe du monde au fur et à mesure des années. Je montais assez régulièrement sur les podiums. Être médaillé à Salt Lake City n’était donc pas une surprise !
Pouvez-vous nous raconter un peu votre arrivée à Salt Lake City et votre préparation de la course ?
Les Jeux Olympiques se construisent pendant plusieurs années mais aussi sur la semaine des Jeux. On n’a pas eu de compétition la semaine avant l’épreuve Olympique. On a aussi eu quelques jours « off ». Quand je suis arrivé sur la piste de Salt Lake City, cela faisait huit ou neuf jours que je n’avais pas skié. On n’avait pas l’habitude d’avoir une telle coupure.
Au fur et à mesure de la semaine, on a repris les bases. On a effectué une première journée de ski sans sauter. On a ensuite commencé à faire des sauts simples, puis des sauts avec des figures. Comme on remplissait les objectifs de la journée de notre entraîneur, on gagnait en confiance chaque jour. Evidemment, on savait les sauts qu’on allait réaliser en finale ainsi que le temps à accomplir pour avoir une chance de monter sur le podium. Mais la construction a été vraiment très mathématique.
Deux jours avant ma compétition, il y avait l’épreuve de bosses des femmes. Tous mes collègues de l’équipe s’étaient placés en bas dans l’aire d’arrivée. Moi, j’avais décidé de monter avec mes skis près de l’aire de départ afin de m’imprégner de l’ambiance. Je ne voulais surtout pas que ça me surprenne le jour de la course. Je me suis rendu compte que la piste était la même que d’habitude, sauf qu’il y avait en bas un gradin avec 15 000 personnes, des télés partout et un protocole particulier. Je m’en suis imprégné.
« Dans mon run de finale, il n’y a pas grand-chose à jeter »
Comment avez-vous vécu la course de l’intérieur ?
Quand je suis arrivée le jour de la course, j’avais gagné en capital confiance. En effet, j’avais réalisé de supers entraînements et j’avais l’impression d’être un peu chez moi car j’avais déjà vécu l’ambiance deux jours avant avec la course des filles.
Lors du premier run de qualification, je me suis dit qu’il fallait absolument que je sois dans les cinq premiers, car sinon ce serait dur d’aller décrocher une médaille. Bingo, je me suis classé cinquième des qualifications ! Le travail était fait, il ne restait plus qu’à appuyer sur le bouton vert pour la finale !
Dans mon run de finale, il n’y a pas grand-chose à jeter. J’ai fait une petite faute mais je n’aurais pas vraiment pu faire mieux. Je n’aurais pas pu avoir la médaille d’or car il y avait un Finlandais très fort. J’ai énormément appris en sérénité et c’était une belle expérience d’accomplissement jour après jour !
De façon plus globale, quels souvenirs gardez-vous de ces Jeux Olympiques de Salt Lake City ?
C’était la première fois que je vivais les Jeux. Tout était fait pour nous. On était juste entre athlètes et entraîneurs. J’ai aimé le fait de se retrouver avec les athlètes d’autres disciplines. Dans le bâtiment « France », il y avait les hockeyeurs et les patineurs. Les skieurs alpins passaient de temps en temps. On était dans un cocon entre sportifs et c’était une ambiance très sympa. Il y avait aussi un sentiment de patriotisme assez fort. Il y avait une dizaine de bâtiments, et chaque nation était dans un bâtiment. J’avais beaucoup de fierté à entrer dans le bâtiment « France ».
Par contre, ce qui était particulier, c’est qu’on était six mois après les attentats du 11 septembre et il y avait des contrôles de sécurité partout. C’était assez contraignant pour les déplacements. A chaque fois qu’on entrait sur la piste de compétition, on devait passer à travers le détecteur de métaux. On devait souvent montrer son passeport. Mais de façon générale, c’était très bien !
Quatre ans avant cette médaille à Salt Lake City, vous n’aviez pas été sélectionné pour les Jeux Olympiques de Nagano 1998. A l’époque, cela avait-il été difficile à digérer ?
En 1998, l’équipe de France de ski de bosses avait une grosse densité. Je ne faisais clairement pas partie des médaillables. J’étais dans les sélectionnables, mais on était sept ou huit à pouvoir prétendre à une place. Aller aux Jeux de Nagano n’aurait pas été une surprise pour moi, mais j’aurais clairement pris la quatrième et dernière place des quotas français.
Je n’ai pas pu aller aux Jeux de Nagano parce que je me suis blessé en juin 1997. Je n’ai pas pu skier les glaciers pendant deux mois et demi. Je suis revenu au mois de septembre avec beaucoup de retard au niveau physique et sur les skis. Je n’ai pas pu rattraper ce retard et j’ai vite compris, dès les premières compétitions de la saison, que je n’irais pas à Nagano. C’était donc une demi-déception.
Cela m’a permis de repartir sur le circuit de la Coupe d’Europe et de la Coupe du monde, de remettre des choses en place, de gagner des courses et de gagner en confiance.
« Je ne me suis même pas échauffé et je suis monté au départ ! »
Votre carrière a également été marquée par le petit globe de cristal des bosses parallèles remporté en 2002, ainsi que six podiums dont une victoire en Coupe du monde. En dehors de votre médaille Olympique, quel moment vous a donné le plus d’émotions ?
C’est la course que j’ai gagné en parallèles à Steamboat, aux Etats-Unis, un mois et demi avant les Jeux. Cela m’a fait très plaisir car je courrais très souvent après les podiums. En 2001, j’ai été quatrième des Championnats du monde, quatrième du classement général de la Coupe du monde, quatre fois quatrième en Coupe du monde… Je n’avais que la médaille en chocolat ! Pourtant, j’étais l’athlète le plus régulier de la Coupe du monde, toutes nations confondues. Cette victoire à Steamboat a donc été très forte !
J’ai aussi un souvenir très particulier de mon dernier podium, lors des finales de la Coupe du monde en 2002 au Japon. Le premier jour, il y avait la finale du parallèle. C’est là que j’ai ramené le globe de cristal du classement de la Coupe du monde. A ce moment-là , j’ai considéré que ma carrière était terminée : j’avais rempli mon objectif Olympique et j’avais un globe dans la poche ! Le deuxième jour, il restait la course en simple. Je pouvais jouer un podium mais j’ai décidé de ne pas faire cette course. La pression de l’hiver était retombée, j’avais rempli mes objectifs et j’étais vraiment fatigué physiquement. Aussi, les conditions étaient compliquées et la neige était dure lors du premier jour. Je ne suis donc pas allé faire les entraînements. Je suis juste allé sur place pour regarder mes potes courir. Et à ce moment-là , je me suis rendu compte que la neige était bien meilleure que la veille ! J’ai discuté avec un copain en bas de la piste et je lui ai dit que ça avait vraiment l’air d’être des bonnes conditions. Il m’a répondu : « Pourquoi tu ne vas pas au départ ? ».
Je ne me suis même pas échauffé et je suis monté au départ ! J’ai fait un run de dingue, le deuxième meilleur score de l’histoire du freestyle à l’époque, et j’ai gagné les qualifications. Dans l’euphorie, je suis remonté pour participer à la finale. J’ai finalement terminé deuxième de la course. C’est un souvenir particulier car j’ai réussi à faire une superbe deuxième place sans préparation, juste avec l’expérience. Et il y avait une ambiance de fou car cela se déroulait au Japon, où le ski de bosses est mis en avant.
Vous avez arrêté votre carrière en ski de bosses un mois seulement après les JO de Salt Lake City, à l’âge de 31 ans. A quel moment avez-vous pris cette décision et pourquoi ?
La décision était prise très en amont. Quand on commence à monter sur des podiums de Coupe du monde, il y a deux choses qui nous font rêver : les médailles aux Championnats du monde et aux Jeux Olympiques. Quand je suis arrivé aux Jeux de Salt Lake City, j’avais 31 ans. Le prochain gros objectif aurait été les Jeux Olympiques de Turin 2006, mais cela m’amenait à 35 ans. Cela aurait été impossible : je n’aurais pas pu tenir au niveau physique encore quatre ans. La décision était donc prise un an avant.
Mais je n’avais pas souhaité l’officialiser avant. En effet, on a dans ce cas une pression particulière des médias, qui soulignent que c’est votre seule chance d’être médaillé Olympique. J’ai officialisé ma fin de carrière juste après les JO. A partir du moment où j’avais rempli tous mes objectifs, j’avais un sentiment d’accomplissement.
Vous avez vécu en même temps la période d’après-médaille Olympique et celle d’arrêt de carrière. Comment avez-vous vécu cette transition ?
J’ai pris un été complètement « off ». Sinon, deux mois après les Jeux Olympiques, j’avais pris contact avec pas mal de sociétés. Mon objectif était de rentrer dans la vie active assez rapidement, tout en restant dans le milieu du ski. J’ai signé un partenariat avec un gros fabriquant de sport français, pour lequel j’ai continué à faire quelques compétitions, en skicross. J’ai surtout beaucoup travaillé sur le développement produit avec eux. C’était une période un peu faste pour moi : quand on arrive avec une médaille Olympique dans une entreprise, c’est plus simple d’être reçu. Après, il faut bien sûr faire ses preuves. Ce n’est pas parce qu’on a été un bon athlète qu’on sera un bon ambassadeur ou un bon collaborateur. Les portes se sont donc assez bien ouvertes pour moi !
Quelles ont été les principales lignes de votre reconversion depuis l’arrêt de votre carrière et que devenez-vous aujourd’hui ?
J’ai travaillé pour l’industrie du ski pendant cinq ans. Après, j’ai repris pendant trois ans l’entraînement dans le club des sports de Megève et au Comité du Mont-Blanc car le sport de compétition me manquait un peu.
Depuis une dizaine d’années, j’ai plusieurs activités : j’ai deux magasins dans la station de Megève où je fais de la location de skis traditionnelle avec un service un peu plus de conciergerie. On chouchoute bien nos clients. Mon autre passion est l’immobilier. J’ai une petite boîte de promotion immobilière. Je diversifie un peu mes investissements parce que j’ai besoin d’avoir des projets devant moi et des objectifs. C’est ce qui m’anime et me fait lever le matin !
Merci beaucoup Richard pour votre disponibilité !
La carrière de Richard Gay en quelques lignes :
Spécialiste du ski de bosses, Richard Gay participe à sa première épreuve de Coupe du monde en 1995 et signe son premier podium en 1996 (3e place). Il n’est pas sélectionné pour les Jeux Olympiques de Nagano 1998 à cause de la grande densité de l’équipe de France et d’une blessure.
En 1999, il monte sur deux podiums de Coupe du monde (deux fois 2e) et termine 12e des bosses et 5e des bosses parallèles aux Championnats du monde. Lors des Championnats du monde 2001, il est 4e des bosses et 9e des bosses parallèles.
Il atteint le sommet lors de la saison 2001-2002. Il décroche la médaille de bronze des Jeux Olympiques de Salt Lake City 2002. Il obtient également cette saison-là une victoire en Coupe du monde de bosses parallèles (à Steamboat), deux podiums et le globe de cristal du classement général de la Coupe du monde des bosses parallèles. Il arrête sa carrière en 2002, à l’âge de 31 ans. Aujourd’hui, Richard Gay travaille dans les domaines de la location de skis et de la promotion immobilière.
Participation aux Jeux Olympiques de Salt Lake City 2002
Médaillé de bronze aux Jeux Olympiques de Salt Lake City 2002 (ski de bosses)
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