A 25 ans, Maurice Manificat est dĂ©jĂ l’un des leaders du ski de fond français. En 2010, il s’est distinguĂ© aux Jeux Olympiques de Vancouver avec une sixième place sur le 15 km style libre et une quatrième place en relais. Entretien.
Maurice, ta saison 2010-2011 a été marquée par les Championnats du monde d’Oslo, où tu as notamment terminé sixième du 15 km classique. Quel regard portes-tu sur ces Championnats du monde ?
J’en garderai un grand souvenir ! Dans le monde du ski de fond, c’est un événement presque plus gros que les Jeux Olympiques. On a été un peu estomaqué par le monde qu’il y avait au bord des pistes. On se serait cru dans un stade de foot plein ! Le départ de la double poursuite, qui était notre première course, était magique ! La foule criait en cœur, ça résonnait dans le stade, c’était énorme !
Au niveau des résultats, ça n’a pas été « le top du top ». Personnellement, j’ai fait une bonne course sur ce 15 km classique avec ma sixième place. Ca m’a « satisfait » parce qu’à la base, ce n’était pas la course la plus ouverte. J’ai fait des progrès en style classique et le staff technique avait bien bossé : on avait réussi à trouver le bon fartage et les bons skis ce jour-là .
Mais c’est donc surtout un grand souvenir pour l’événement, étant donné la ferveur populaire qu’il y a en Norvège pour le ski de fond, qui est le sport national là -bas. Même les coachs expliquaient qu’ils n’avaient jamais vu ça depuis les Jeux de Lillehammer ! Ils m’ont dit : « tu ne reconnaîtras pas ça tant qu’il n’y aura pas un nouveau Championnat du monde en Norvège ». C’est pour te dire l’ambiance qu’il y avait !
En février 2010, tu as participé aux Jeux Olympiques de Vancouver. Considères-tu que la quatrième place en relais à quelques secondes du podium est la plus grosse désillusion de ta carrière à ce jour ?
C’est sûr que ça a été un jour difficile. A la fin, il y a eu beaucoup d’émotions… On n’est pas passé loin du tout puisqu’on était « sur la boîte » jusqu’au dernier relais. Mais avec Northug à la fin (un skieur norvégien, ndlr), il fallait s’attendre à un retour ! Globalement, durant cette quinzaine, l’équipe a été bien préparée. Vincent (Vittoz, ndlr), Jean-Marc (Gaillard, ndlr) et moi étions vraiment dans une grosse forme. On a fait un relais solide, on avait fait la meilleure équipe possible du moment et on a tout donné. Il n’y a pas de regret à avoir ! C’est vrai qu’être médaillé aux JO, ça change une carrière ! Mais j’en garde un super souvenir, même s’il y avait de la déception.
Il s’agissait de tes premiers Jeux Olympiques. Tu y allais avec l’intention d’aller chercher une médaille ou plus dans l’idée de prendre de l’expérience pour la suite de ta carrière et notamment les Jeux de Sotchi en 2014 ?
La saison précédente, je n’avais pas réalisé de podium, à part en relais à La Clusaz. Je n’avais donc pas fait de résultats probants qui permettaient de dire que j’allais faire une médaille aux JO de 2010. Mais lors d’un événement comme les Jeux Olympiques, tu ne peux pas partir en disant : « je vais faire quinzième », « je vais faire dixième »… Ca ne sert à rien ! On ne se rappelle que des médaillés aux Jeux Olympiques. Dans ma tête, j’étais donc parti pour faire une médaille ! Le skate était ma « course préférée », le format de course qui me convient le mieux. Je partais donc pour remporter une médaille sur cette épreuve et sur le relais.
Finalement, ça s’est plutôt bien passé : j’ai terminé sixième au 15 km skate, à quelques dizaines de secondes du podium, et j’ai fait un gros relais. J’ai réussi à être en forme pour ces deux courses-là . Mais les JO, c’est tout ou rien. Donc oui, j’y allais pour une médaille, mais malgré tout ça m’a fait une bonne expérience. J’y suis allé avec de l’ambition !
Mis à part tes propres compétitions, quels souvenirs gardes-tu de ces Jeux Olympiques ?
Avant les JO, on avait fini la préparation sur l’île de Vancouver, au Mont Washington. Je n’étais encore jamais allé au Canada et c’était une première pour moi d’être sur le continent américain. Voir les paysages et les Rocheuses, c’était grandiose ! On était monté lors d’un après-midi repos au Mont Washington : au sommet, il y avait neuf mètres de neige ! On skiait sur la cime des arbres ! Je n’avais jamais vu ça !
Sinon, sur le site des Jeux, l’organisation du village olympique est une grosse usine. En l’espace de quinze jours, c’est une miniville avec tout à volonté. Ce qui m’a marqué aussi, c’est que c’est beaucoup axé sur la sécurité : tu passes les portillons, tu as l’impression de te retrouver dans un aéroport tous les jours.
J’ai aussi un bon souvenir de quand j’étais allé voir les épreuves de biathlon, lors des médailles de Vincent Jay en poursuite et de Martin Fourcade en mass start. Là , j’ai vécu les Jeux côté supporter, dans les gradins. C’était assez génial ! Mais sinon, en tant que sportif, tu ne profites pas pareil que les supporters. Le but, c’est quand même d’aller chercher des médailles !
Peu après les JO, en mars 2010, tu as remporté ta première épreuve de Coupe du monde lors de la poursuite de Lahti. Comment as-tu fait pour rester concentré et ne pas connaître de relâchement après un événement comme les JO ?
Je rentrais des JO et je sentais que j’étais fatigué, surtout mentalement du fait d’être parti tout le mois de février. J’étais content de rentrer et ça m’a fait du bien de pouvoir récupérer deux ou trois jours à la maison. Je savais qu’il allait manquer Northug et pas mal des meilleurs mondiaux à Lahti, donc je me suis dit que c’était l’occasion de faire une belle place et que je pouvais rentrer dans le top 10. Je sentais que je n’étais pas au fond du gouffre, j’avais juste besoin de rentrer à la maison. Du coup, j’ai réussi à me remobiliser très vite. Et puis j’étais en très grosse forme physiquement. Je pense que j’ai eu mon pic de forme à cette épreuve de Lahti. Il n’y a donc pas eu de déconcentration, j’étais tout de suite remobilisé et motivé pour cette course !
Mais Ă la base, je ne partais pas du tout dans l’optique de faire un podium ! Pour tout le monde, mĂŞme les coachs, c’était une surprise ! Je garde un super souvenir du finish avec Lukas Bauer ! Lahti, c’est une piste que j’aime bien ! D’ailleurs, j’ai remis ça cette annĂ©e en terminant deuxième, juste devant Vincent qui a terminĂ© troisième.
Tu es jeune et en pleine progression, et le leader emblématique du ski de fond français Vincent Vittoz a mis un terme à sa carrière récemment. Penses-tu par conséquent que l’on va attendre plus de toi ? Sens-tu plus de pression ?
Oui, mais ça reste du ski de fond donc les medias ne nous sautent pas dessus ! Il reste quand même Jean-Marc, qui avait le plus d’expérience après Vincent. Lui et moi, on est les deux leaders de l’équipe car nous avons les meilleurs résultats pour l’instant.
C’est bien d’avoir un peu plus de place dans l’équipe, de pouvoir affirmer ses choix et orienter un peu le travail du groupe. Mais je ne ressens pas plus de pression, je sais ce que j’ai à faire. Forcément, il faudra voir cet hiver quand on arrivera sur les courses. Avant, quand Vincent faisait un mauvais résultat et que l’on n’était pas très bons non plus, les medias parlaient de lui, alors que là , ça reposera sur nous si on n’a pas les résultats escomptés. Mais pour l’instant, c’est tranquille, il n’y a pas plus de pression que ça !
En ski de fond, les épreuves se disputent en style classique ou en style libre. Comment gères-tu ton entraînement ? Privilégies-tu l’un des deux styles ?
Non, on essaie d’équilibrer l’entraînement. Je faisais beaucoup plus de classique (en tout cas de ski roues classique) quand j’étais plus jeune, mais ces dernières années, je travaille autant les deux techniques. J’avais un point faible en classique et c’est donc où là je mettais l’accent. En skate, je suis assez à l’aise, j’y fais mes meilleures performances. Mais la technique se travaille tout le temps dans les deux styles. Ca dépend aussi des endroits d’entraînement. Parfois, il y a des sites où tu vas va faire du classique parce que ça monte plus, alors que tu vas faire un peu plus de skate sur des endroits un peu plus vallonnés ! Sur le glacier l’été, on travaille plus le classique à cause des conditions et de la neige de printemps. On ajuste, mais on essaie globalement de faire moitié-moitié !
Le ski de fond te permet-il de vivre financièrement ? As-tu un travail ou des études à côté ?
Maintenant, à mon niveau, j’en vis. Je suis agent contractuel des douanes. J’ai un contrat depuis juillet 2009 et j’ai donc une paie de douanier, mais je suis totalement détaché pour mon sport. L’Armée et les Douanes sont les deux administrations qui aident le sport de haut niveau au sein de la Fédération Française de Ski. Je représente l’Etat français et en échange, je suis payé. Après, il y a les primes de courses en plus.
Mais avant que j’aie ma paie de douanier, je n’en vivais pas. Je vivais aux frais de mes parents et avec l’aide des bourses. Le contrat Douanes ou Armée dans le ski de fond, c’est indispensable ! En équipe de France, on est six ou sept chez les hommes à avoir un contrat avec les administrations. Du coup, on est très peu à vivre de notre sport en France !
Merci beaucoup Maurice pour ta gentillesse et ta disponibilité !
Remerciements également à Chloé Guittet.
Crédit photos : Getty Images North America, Alexander Hassenstein (photo 1) et Shaun Botterill (photo 3)
La carrière de Maurice Manificat en quelques lignes :
Maurice Manificat obtient son premier podium de Coupe du monde en 2008 : il finit troisième avec le relais français à La Clusaz. Il décroche son premier podium individuel en décembre 2009 en terminant 3e du 15 km style libre à Davos.
En février 2010, il participe aux Jeux Olympiques de Vancouver. Il se distingue avec une 6e place sur le 15 km style libre et une 4e place en relais, à quelques secondes à peine du podium. Il dispute également le 30 km de ces JO (26e place). En mars 2010, il remporte l’épreuve de Coupe du monde de poursuite à Lahti. Peu après, il termine 2e de la finale de la Coupe du monde. Au classement général sur la saison, il est 5e mondial.
En 2011, il prend la 5e place du 15 km classique lors des Championnats du monde. Il décroche également deux nouveaux podiums (2e à Lahti et 3e à Rybinsk sur le 20 km poursuite). A 25 ans, il est déjà l’un des leaders de l’équipe de France.
Pour en savoir plus sur Maurice, visitez son blog : mauricemanificat.over-blog.com
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