Interview d’AlizĂ©e Baron
(skicross)

Alizée Baron a remporté la médaille de bronze des Championnats du monde de skicross en 2019. Elle nous parle de cette performance ainsi que de ses deux participations aux Jeux Olympiques, marquées par une cinquième place à Pyeongchang en 2018.

AlizĂ©e, tu as participĂ© Ă  tes premiers Jeux Olympiques en 2014 Ă  Sotchi, terminant Ă  la vingtième place. Qu’est-ce-qui t’a le plus marquĂ©e lors de ces premiers Jeux Olympiques ?

Les Jeux Olympiques sont clairement 100 fois mieux qu’Europa-Park et Disneyland rĂ©unis. C’est un Ă©vĂ©nement au-delĂ  de l’imaginable. En tant qu’athlète, on nous prĂ©pare Ă  tout ça quand on a notre ticket pour les Jeux. Mais en fait, il y a encore plus d’engouement que ce qu’on nous dit. J’ai le souvenir d’avoir vĂ©cu un rĂŞve Ă©veillĂ© pendant quinze jours. Tout Ă©tait fou ! D’ailleurs, c’est peut-ĂŞtre ça qui m’a coĂ»tĂ© cher. J’ai vĂ©cu ces JO un peu comme spectatrice. Je rĂŞvais d’y participer depuis que j’étais petite, et je me suis rendue compte que c’était encore plus fou que ce que j’avais imaginĂ©. Mais je n’ai aucun regret d’avoir vĂ©cu ce moment Ă  fond car j’étais jeune et j’avais eu cette sĂ©lection contre toute attente. Cela m’a vraiment servi pour la suite de ma carrière !

Tu as terminĂ© cinquième des Jeux Olympiques de Pyeongchang 2018. Avec le recul, ce rĂ©sultat est-il une dĂ©ception de ne pas avoir eu de mĂ©daille  ou bien une satisfaction d’une belle place d’honneur ?

C’était d’abord une dĂ©ception, parce qu’on cherche uniquement la mĂ©daille quand on est aux Jeux. Mais après, quand on y rĂ©flĂ©chit, le contexte Ă©tait particulier car je revenais de blessure. J’avais Ă©tĂ© opĂ©rĂ©e du dos un an auparavant et je ne savais alors pas si c’était la fin de ma carrière. Cela a Ă©tĂ© une course contre la montre d’un an, pendant lequel j’ai vĂ©cu chaque jour pour les Jeux. J’étais heureuse d’avoir gagnĂ© ce contre la montre, d’avoir Ă©tĂ© prĂ©sente et d’avoir skiĂ© Ă  mon meilleur niveau Ă  Pyeongchang. C’était loin d’être gagnĂ© ! Finalement, j’ai Ă©tĂ© Ă©liminĂ©e en demi-finale sur une erreur qui arrive tous les jours en skicross. Cela ne m’a pas suffisamment souri ce jour-lĂ  mais je n’ai aucun regret car j’ai donnĂ© mon maximum. Il faut ĂŞtre honnĂŞte, il y a une part de chance dans le haut niveau et il m’en a manquĂ© un peu ce jour-lĂ .

« C’était clairement épouvantable de se faire éliminer en demi-finales »

Tu as remportĂ© la petite finale de ces Jeux Olympiques de Pyeongchang. Comment as-tu rĂ©ussi Ă  te remotiver après ton Ă©limination en demi-finales ?

C’était clairement Ă©pouvantable de se faire Ă©liminer en demi-finales. C’est le plus gros coup de couteau que j’ai pu prendre dans ma carrière. Ce qui est drĂ´le, c’est que la personne qui m’a remobilisĂ©e n’est autre que celle qui allait devenir championne Olympique un quart d’heure plus tard ! En effet, la Canadienne Kelsey Serwa m’a vu effondrĂ©e dans la raquette d’arrivĂ©e et c’est la seule personne qui est venue me voir avant cette petite finale. Elle m’a dit qu’elle Ă©tait déçue pour moi, que j’étais une super athlète, que j’aurais une autre chance d’avoir cette mĂ©daille, et qu’il ne fallait pas que j’abandonne. J’ai alors pris une seconde claque ! Elle avait raison : les Jeux ne sont que tous les quatre ans et il fallait que j’aille au bout des choses.

Finalement, j’ai pris mon temps pour digérer tout ça. En skicross, quand on se fait éliminer en demi-finale, on remonte au départ et ils lancent la petite finale dès que les quatre athlètes sont présentes. Je savais pertinemment cela alors j’ai pris mon temps. Quand je suis arrivée au départ, j’étais de nouveau dans ma bulle et prête à aller jusqu’au bout des choses.

As-tu abordé ces Jeux Olympiques de Pyeongchang différemment de ceux de Sotchi grâce à ton expérience ?

J’ai vraiment abordĂ© ces Jeux diffĂ©remment de ceux de Sotchi. Avec le recul, je n’ai pas honte de dire que je suis allĂ©e Ă  Sotchi en tant que spectatrice. A l’époque, je dĂ©couvrais l’ampleur de l’évĂ©nement et tout l’engouement autour. En 2018, j’étais prĂ©parĂ©e Ă  tout ça. Le contexte n’était pas une pression : au contraire, il m’a galvanisĂ©e. Je suis arrivĂ©e Ă  Pyeongchang avec encore plus de professionnalisme et de sĂ©rĂ©nitĂ©, et avec l’objectif clair de remporter une mĂ©daille. Du coup, j’ai peut-ĂŞtre moins vĂ©cu l’évĂ©nement qu’à Sotchi. J’ai moins pris part Ă  tout ce cĂ´tĂ© festif de l’évĂ©nement. Je ne pensais qu’à mon Ă©preuve. J’ai quand mĂŞme eu la chance de faire la cĂ©rĂ©monie d’ouverture, un Ă©vĂ©nement particulier qui permet de se dire que les Jeux sont lancĂ©s. Pyeongchang Ă©tait donc pour moi l’opposĂ© de Sotchi.

En 2019, tu as remportĂ© la mĂ©daille de bronze des Championnats du monde. Cette mĂ©daille est-elle le meilleur souvenir de ta carrière Ă  ce jour ?

Je n’ai pas vraiment de meilleur souvenir, mais c’est sĂ»r que cette mĂ©daille fait partie des meilleurs souvenirs. C’était l’aboutissement d’une course d’un jour et c’était ma première vraie mĂ©daille mondiale. Un an après les JO oĂą j’avais terminĂ©e seulement cinquième, c’était un soulagement et un aboutissement pour tout le travail et les sacrifices effectuĂ©s. J’ai vraiment vu cette mĂ©daille comme une rĂ©compense pour tous les gens qui s’investissent pour moi depuis des annĂ©es. J’étais contente d’avoir quelque chose de concret Ă  leur offrir ! C’était vraiment une fiertĂ© !

« Après coup, je pense que la blessure est très enrichissante pour connaître son corps et pour pouvoir construire quelque chose de solide »

Le départ en skicross en primordial. As-tu une routine physique ou mentale juste avant un départ ?

Oui. J’ai ma routine, comme tout sportif je pense. Mais j’essaie qu’elle soit quand même assez vaste, de façon à pouvoir m’adapter à toute éventualité. Je fais en sorte de ne pas vraiment être arrêtée sur un protocole précis. J’ai un petit protocole d’échauffement, où j’essaie de ne rien oublier. J’essaie de me sentir bien et en forme. C’est un échauffement physique mais aussi mental. Je fais beaucoup de visualisation. Je me mets dans une bulle, je me remémore le parcours, je revisualise les entraînements que j’ai faits juste avant pour savoir où est-ce que je peux doubler et où je dois faire attention.

La saison dernière, tu as eu une saison blanche suite Ă  une blessure et une opĂ©ration au dos. MĂŞme si cela a dĂ» ĂŞtre une pĂ©riode difficile, penses-tu que cela peut avoir un impact positif sur la suite ?

Après coup, je pense que la blessure est très enrichissante pour connaĂ®tre son corps et pour pouvoir construire quelque chose de solide. On se retrouve Ă  repartir de zĂ©ro. On a la chance de pouvoir reconstruire en essayant de gommer quelques imperfections ou des erreurs qu’on a pu faire auparavant. Cette blessure a Ă©tĂ© une bouffĂ©e d’air. J’ai pu prendre du recul et ĂŞtre sĂ»re de mes objectifs. Je me suis rendue compte que j’aimais le ski plus que tout. Au-delĂ  de mon sport, ce qui m’a le plus manquĂ© est la compĂ©tition et la confrontation. Sur le coup, la blessure a l’air toujours nĂ©gative. Mais après coup, c’est une bouffĂ©e d’air frais et c’est une opportunitĂ© de construire une meilleure athlète !

A cause du covid-19, la saison 2020/2021 comporte des incertitudes sur le dĂ©roulement des Ă©preuves. Comment vis-tu ces incertitudes et es-tu inquiète pour les Jeux Olympiques de PĂ©kin qui auront lieu dans un an et demi?

Pour le moment, je ne m’en inquiète pas plus que ça car de toute façon, personne ne sait vraiment oĂą on va. J’ai anticipĂ© et je suis prĂŞte affronter des changements de dernière minute grâce Ă  ma prĂ©paratrice mentale. Je ne suis pas inquiète pour les Jeux, ils sont dans longtemps. La seule chose qui m’interpelle un peu, c’est qu’ils auront lieu six mois après les Jeux d’étĂ©. J’espère qu’il y aura quand mĂŞme le mĂŞme engouement. Sinon, on est habituĂ© aux changements de dernière minute dans le ski et on fait avec les conditions du moment. Parfois, on est prĂŞt pour une compĂ©tition mais il neige 30 cm et la course est annulĂ©e. Je vais faire exactement la mĂŞme chose avec le covid-19. Si le programme doit changer Ă  la dernière minute, il faudra que je m’adapte. De toute façon, je ne serai pas la seule Ă  subir l’évĂ©nement ! Il faudra que je reste concentrĂ©e sur mes objectifs. Je me sens prĂŞte. Je saurais aborder les changements le moment venu !

Merci beaucoup Alizée et bonne chance pour cette nouvelle saison !

La carrière d’Alizée Baron en quelques lignes :

Alizée Baron monte sur son premier podium de Coupe du monde en 2012. L’année suivante, elle atteint les demi-finales des Championnats du monde. Lors des Jeux Olympiques de Sotchi 2014, elle se classe 20e.

En 2015, elle remporte sa première épreuve de Coupe du monde (à Äre) et termine 2e du classement général. Lors des Jeux Olympiques de Pyeongchang 2018, elle est éliminée en demi-finale mais remporte la petite finale et se classe ainsi 5e.

Elle se distingue aux Championnats du monde 2019 en remportant la médaille de bronze. Aujourd’hui âgée de 28 ans, Alizée Baron compte 16 podiums de Coupe du monde.

drapeau olympique Participations aux Jeux Olympiques de Sotchi 2014 et Pyeongchang 2018

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